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27/06/2023 | FRANCE | N°22MA01902

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 27 juin 2023, 22MA01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du ju

gement à intervenir aux fins de lui délivrer un titre de séjour, sous une astrein...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir aux fins de lui délivrer un titre de séjour, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2201737 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, M. E..., représenté par Me Léonard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juin 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois aux fins de lui délivrer un titre de séjour et ce, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros toutes taxes comprises (TTC), laquelle sera distraite au profit de son conseil qui s'engage alors à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

Sur l'illégalité externe des " décisions faisant grief " :

- ces décisions sont entachées d'un défaut de motivation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée du vice d'incompétence ;

- en vertu du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait dû recueillir ses observations préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

Sur l'illégalité externe des " décisions faisant grief " :

- sur l'illégalité interne de la décision portant refus d'admission au séjour :

. la " décision faisant grief " est illégale en ce que chacun des arguments avancés par le préfet des Bouches-du-Rhône à son soutien est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. ni le tribunal administratif de Marseille, ni le préfet des Bouches-du-Rhône n'ont fait une juste application du 11° de l'ancien article L. 313-11 et du nouvel article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. le manque d'accès aux soins dans son pays d'origine est qualifiable de traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée est par conséquent contraire à ces stipulations ;

. tant le tribunal administratif de Marseille que le préfet des Bouches-du-Rhône ont méconnu les dispositions de l'accord franco-algérien ainsi que celles du 7° de l'ancien article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et du nouvel article L. 423-23 de ce même code ;

. le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tant sa " décision " que le jugement du tribunal administratif de Marseille révèlent une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur sa situation ;

- sur l'illégalité interne de la décision fixant le pays de destination :

. cette décision est entachée du vice d'incompétence ;

. le fait d'exécuter une obligation de quitter le territoire français à son encontre serait constitutif d'une atteinte excessive à sa vie privée, contraire aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

. la décision fixant le pays de destination est illégale dans la mesure où elle est la conséquence immédiate du refus d'admission au séjour portant obligation de quitter le territoire français, lui-même illégal.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 3 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 février 2023, à 12 heures.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Né le 6 décembre 1993 et de nationalité comorienne, M. E... a sollicité, le 20 juillet 2020, le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré en qualité d'étranger malade et qui était valable du 28 juin 2019 au 27 juin 2020. Par un arrêté du 28 décembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à cette demande qui, présentée le 20 juillet 2020, soit postérieurement à l'expiration de ce titre de séjour, et n'entrant pas dans les prescriptions de l'article 1er de l'ordonnance susvisée du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour, doit s'analyser comme une première demande de délivrance d'un tel titre. Par ce même arrêté du 28 décembre 2021, le représentant de l'Etat a également fait obligation à M. E... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai. M. E... relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En se bornant à reprocher aux premiers juges, dans les développements de sa requête susvisée qu'il consacre aux moyens dirigés contre l'arrêté préfectoral contesté du 28 décembre 2021, de n'avoir pas répondu " sur ce point " ou " à cet argument ", M. E... ne peut être regardé comme ayant invoqué, de manière suffisamment claire et précise, un moyen tiré de ce que lesdits juges auraient omis de répondre à certains des moyens qu'il avait soulevés devant eux, ni même que ces derniers auraient insuffisamment motivé leur jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de l'arrêté préfectoral contesté du 28 décembre 2021 :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions contenues dans cet arrêté :

3. L'arrêté préfectoral contesté du 28 décembre 2021, pris en l'ensemble de ses décisions, mentionne les éléments de faits propres à la situation de M. E... et énonce les considérations de droit sur lesquelles il est fondé. Il est ainsi suffisamment motivé au regard tant des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration que de celles de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que ce moyen doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la légalité de cet arrêté en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, M. E... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur leur fondement et que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'y était pas tenu, n'a pas examiné d'office sa demande au regard de ces dispositions. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

