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27/06/2023 | FRANCE | N°21MA02639

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 27 juin 2023, 21MA02639


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1802558, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la décision du 26 avril 2018 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer du Var lui a notifié le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) au titre de l'année 2017 et la décision du 29 juin 2018 portant rejet de son recours préalable, en deuxième lieu, d'enjoindre à l'Etat de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois et sous

astreinte, en troisième lieu, de condamner l'administration au paiement des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1802558, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la décision du 26 avril 2018 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer du Var lui a notifié le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) au titre de l'année 2017 et la décision du 29 juin 2018 portant rejet de son recours préalable, en deuxième lieu, d'enjoindre à l'Etat de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois et sous astreinte, en troisième lieu, de condamner l'administration au paiement des intérêts moratoires sur les sommes dont elle est débitrice et, en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 1901132, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la décision, non datée, par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer du Var lui a notifié le montant de son IFSE au titre de l'année 2018, en deuxième lieu, d'enjoindre à l'Etat de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois et sous astreinte, en troisième lieu, de condamner l'administration au paiement des intérêts moratoires sur les sommes dont elle est débitrice et, en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

III. Sous le n° 2001820, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, d'annuler la décision du 2 mars 2020 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer du Var lui a notifié le montant de son IFSE au titre de l'année 2019, en deuxième lieu, d'enjoindre à l'Etat de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois et sous astreinte, en troisième lieu, de condamner l'administration au paiement des intérêts moratoires sur les sommes dont elle est débitrice et, en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Après avoir joint ces trois demandes, le tribunal administratif de Toulon les a, par un jugement nos 1802558, 1901132, 2001820 du 22 avril 2021, rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Tisler, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 avril 2021 ;

2°) d'annuler " les décisions par lesquelles le directeur départemental des territoires et de la mer du Var l'a classée dans le groupe de fonctions n° 4 et lui a notifié le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise pour les années 2017 à 2019 " ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans un délai de

quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de fixer une astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur l'irrégularité du jugement attaqué :

- il ressort de ses trois demandes de première instance qu'elle a entendu soulever à titre subsidiaire le moyen tiré de l'irrégularité de son classement dans le groupe de fonctions n° 4 à l'appui d'une exception tirée de l'illégalité de la décision du 21 novembre 2017 pour contester les décisions postérieures fixant les modalités d'attribution de son IFSE ; elle a également entendu, à titre infiniment subsidiaire, contester l'irrégularité d'un tel classement au regard des notes de gestion applicables aux attachés d'administration de l'Etat ; elle a entendu faire état d'éléments de nature à remettre en cause la légalité de la " décision précitée " au regard du principe d'égalité ; le tribunal administratif de Toulon s'est donc mépris sur l'interprétation de ses moyens en omettant de statuer sur ceux-ci ;

- faisant usage de ses pouvoirs d'instruction, le tribunal administratif de Toulon aurait dû demander la communication, auprès de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Var, des éléments permettant de vérifier la légalité de son classement dans le groupe de fonctions n° 4 au regard de la situation des agents placés dans une situation identique à la sienne ;

- le tribunal administratif de Toulon a considéré à tort qu'elle s'était vue notifier un montant de prime de 9 630 euros brut annuel, soit 8 535 euros net, au titre de de l'année 2016, puis un montant identique pour les années 2017 à 2019, et que le directeur départemental des territoires et de la mer du Var n'avait pas commis d'erreur de droit en lui notifiant un tel montant inchangé pour les années 2017, 2018 et 2019 ; ledit tribunal a ainsi dénaturé les décisions contestées ;

Sur l'absence de bien-fondé du jugement attaqué :

- à titre principal :

. le tribunal administratif de Toulon a commis une erreur de droit en considérant que la note de gestion du 18 juin 2019 était applicable à sa situation ;

