Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B... épouse A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.
Par une ordonnance n° 2202863 du 29 juin 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2022, Mme B... épouse A... C..., représentée par Me Bal, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2202863 du 29 juin 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de prendre acte de sa demande d'aide juridictionnelle et de la transmettre au bureau d'aide juridictionnelle compétent ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'ordonnance en litige est entachée d'irrégularité dès lors que ni les faits ni les moyens de légalité interne qu'elle a invoqués n'ont été suffisamment étudiés ; ses moyens étaient assortis de précisions suffisantes ;
- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation, notamment s'agissant du refus de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de la durée de son séjour en France et de ses liens familiaux en France.
Le préfet des Bouches-du-Rhône, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Le 5 juin 2023, Mme B... épouse A... C... a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020.
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chenal-Peter,
- et les observations de Me Bal, représentant Mme B... épouse A... C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A... C..., de nationalité marocaine, demande l'annulation de l'ordonnance du 29 juin 2022 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er mars 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.
Sur la demande d'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 pris pour l'application de cette loi : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence (...). / L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle (...) sur laquelle il n'a pas encore été statué ".
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer l'admission provisoire de la requérante au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".
5. A l'appui de sa demande présentée par ministère d'avocat devant le tribunal administratif de Marseille, Mme B... épouse A... C... a notamment invoqué, pour contester l'arrêté préfectoral en litige, les moyens tirés du vice de compétence, de l'insuffisante motivation de cet acte, la méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles L. 421-2 et L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et enfin des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces moyens, qui étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien et n'étaient pas dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, n'étaient ni inopérants, ni irrecevables. Les termes dans lesquels ils étaient exprimés, qui permettaient d'en saisir le sens et la portée, les rendaient suffisamment intelligibles pour que le juge exerçât son office en appréciant leur bien-fondé, alors même que l'ensemble des pièces annoncées n'étaient pas jointe à la requête introductive d'instance. Dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale, après avoir communiqué cette demande de première instance et recueilli, le cas échéant, les observations du préfet et les pièces que ce dernier verserait aux débats, de statuer sur celle-ci. Par suite, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille ne pouvait, sans excéder sa compétence, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande présentée par Mme B... épouse A... C.... Son ordonnance attaquée du 29 juin 2022 est ainsi entachée d'irrégularité et, pour ce motif, elle doit être annulée.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour la Cour, de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par Mme B... épouse A... C....
Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 13-2021-03-31-00001 du 31 mars 2021, publié au recueil des actes administratifs spécial n° 13-2021-089 du même jour de la préfecture des Bouches-du-Rhône, le préfet de ce département a donné délégation de signature à M. F... D..., chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile, à l'effet de signer tout document relevant des attributions de son bureau au nombre desquelles figurent les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que celles relatives au délai de départ volontaire et fixant les pays de destination des mesures d'éloignement. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté préfectoral contesté du 1er mars 2022 doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'arrêté préfectoral contesté du 1er mars 2022, pris en l'ensemble de ses décisions, mentionne les éléments de faits propres à la situation personnelle et familiale de Mme B... épouse A... C... et énonce l'ensemble des considérations de droit sur lesquelles il est fondé. Il est ainsi suffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que ce moyen doit également être écarté.
9. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté préfectoral contesté du 1er mars 2022 ni des autres pièces versées au dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de Mme B... épouse A... C....
10. En quatrième lieu, la requérante se prévaut de l'irrégularité de la notification de l'arrêté attaqué, en ce qu'elle ne précisait pas l'adresse exacte du tribunal, la possibilité de bénéficier de l'aide juridictionnelle ni celle d'être informée dans une langue qu'elle comprend, en violation du droit à un procès équitable et du droit à un recours effectif reconnus aux termes des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 613-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, l'ensemble de ces circonstances, relatives aux conditions de notification de l'arrêté, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
11.En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit, sous réserve du droit de l'Union européenne et des conventions internationales, l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers en France ainsi que le droit d'asile. ". L'article L. 421-2 de ce code dispose : " Par dérogation à l'article L. 433-6, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " salarié " et qui est titulaire d'une carte de séjour délivrée pour un autre motif bénéficie d'une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention demandée lorsque les conditions de délivrance de cette carte sont remplies. A l'expiration de la durée de validité de cette carte, s'il continue à en remplir les conditions de délivrance, il bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention. Lorsque l'étranger sollicite la délivrance d'une première carte de séjour pluriannuelle dans les conditions prévues au présent article, il doit en outre justifier du respect des conditions prévues au 1° de l'article L. 433-4. Et aux termes de l'article L 421-4 du même code : " Conformément à l'article L. 414-13, lorsque la demande de l'étranger concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, les cartes de séjour prévues aux articles L. 421-1 et L. 421-3 lui sont délivrées sans que lui soit opposable la situation de l'emploi. Il en va de même de l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné. ".
