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22/06/2023 | FRANCE | N°23MA00664

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 22 juin 2023, 23MA00664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2209561 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la dema

nde E... A... D... B... et a enjoint à la préfète des Alpes-de-Haute-Provence de délivr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2209561 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande E... A... D... B... et a enjoint à la préfète des Alpes-de-Haute-Provence de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 17 mars 2023 sous le n° 23MA00664, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 février 2023.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies pour les raisons exposées dans sa requête au fond visée ci-dessous.

La requête a été communiquée à Mme A... D... B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête enregistrée le 17 mars 2023 sous le n° 23MA00665, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 février 2023.

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu son office et commis une erreur de droit en faisant peser sur lui la charge de la preuve de la disponibilité du traitement requis dans le pays d'origine de l'intéressée ;

- les premiers juges ont méconnu leur office et le jugement attaqué est entaché d'un vice de procédure ainsi que d'une erreur de droit dès lors qu'il appartenait au tribunal, s'il entendait remettre en cause l'avis du collège de médecins, de demander à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire l'entier dossier du rapport médical et d'inviter cet office à présenter ses observations ;

- le tribunal a méconnu son office et a commis une erreur de droit en lui enjoignant de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " alors que la requérante avait sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le motif d'annulation fondé sur l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- aucun des autres moyens invoqués en première instance n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2023, Mme A... D... B..., représentée par Me Rudloff, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet sont inopérants ou infondés ;

- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision ne pouvait être légalement édictée dès lors qu'elle remplit les conditions pour obtenir la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 425-9 et L. 423-23 du même code ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle ne respecte pas le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un délai supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme A... D... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- et les observations de Me Rudloff, représentant Mme A... D... B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... B..., ressortissante angolaise née en 1975 et déclarant être entrée sur le territoire français au cours de l'année 2017, a sollicité en vain l'asile. Elle s'est vu délivrer, le 12 avril 2021, une carte de séjour temporaire pour raisons de santé valable jusqu'au 11 avril 2022. Par un arrêté du 1er juin suivant, la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Par un jugement du 21 février 2023, le tribunal administratif de Marseille, faisant droit à la demande E... A... D... B..., a annulé cet arrêté et a enjoint à l'autorité préfectorale de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par ses requêtes visées ci-dessus, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un même arrêt, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la cour, respectivement, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement et de l'annuler.

Sur la requête n° 23MA00665 :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". Selon le dernier alinéa de l'article R. 425-11 du même code : " Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Le dernier alinéa de l'article 3 de l'arrêté visé ci-dessus du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 dispose que : " Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office ".

3. D'une part, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

4. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Enfin, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... B..., qui souffre de troubles psychiatriques ainsi que d'une hépatite B chronique, bénéficie d'un traitement médicamenteux et d'un suivi médical. Dans son avis émis le 19 mai 2022 dans le cadre de la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par l'intéressée, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé E... A... D... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourra néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays vers lequel son état de santé lui permet de voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, sur laquelle la préfète des Alpes-de-Haute-Provence s'est notamment fondée pour refuser de renouveler son titre de séjour, Mme A... D... B... soutient que, compte tenu des carences du système de santé angolais et du risque de pénurie de médicaments ainsi que du coût élevé de ceux-ci dans son pays d'origine, elle ne pourra notamment pas y bénéficier d'une prise en charge appropriée de l'hépatite B chronique dont elle est atteinte. Toutefois, le certificat médical établi le 22 octobre 2020 par un praticien du centre hospitalier d'Avignon, s'il fait état de l'indisponibilité en Angola du " traitement par analogue nucléosidique de type Ténofovir " administré à la requérante, ne saurait suffire à démontrer l'absence de tout traitement adapté dans ce pays et à remettre en cause l'appréciation portée sur ce point plus d'un an et demi plus tard par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il en va de même des indications d'ordre général contenues dans le certificat médical établi le 13 juin 2022 par un médecin généraliste et concernant l'état de santé d'un ressortissant angolais souffrant, à l'instar E... A... D... B..., d'une hépatite B chronique, ce certificat se bornant, pour l'essentiel, à comparer les systèmes de santé français et angolais avant de renvoyer, outre à des instructions datant de 2010 et 2011, au c) du C de l'annexe II à l'arrêté du 5 janvier 2017 qui indique, sans d'ailleurs se référer spécifiquement à l'Angola, que le rapport d'experts de 2014 intitulé " Prise en charge des personnes infectées par les virus de l'hépatite B ou de l'hépatite C " a " rappelé que les moyens nécessaires à un suivi efficace et adapté de ces pathologies ne sont habituellement pas accessibles dans l'ensemble des pays en développement ". Dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les éléments produits par Mme A... D... B..., et en particulier les deux certificats médicaux évoqués ci-dessus, n'étaient pas, en raison de leur caractère insuffisamment circonstancié, de nature à remettre en cause l'appréciation de l'administration en ce qui concerne la disponibilité du traitement administré à l'intéressée, ou d'un traitement équivalent, dans son pays d'origine. A cet égard, la circonstance que l'avis émis le 19 mai 2022 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration diffère, en ce qui concerne la question de la disponibilité du traitement requis en Angola, de celui émis le 1er février 2021 par cette même instance collégiale, ne saurait suffire à démontrer l'absence d'un traitement approprié dans ce pays à la date de l'arrêté attaqué. Enfin, et de façon plus générale, les seules pièces versées aux débats par Mme A... D... B... ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier dans son pays d'origine, notamment en raison de sa situation financière, d'une prise en charge appropriée de ses différentes pathologies mentionnées ci-dessus, ni que son état de santé ne lui permettrait pas d'y voyager sans risque.