. le tribunal administratif de Toulon a également méconnu les dispositions des articles 7 et 8 du décret n° 2017-1419 du 28 septembre 2017 dont les dispositions ne font pas référence aux groupes de fonctions tels que prévus par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014, de telle sorte que le pouvoir réglementaire n'a pas soumis la fixation et l'évolution du montant de l'IFSE des agents permanents syndicaux en considération des modalités particulières déterminées par le ministre compétent en matière de groupes de fonctions ;

. au sein du ministère de l'écologie, le montant de l'IFSE et l'évolution annuelle de la moyenne des montants des indemnités servies aux agents du corps des attachés d'administration exerçant effectivement leurs fonctions à temps plein s'apprécient au regard des données contenues dans le bilan social annuel ; les données inscrites dans les bilans sociaux n'étant toutefois pas suffisantes en elles-mêmes pour déterminer avec précision ce montant, il n'est pas possible de calculer le montant moyen hors le complément indemnitaire annuel sans que le ministère de l'écologie ne produise des données complémentaires ; en application des articles 7 et 8 du décret du 28 septembre 2017, elle aurait dû toucher les montants moyens touchés par les agents bénéficiant du grade d'attachés d'administration de l'Etat au sein du corps desdits attachés affectés dans les services déconcentrés, indépendamment des groupes de fonctions institués au sein du ministère de l'écologie ;

- à titre subsidiaire :

. les décisions contestées sont illégales en raison de l'illégalité de la décision la classant dans le groupe de fonctions n° 4 au titre de l'année 2016, laquelle méconnaît les dispositions des notes de gestion applicables ainsi que le principe d'égalité de traitement entre agents appartenant à un même corps, et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- à titre infiniment subsidiaire :

. le classement dans le groupe de fonctions n° 4 par les décisions contestées est irrégulier : il ressort de la note de gestion du 30 septembre 2016 que si les permanents syndicaux exerçant leur mandat avant le 1er janvier 2017 conservent le groupe de classement défini en 2016, aucune de ses dispositions n'interdit au pouvoir réglementaire de prévoir un montant plus favorable au permanent syndical qui doit être classé dans le groupe de fonctions n° 3, à son instar et par application du dernier alinéa du point 6 de l'annexe III de la note de gestion du 27 octobre 2017 ; la DDTM du Var a donc commis une erreur de droit en s'estimant liée par la décision du 21 novembre 2017 par laquelle elle l'avait classée dans le groupe de fonctions n° 4 pour déterminer le montant de son IFSE au titre de l'année 2016 ;

. les décisions contestées ne peuvent qu'être annulées dès lors qu'elles prévoient un montant de 8 535 euros bruts qui est inférieur à la moyenne prévue par les annexes III des notes de gestion, en méconnaissance des dispositions des articles 7 et 8 du décret du 28 septembre 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, à défaut pour Mme B... d'apporter la preuve, qui lui incombe, que sa requête a été enregistrée, conformément à l'article R. 811-2 du code de justice administrative, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement attaqué, celle-ci ne pourra qu'être rejetée comme étant irrecevable car tardive ;

- à titre subsidiaire :

. les erreurs dont le jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon est affecté sont sans influence sur sa régularité, ni sur son bien-fondé ;

. l'exception d'illégalité qu'entend soulever Mme B... est irrecevable dès lors que la décision qui lui a été notifiée le 21 novembre 2017 ne constitue pas la base légale des décisions contestées et que ces dernières n'ont pas été prises pour l'application de la première ; au surplus, cette décision notifiée le 21 novembre 2017, qui ne présente pas un caractère réglementaire, est devenue définitive ;

. les autres moyens de la requête de Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le décret n° 2017-1419 du 28 septembre 2017 ;

- l'arrêté du 3 juin 2015 pris pour l'application au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création du RIFSEEP ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations tant de Me Tisler, représentant Mme B..., que de cette dernière.