12. D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ". L'article 9 de cet accord stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ". Et aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° pu 2° de l'article L. 411-1. ".
13. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, les dispositions précitées des articles L. 421-2 et L 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixent les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée, sont inapplicables aux ressortissants marocains, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord. Il en résulte que Mme B... épouse A... C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...)° ".
15. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
16. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse A... C... est entrée régulièrement en France le 6 septembre 2017, munie d'un visa de long séjour, puis a été titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", valable jusqu'au 5 septembre 2020. Elle a ensuite présenté une demande d'admission au séjour le 30 juillet 2021, réceptionnée le 5 août suivant, sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain et des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle a été rejetée par l'arrêté contesté.
17. D'une part, il résulte d'une lecture combinée des dispositions de l'accord franco-marocain mentionnées au point 12 que la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " à un ressortissant marocain est subordonnée à la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative et à la production d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. En l'espèce, s'il est constant que Mme B... épouse A... C... est entrée régulièrement en France le 6 septembre 2017, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français depuis le 6 septembre 2020, date d'expiration de son dernier titre de séjour, et par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu à bon droit lui opposer l'absence de visa de long séjour pour refuser de lui délivrer un titre de séjour " salarié ".
18. D'autre part, la requérante fait valoir qu'elle est entrée régulièrement en France en 2017, qu'elle a bénéficié de plusieurs contrats à durée déterminée avant d'obtenir la signature d'un contrat à durée déterminée avec la société Agri Service 13, exploitée par son époux, en qualité d'ouvrier agricole, le 29 novembre 2019. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à eux seuls à caractériser une intégration professionnelle suffisamment durable et stable. En outre, Mme B... épouse A... C... est entrée et a résidé sur le territoire national en qualité de travailleur saisonnier, et ses contrats de travail en cette qualité ne l'autorisaient à séjourner en France que pour six mois maximum par an, la délivrance d'une carte de séjour en qualité de saisonnier étant subordonnée au maintien d'une résidence habituelle hors du territoire français. La requérante se prévaut également de la présence en France de son époux, titulaire d'une carte de résident, qui résiderait en France depuis 1989, de sa sœur, de nationalité française, ainsi que de sa mère, qui vit essentiellement sur le territoire français. Toutefois, elle ne démontre pas la communauté de vie avec son époux depuis 2017, alors que par ailleurs, les époux ont vécu séparément durant de nombreuses années. Dans ces conditions, les éléments exposés ci-dessus, relatifs à la vie personnelle et familiale de Mme B... épouse A... C... ne peuvent être regardés comme présentant le caractère de motifs exceptionnels qui auraient justifié que le préfet des Bouches-du-Rhône, dans le cadre du pouvoir de régularisation générale qu'il détient, lui délivre un titre de séjour.
19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
20. Ainsi qu'il a été dit au point 18, Mme B... épouse A... C..., entrée en France en 2017, ne justifie pas d'une intégration professionnelle suffisamment durable et stable sur le territoire français comme elle le soutient. En outre, elle fait valoir qu'elle est entrée en France en 2017 pour rejoindre M. A... C..., un compatriote qu'elle a épousé le 24 mai 2005 au Maroc, titulaire d'une carte de résident, qui serait arrivé en France en 1989. Toutefois, elle n'établit pas la communauté de vie avec son époux depuis 2017, par les seules pièces qu'elle produit, alors que les époux ont vécu séparément durant de nombreuses années et que, selon ses propres déclarations, M. A... C... s'était marié une première fois en France. Par ailleurs, si elle se prévaut également de la présence de sa sœur, de nationalité française, ainsi que de sa mère, qui vivrait essentiellement sur le territoire français, elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans au moins, soit la majorité de sa vie, au Maroc où elle n'établit pas être isolée. Elle ne justifie pas ainsi avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dans ses conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni violé les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
21. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre... ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union... ".
22. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, comme en l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de ce titre. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu le droit de Mme B... épouse A... C... d'être entendue ne peut être accueilli.
23. Par ailleurs, Mme B... épouse A... C... ne peut utilement se prévaloir directement de la méconnaissance des dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, à l'encontre de l'a décision contestée, dès lors que ces dispositions ont été régulièrement transposées en droit interne par la loi la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
24. Mme B... épouse A... C... n'établit pas l'illégalité de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône refusant son admission au séjour. Ainsi, elle n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle l'obligeant à quitter le territoire français.
25. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 20, la mesure d'éloignement de Mme B... épouse A... C... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
26. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme B... épouse A... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er mars 2022 doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
27. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... épouse A... C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
28. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme B... épouse A... C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Mme B... épouse A... C... est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : L'ordonnance du 29 juin 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 3 : La demande présentée par Mme B... épouse A... C... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... épouse A... C..., à Me Camille Bal et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2023.
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N° 22MA02157
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