5. En deuxième lieu, l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ". S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Pour refuser à M. E... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 14 janvier 2021, dont il a décidé, sans pour autant s'estimer lié par

celui-ci, de s'approprier les termes. Cet avis indique que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que, à la date de cet avis, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester le sens de cet avis, l'appelant produit des pièces médicales mais celles-ci se bornent à décrire son état de santé, la pathologie dont il souffre et les traitements qui lui sont administrés. Elles ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause les conclusions du collège de médecins de l'OFII, qui a estimé, ainsi qu'il vient d'être dit, que

M. E... pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il en est de même du certificat médical du 12 janvier 2022 qui est insuffisamment circonstancié sur ce point. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas davantage entaché son arrêté contesté d'une erreur d'appréciation. Ces moyens doivent dès lors être écartés.

7. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

8. Si M. E... se prévaut de sa présence ininterrompue en France depuis l'année 2013 et de son intégration à la société française, les pièces qu'il verse aux débats sont insuffisantes pour démontrer le bien-fondé de ces allégations. En effet, l'appelant ne justifie pas de son insertion, notamment professionnelle, dans la société française, ni de liens personnels qu'il aurait tissés en France. Il est célibataire et sans enfant. Il ne dispose pas d'un logement propre et ne fait état d'aucune source de revenus. Il est hébergé par Mme A... C... qu'il présente comme étant sa mère et dont il affirme, sans le démontrer, qu'elle résiderait régulièrement sur le territoire français. S'il soutient que son état de santé nécessite un environnement familial, M. E... ne fait pas état de la situation d'autres membres de sa famille, comme son père, et ce faisant, il n'établit pas être dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt ans. Dans ces conditions, en refusant à M. E... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté à son droit à mener en France une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels sa décision a été prise. Cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième et dernier lieu, si M. E... soutient que la décision portant refus de séjour serait illégale dès lors que " chacun des arguments avancés par le préfet des Bouches-du-Rhône à son soutien est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation ", ces moyens ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, ils ne peuvent qu'être écartés.

10. Il s'ensuit que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2021 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour.

En ce qui concerne la légalité de cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

11. D'une part, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

12. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, le ressortissant étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il suit de là que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, M. E..., qui a sollicité le " renouvellement " de son titre de séjour le 20 juillet 2020, et qui, au demeurant, n'apporte aucune précision quant aux éléments qu'il aurait pu porter à la connaissance de l'administration s'il avait été expressément invité à le faire, n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu le droit à être entendu qu'il tient des principes généraux du droit de l'Union européenne. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

13. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 du présent arrêt, et eu égard à la nature et aux effets propres de la mesure d'éloignement en litige, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que cette mesure aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il s'ensuit que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la légalité de cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement :

15. Premièrement, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Il suit de là que ce moyen ne peut qu'être écarté.

16. Deuxièmement, comme l'a relevé à juste titre et à bon droit le tribunal administratif de Marseille au point 2 de son jugement attaqué, il ressort des pièces du dossier que M. D... B..., signataire de l'arrêté préfectoral contesté, bénéficiait, en sa qualité de chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône, par un arrêté du 31 août 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 13-2021-247 du 1er septembre 2021, d'une délégation à l'effet de signer notamment les décisions fixant le pays de destination. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte uniquement invoqué en cause d'appel en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement doit être écarté comme manquant en fait.

17. Troisièmement, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

18. M. E... soutient qu'en cas de retour aux Comores, il risquerait d'y subir des traitements inhumains et dégradants dès lors que le suivi médical dont il y bénéficierait ne serait pas adapté à sa pathologie. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, l'appelant ne démontre pas l'absence de traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine et, plus largement, il n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucun élément de nature à établir qu'en cas de retour dans ce pays, il y serait personnellement exposé à des risques réels pour sa vie ou à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui, au demeurant, comme l'a rappelé le tribunal administratif de Marseille au point 11 de son jugement attaqué, n'est pas opérant à l'encontre de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.

19. Il s'ensuit que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2021 en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

21. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. E... tendant à l'application combinée des articles 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... E..., à Me Anne Léonard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

2

No 22MA01902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01902
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LEONARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-27;22ma01902 ?
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