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., par Me Tisler, a été enregistrée le 19 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Attachée d'administration de l'Etat, Mme B... était affectée, depuis le 1er mai 2014, au sein du service des affaires juridiques de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Var en qualité de chargée d'études juridiques, avant de se voir accorder le bénéfice d'une décharge totale d'activité de service, à compter du 1er octobre 2016, pour occuper le poste de consultante juridique au sein des pôles juridique et formation de la fédération d'un syndicat. Par trois recours distincts, Mme B... a principalement demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions par lesquelles le directeur départemental des territoires et de la mer du Var lui a respectivement notifié le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) au titre des années 2017, 2018 et 2019 ainsi que la décision du 29 juin 2018 portant rejet de son recours gracieux. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 22 avril 2021 par lequel ce tribunal, après avoir joint ces trois recours, les a rejetés et elle persiste à demander à la Cour d'annuler ces mêmes décisions dont, contrairement à ce qu'elle soutient, l'objet n'est pas de la classer dans le groupe de fonctions n° 4, au titre régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), mais, ainsi qu'il a été dit, de fixer le montant de son IFSE au titre des trois années en cause.

Sur la régularité du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon du 22 avril 2021 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur (...) peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. / Le président de la formation de jugement peut déléguer au rapporteur les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles (...) R. 613-1-1 (...) ". Selon l'article R. 613-1-1 du même code : " Postérieurement à la clôture de l'instruction ordonnée en application de l'article précédent, le président de la formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction. (...) ".

3. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour répondre aux moyens invoqués devant eux par Mme B... avant la clôture de l'instruction dans les trois affaires dont ils ont eu à connaître, les premiers juges n'auraient pas été suffisamment éclairés par les éléments produits spontanément par les deux parties à l'instance ou suite à la demande qu'ils ont eux-mêmes formulée le 28 décembre 2020, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, auprès du préfet du Var.

4. En deuxième lieu, la circonstance qu'au point 8 de leur jugement attaqué du 22 avril 2021, les premiers juges ont évoqué le versement à Mme B... d'un montant de 8 535 euros " nets " alors qu'en réponse à la mesure d'instruction susmentionnée du 28 décembre 2020, le préfet du Var avait indiqué qu'il s'agissait d'une somme brute a trait au bien-fondé de ce jugement, et non à sa régularité. Il en est de même de l'allégation de l'appelante, pourtant formulée dans les développements de sa requête consacrés à la régularité du jugement attaqué, selon laquelle les premiers juges auraient relevé à tort que le directeur départemental du territoire et de la mer n'aurait pas commis d'erreur de droit en lui notifiant un montant inchangé de 8 535 euros annuel pour les années 2017, 2018 et 2019.

5. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " A cet égard, si le juge doit statuer sur l'ensemble des moyens et conclusions qui lui sont soumis, il n'est en revanche pas tenu de répondre à la totalité des arguments présentés à l'appui de ces moyens et conclusions.

6. D'une part, si Mme B... reproche aux premiers juges de ne pas avoir répondu à un moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision qui lui a été notifiée le 21 novembre 2017 et par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer du Var lui a notifié son montant d'ISFE au titre de l'année 2016 en tant, notamment, que cette décision méconnaîtrait le principe d'égalité entre les agents publics, il résulte de la lecture de ses écritures de première instance qu'à la date de la clôture de l'instruction dans chacune des trois affaires soumises à cette juridiction, elle ne pouvait être regardée comme ayant invoqué, de manière suffisamment claire et précise, un tel moyen. D'autre part, et au vu de la teneur des développements de ses écritures de première instance, les premiers juges ont répondu, au point 10 de leur jugement attaqué, au moyen tiré de ce que son classement dans le 4ème groupe de fonctions serait irrégulier.

7. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon du 22 avril 2021 serait irrégulier sur ces points.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon du 22 avril 2021 :

8. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) dans la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 (...) peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret (...) ". Selon l'article 2 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. / Le versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est mensuel. ".