7. Par suite, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler la décision de refus de renouvellement de titre de séjour en litige ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans l'arrêté du 1er juin 2022.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A... D... B... devant le tribunal administratif ainsi que devant la cour.

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 14 février 2022 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs, la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a donné délégation à M. Paul-François Schira, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer notamment toutes les décisions relevant de la " police des étrangers ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

11. Mme A... D... B..., qui déclare être entrée sur le territoire français au cours du mois de septembre 2017, n'y justifie d'aucune attache familiale, hormis ses trois enfants nés en Angola respectivement en 2001, 2005 et 2011. Il ressort des pièces du dossier que son fils aîné s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par un arrêté du 6 décembre 2021, comportant notamment une mesure d'éloignement, dont la légalité a d'ailleurs été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Marseille. La requérante ne justifie pas, en dépit de ses efforts d'insertion professionnelle, d'une intégration particulière en France. Il n'apparaît pas qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans. Il n'est en outre pas établi que Mme A... D... B... serait dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale en dehors du territoire français, en particulier avec ses deux filles mineures, ni que ces enfants, qui poursuivent avec succès leur scolarité en France depuis plusieurs années, ne pourraient être scolarisés dans un autre pays. Dans ces conditions, la décision de refus de renouvellement de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit E... A... D... B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Il suit de là que le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, et alors qu'il est constant que la requérante n'a pas sollicité, dans le cadre de sa demande de renouvellement de titre de séjour, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne saurait, en tout état de cause, être accueilli. Il en va de même, eu égard à tout ce qui a été dit précédemment, du moyen - au soutien duquel la requérante ne peut utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 - tiré de ce que la préfète des Alpes-de-Haute-Provence aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de cette décision sur la situation E... A... D... B....

12. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

13. La décision de refus de renouvellement de titre de séjour en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme A... D... B... de ses deux filles mineures. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que ces dernières seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité dans un autre pays, notamment dans celui dont elles ont la nationalité. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la préfète des Alpes-de-Haute-Provence aurait, en édictant cette décision de refus, porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants mineurs E... Mme A... D... B.... Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne saurait être accueilli.

14. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, Mme A... D... B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

16. Le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement en litige méconnaît les dispositions citées au point précédent doit être écarté pour les mêmes raisons que celles exposées au point 6.

17. En sixième lieu, Mme A... D... B... ne pouvant, ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 11, prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que la préfète des Alpes-de-Haute-Provence ne pouvait légalement l'obliger à quitter le territoire français.

18. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 11 et 13, la mesure d'éloignement en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation E... A... D... B....

19. En huitième lieu, eu égard à ce qui précède, Mme A... D... B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

20. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".

21. Eu égard notamment à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, la circonstance que les enfants E... A... D... B... étaient alors scolarisés ne saurait suffire à établir, alors au demeurant que l'intéressée ne justifie pas avoir sollicité un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, que la préfète des Alpes-de-Haute-Provence aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de lui accorder un délai supérieur à celui de droit commun fixé par les dispositions citées au point précédent.

22. En dixième lieu, Mme A... D... B... n'est pas fondée à soutenir, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement dont elle découle.

23. En onzième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Selon le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

24. Mme A... D... B... n'établit pas, par les seules pièces qu'elle produit, que sa vie ou sa liberté seraient effectivement menacées en cas de retour dans son pays d'origine, ni que ses deux plus jeunes filles y seraient personnellement et directement exposées à un risque d'excision. La demande d'asile de l'intéressée et celles présentées pour le compte de ses filles mineures ont d'ailleurs été rejetées par des décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dont la légalité a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 octobre 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations et dispositions citées au point précédent ne saurait être accueilli.

25. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 1er juin 2022, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme A... D... B... et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au conseil de l'intéressée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance E... A... D... B.... Par voie de conséquence, les conclusions présentées par cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

Sur la requête n° 23MA00664 :

26. Le présent arrêt statuant sur la requête du préfet des Alpes-de-Haute-Provence tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 février 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur sa requête n° 23MA00664 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23MA00664 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 février 2023 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme A... D... B... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme C... A... D... B... et à Me Rudloff.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

2

Nos 23MA00664, 23MA00665

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00664
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Refus de renouvellement.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-22;23ma00664 ?
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