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03/07/2023 | FRANCE | N°21MA03662

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 03 juillet 2023, 21MA03662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée B.O. Transactions a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Pierrefeu-du-Var à lui payer la somme de 100 000 euros au titre d'un contrat de mandat de vente conclu entre elles.

Par un jugement n° 1802774 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2021, la société B.O. Transactions, représentée par Me Mino, dema

nde à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune à lui payer la somme d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée B.O. Transactions a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Pierrefeu-du-Var à lui payer la somme de 100 000 euros au titre d'un contrat de mandat de vente conclu entre elles.

Par un jugement n° 1802774 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2021, la société B.O. Transactions, représentée par Me Mino, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune à lui payer la somme de 100 000 euros outre intérêts à compter de la " date de dépôt de la présente requête " ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a, en concluant un contrat de vente sur la base d'éléments différents de ceux prévus dans le mandat qu'elle lui avait confié, commis une faute contractuelle et fait preuve de déloyauté ;

- elle a donc droit à être indemnisée à hauteur de la rémunération perdue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, la commune de Pierrefeu-du-Var, représentée par Me Parisi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés.

Par une ordonnance du 22 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2022 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Duran-Stephan, pour la commune de Pierrefeu-du-Var.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 28 septembre 2017, le conseil municipal de Pierrefeu-du-Var (Var) a autorisé son maire à procéder à la vente amiable d'un terrain de camping municipal " Le Deffends de Becasson ", d'une superficie de 58 508 m², ainsi que du fonds de commerce qui y est attaché. La commune a alors lancé une procédure de consultation en vue de l'attribution du bien. Sollicité par la société B.O. Transactions, le maire de la commune a confié à celle-ci deux mandats de vente portant respectivement sur le fonds de commerce et sur le foncier. La société B.O. Transactions ayant rencontré des difficultés pour évaluer le fonds de commerce, un nouveau mandat de vente du foncier sans exclusivité a été conclu le 8 février 2018 au prix net vendeur de 1 600 000 euros, augmenté d'une commission de 100 000 euros toutes taxes comprises à la charge de l'acquéreur. Dans le cadre de la consultation, huit candidats ont remis une offre d'acquisition dont celle de MM. Nore, Jean et Cadoret, qui se sont recommandés de la société B.O. Transactions. Par délibération du 15 mai 2018, le conseil municipal a finalement autorisé la vente du foncier et du fonds de commerce à la société Enazur, acquéreur non présenté par la société B.O. Transactions, pour un montant de 2 000 000 euros. Par courrier du 24 mai 2018, la société B.O. Transactions a alors demandé à la commune de Pierrefeu-du-Var de l'indemniser à hauteur de la commission de 100 000 euros perdue. Par le jugement attaqué, dont la société B.O. Transactions relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de cette société tendant à la condamnation de la commune de Pierrefeu-du-Var à lui payer cette même somme de 100 000 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'exception d'invalidité du contrat :

2. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

3. S'il résulte du 2° de l'article 14 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics que les règles s'imposant aux marchés publics en vertu de cette ordonnance ne sont pas applicables aux contrats qui ont pour objet l'acquisition d'un bien immeuble, le contrat de mandat en cause n'a pas lui-même un tel objet, mais a été conclu en vue de la fourniture à la commune d'une prestation de service à titre onéreux, au sens de l'article 4 de cette ordonnance relatif à son champ d'application. Dès lors, la conclusion du mandat de vente aurait dû être précédée d'une mise en concurrence dans les conditions prévues par cette ordonnance. Faute d'avoir organisé une telle mise en concurrence, la commune a donc commis une irrégularité.

4. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le maire aurait entendu favoriser la société B.O. Transactions, qui, informée par la procédure de consultation engagée par la commune, avait spontanément démarché cette dernière. En l'absence d'une telle intention, la seule absence de mise en concurrence du mandat de vente ne constitue pas en l'espèce, compte tenu du principe de loyauté des relations contractuelles, un vice d'une particulière gravité devant conduire à écarter le mandat.

En ce qui concerne le droit à indemnité de la société :

5. La société B.O. Transactions soutient que la commune a, en concluant un contrat de vente sur la base d'éléments différents de ceux prévus dans le mandat qu'elle lui avait confié, commis une faute contractuelle et fait preuve de déloyauté.

6. Aux termes du mandat de vente confié par la commune à la société B.O. Transactions : " (...) Rémunération du mandataire hors taxes : 83 333 € plus TVA au taux en vigueur, à la charge de l'acquéreur (...) Ce mandat, SANS EXCLUSIVITE, est consenti et accepté pour une période irrévocable de trois mois (...) Pendant la durée du mandat, le mandat s'engage à signer aux prix, conditions et charges convenues tout compromis ou promesse de vente avec tout acquéreur présenté par le mandataire (...) En cas de non-respect d'une ou plusieurs de ces obligations ci-dessus, le mandat versera au mandataire, à titre de clause pénale, une indemnité forfaitaire et irréductible qu'il accepte définitivement et entièrement, d'un montant égal à la rémunération TTC stipulée au recto ".

7. Il résulte des termes même du contrat conclu entre la commune et la société B.O. Transactions que le mandat confié à cette dernière ne comportait pas de clause d'exclusivité. Ce mandat ne faisait dès lors pas obstacle à ce que la commune conclût la vente avec un tiers, en l'espèce un groupement composé des sociétés Enazur et SG2I, moyennant un prix de 1 716 000 euros pour le foncier, et 284 000 euros pour le fonds de commerce, alors que l'acquéreur démarché par la société B.O. Transactions proposait un prix de 1 600 000 euros pour le seul foncier.

8. La circonstance que la vente ainsi conclue portait non seulement sur le foncier, mais également sur le fonds de commerce, n'est pas de nature à caractériser une manœuvre déloyale de la part de la commune. D'ailleurs, la société n'ignorait pas que la commune avait, depuis l'origine, l'intention de céder non seulement le foncier mais également le fonds de commerce, ainsi que cela résultait de la délibération 28/09/17-15 du conseil municipal en date du 28 septembre 2017 et des premiers mandats confiés le 5 septembre 2017 à la société B.O. Transactions.

9. Il résulte de ce qui précède que la société B.O. Transactions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Pierrefeu-du-Var à indemniser le préjudice qu'elle estimait avoir subi.

Sur les frais liés au litige :

10. Aucune somme ne peut être mise à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société B.O. Transactions une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Pierrefeu-du-Var à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société B.O. Transactions est rejetée.

Article 2 : La société B.O. Transactions versera à la commune de Pierrefeu-du-Var une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société B.O. Transactions et à la commune de Pierrefeu-du-Var.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2023.

N° 21MA03662 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03662
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : MINO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-03;21ma03662 ?
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