9. En vertu de ces dispositions, par l'arrêté susvisé du 3 juin 2015, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et le secrétaire d'Etat chargé du budget ont fixé les montants de référence de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise ainsi que le nombre de groupes de fonctions pour les attachés d'administration de l'Etat. En application de l'article 2 précité du décret du 20 mai 2014, cet arrêté se limite à fixer le nombre de groupes de fonctions pour ce corps interministériel, sans prévoir quelles fonctions en relèvent et il revient à chaque ministre, dans l'exercice de ses prérogatives d'organisation des services placés sous son autorité, de répartir, dans le respect des règles générales fixées par ces dispositions, les fonctions relevant de leurs administrations au sein des groupes de fonctions prévus pour chaque corps. Le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, et la ministre de la cohésion des territoires ont fixé de telles règles, en premier lieu, par une note de gestion du 27 octobre 2017, pour les agents bénéficiant du RIFSEEP et relevant de leurs départements ministériels. De telles notes de gestion précisent les modalités de mise en œuvre du RIFSEEP.

10. D'autre part, en vertu de l'alinéa 1er de l'article 8 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige, le droit syndical est garanti aux fonctionnaires qui peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. Aux termes de l'article 33 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat. " Selon l'article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, auquel renvoyait l'article 64 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ".

11. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire de l'Etat qui bénéficie d'une décharge totale de service pour l'exercice d'un mandat syndical a droit, durant l'exercice de ce mandat, que lui soit maintenu le bénéfice de l'équivalent des montants et droits de l'ensemble des primes et indemnités légalement attachées à l'emploi qu'il occupait avant d'en être déchargé pour exercer son mandat, à l'exception des indemnités représentatives de frais et des indemnités destinées à compenser des charges et contraintes particulières, tenant notamment à l'horaire, à la durée du travail ou au lieu d'exercice des fonctions, auxquelles le fonctionnaire n'est plus exposé du fait de la décharge de service (CE, Section, 27 juillet 2012, n° 344801, A).

12. Par ailleurs, aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 28 septembre 2017 relatif aux garanties accordées aux agents publics exerçant une activité syndicale : " L'agent bénéficiant d'une décharge totale (...) conserve le montant annuel des primes et indemnités attachées aux fonctions exercées dans son corps ou cadre d'emplois avant d'en être déchargé. / Toutefois, pour les versements exceptionnels modulés au titre de l'engagement professionnel ou de la manière de servir, l'agent bénéficie du montant moyen attribué aux agents du même corps ou cadre d'emplois et relevant de la même autorité de gestion. (...) " Selon l'article 8 du même décret : " Sous réserve que cette progression soit favorable à l'intéressé, le montant des primes et indemnités mentionné au premier alinéa de l'article 7 progresse selon l'évolution annuelle de la moyenne des montants des mêmes primes et indemnités servies aux agents du même corps ou cadre d'emplois, relevant de la même autorité de gestion, exerçant effectivement leurs fonctions à temps plein et occupant un emploi comparable à celui que l'agent occupait précédemment. / (...) / A défaut d'emploi comparable, le montant indemnitaire versé à l'agent concerné correspond à la moyenne des montants servis aux agents du même grade exerçant leurs fonctions à temps plein et relevant de la même autorité de gestion. " Ces dispositions de l'article 8 du décret du 28 septembre 2017 ont ainsi pour objet de fixer les règles selon lesquelles progressent les primes et indemnités servies aux fonctionnaires bénéficiant d'une décharge d'activité en vue d'exercer une activité syndicale pendant une quotité horaire égale ou supérieure à 70 %, et non les principes selon lesquels est fixé le montant annuel des primes et indemnités de ces mêmes fonctionnaires, lesquels sont prévus à l'article 7 du même décret.

13. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient Mme B..., la circonstance que les articles 7 et 8 du décret du 28 septembre 2017 ne font pas expressément référence aux groupes de fonctions dont il est fait état aux dispositions précitées de l'article 2 du décret susvisé du 20 mai 2014 portant création d'un RIFSEEP dans la fonction publique de l'Etat n'a pas pour effet d'exclure l'application de ces dispositions à un agent bénéficiant d'une décharge totale d'activité de service. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'au titre de l'année 2016, par une décision du directeur départemental des territoires et de la mer du Var qui lui a été notifiée le 21 novembre 2017, le montant annuel de l'IFSE versé à Mme B... a été fixé, alors qu'elle occupait encore les fonctions de chargée d'études juridiques au sein du service des affaires juridiques de la DDTM du Var, lesquelles ont été classées dans le groupe de fonctions n° 4, à 8 535 euros bruts, et non nets comme l'a relevé par erreur le tribunal administratif de Toulon dans son jugement attaqué. En outre, et alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative d'apprécier le montant de l'IFSE et l'évolution annuelle de la moyenne des montants des indemnités servies aux agents du corps des attachés d'administration exerçant leurs fonctions à temps plein au regard des données contenues dans le bilan social annuel du ministère dont il relève, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des notes de gestion applicables à sa situation, au nombre desquelles, contrairement à ce qu'a jugé, là encore par erreur, le tribunal administratif de Toulon, ne figure pas celle du 18 juin 2019 relative à la mise en œuvre du RIFSEEP des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts affectés au ministère de la transition écologique et solidaire, et au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, que la moyenne de l'IFSE pour le groupe de fonctions n° 4 des attachés d'administration affectés en services déconcentrés entre 2017 et 2019 ait connu une évolution annuelle. Enfin, il est constant qu'au cours de cette période, Mme B... n'a pas bénéficié d'un avancement de grade, d'une promotion de corps ou d'une mutation. Si Mme B... conteste son rattachement au groupe de fonctions n° 4 et soutient qu'en application du dernier alinéa du point 6 de l'annexe III de la note de gestion du 27 octobre 2017, elle aurait dû être classée au sein du groupe de fonctions n° 3, elle n'établit pas le bien-fondé de cette allégation et il ressort de la lecture de ce point 6 que son dernier alinéa n'a pas vocation à s'appliquer à sa situation alors qu'elle était attachée d'administration de l'Etat depuis le 23 novembre 2013 et permanente syndicale depuis le 1er octobre 2016. Par conséquent, par ses trois décisions contestées, et sans au demeurant, qu'il ne ressorte des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par la décision notifiée à l'appelante le 21 novembre 2017 ou encore par la note de gestion du 27 octobre 2017, le directeur départemental des territoires et de la mer du Var a fait une correcte application des dispositions précitées des articles 7 et 8 du décret susvisé du 28 septembre 2017 en maintenant le montant annuel d'IFSE servie à Mme B..., au titre des années 2017 à 2019, à la somme de 8 535 euros bruts qu'elle s'était vue octroyer alors qu'elle était encore chargée d'études juridiques, poste relevant du groupe de fonctions n° 4.

Il suit de là que les moyens tirés des erreurs de droit doivent être écartés.

14. En second lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte (Conseil d'Etat, Section, 30 décembre 2013, n° 367615, A).

15. Ainsi qu'il a été déjà dit, par la décision notifiée le 21 novembre 2017, le directeur départemental des territoires et de la mer du Var a fixé le montant annuel d'IFSE servi à Mme B... au titre de l'année 2016 en précisant que son poste relevait du groupe de fonctions n° 4 et qu'il avait été tenu compte d'une quotité de rémunération à 100 %. Cette décision, qui en tout état de cause, dépourvue de caractère réglementaire et ne s'inscrivant pas dans le cadre d'une opération complexe, est devenue définitive le 22 janvier 2018, ne constitue pas la base légale des décisions contestées, lesquelles n'ont pas davantage été prises pour son application. Mme B... ne saurait se prévaloir, par voie d'exception, de son illégalité dans la présente instance. Ce moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la ministre de la transition écologique et tirée de la tardiveté de la requête, ni d'ordonner une mesure d'instruction, Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses trois demandes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme B... soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

2

No 21MA02639

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02639
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Droit syndical.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : TISLER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-27;21ma02639 ?
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