Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative et participative exploitée sous forme de société à responsabilité limitée Société coopérative de peinture et d'aménagement (SCPA) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la société publique locale Agence régionale d'équipement et d'aménagement de Provence-Alpes-Côte d'Azur (AREA-PACA) à lui payer la somme de 417 936,54 euros toutes taxes comprises au titre de surcoûts subis dans le cadre d'un chantier de travaux publics portant sur la construction de l'internat du lycée Thiers à Marseille.
Par un jugement n° 2000397 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2021, et un mémoire enregistré le 10 mars 2023, la société SCPA, représentée par Me Woimant, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande présentée en première instance ;
3°) de mettre à la charge in solidum de la région et de l'AREA-PACA la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la différence entre les plans figurant dans le dossier de consultation des entreprises et la réalité du chantier révèle une faute du maître de l'ouvrage ;
- elle a réalisé des prestations supplémentaires et modificatives qui doivent être rémunérées ;
- elle a subi un préjudice du fait de la modification de l'enclenchement des tâches et du retard global du chantier, qui sont imputables à des défaillances du maître de l'ouvrage ;
- aucune pénalité de retard ne pouvait lui être imputée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 octobre 2021 et le 27 mars 2023, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me Vivien, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de la société SCPA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, l'AREA-PACA, représentée par Me Pareydt, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société SCPA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés.
Par une lettre en date du 7 novembre 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 30 juin 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 5 décembre 2022.
Par ordonnance du 18 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Bezol, pour la société SCPA, et de Me Radi, pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Considérant ce qui suit :
1. Par un contrat conclu en 2005, l'Agence régionale d'équipement et d'aménagement de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (AREA-PACA), agissant en qualité de maître d'ouvrage délégué par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, a confié à la société SCPA le lot n° 5, intitulé " Cloisons Doublages Faux-plafonds - Revêtements sols murs - Menuiseries intérieures ", d'un marché public ayant pour objet la construction de l'internat du lycée Thiers à Marseille, moyennant un prix global et forfaitaire de 2 141 350,36 euros toutes taxes comprises. Après l'exécution du marché, la société SCPA a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de la région et de son maître d'ouvrage délégué à lui payer la somme de 417 936,54 euros toutes taxes comprises en règlement du marché. Par le jugement attaqué, dont la société SCPA relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les prestations supplémentaires et modificatives :
2. Dans le cas où le titulaire d'un marché public de travaux conclu à prix global et forfaitaire réalise des études, démolitions, terrassements ou constructions qui excèdent, par leurs caractéristiques, les prestations contractuellement prévues, ces prestations supplémentaires ou modificatives doivent être rémunérées sur la base des prix du marché, à la condition qu'elles aient été prescrites par un ordre de service régulier, ou, à défaut, qu'il soit établi que ces prestations supplémentaires ou modificatives étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.
3. La société SCPA demande à être rémunérée à hauteur de travaux supplémentaires et de plus-values liées à des modifications dans les prestations contractuelles qui lui ont été demandées. Elle demande, à ce titre, une somme de 25 300 euros hors taxes au titre de la modification du revêtement de protection des couloirs, une somme de 22 890 euros hors taxes au titre de la modification des portes des chambres, une somme de 86 180 euros hors taxes au titre de la modification du mobilier des chambres, une somme de 21 000 euros au titre de la modification du cloisonnement et de l'isolation des combles, et une somme de 7 600 euros au titre de la réalisation de trappes de visite non prévues contractuellement.
4. Toutefois, la société SCPA ne soutient pas que la réalisation de ces prestations, excédant les prestations contractuellement prévues, lui aurait été prescrite par un ordre de service, ni qu'elles étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Elle n'a dès lors pas droit à obtenir une rémunération à ce titre. Elle ne peut pas plus invoquer le bénéfice de l'article 14 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux qui, en tout état de cause, ne concerne que " les prestations supplémentaires ou modificatives, dont la réalisation est nécessaire au bon achèvement de l'ouvrage [et] qui sont notifiées par ordre de service ".
En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l'exécution des prestations contractuelles :
5. Dès lors qu'ils ne correspondent pas à des prestations non prévues contractuellement, mais résultent de difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait, les surcoûts supportés ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions extérieures aux parties, imprévisibles, exceptionnelles, et ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
6. La société SCPA demande à être indemnisée, à hauteur d'une somme totale de 17 325 euros hors taxes, des frais supplémentaires qu'elle a supportés du fait des différences existant entre les plans figurant dans le dossier de consultation des entreprises et les caractéristiques effectives de l'ouvrage, qui ont imposé de refaire les plans de calepinage de faux-plafonds, de modifier les portes, de reprendre les plans d'exécution et le plan des éclairages dans les plafonds, ainsi que les plans des gaines. Elle demande, par ailleurs, à être indemnisée, à hauteur de deux sommes de 54 693,75 euros et 103 640 euros hors taxes, des surcoûts résultant pour elle des modifications dans le planning du chantier et du retard global pris par le chantier.
7. Toutefois, de tels surcoûts supportés dans la réalisation des prestations contractuelles résultent de difficultés qui, n'étant ni exceptionnelles ni extérieures aux parties, ne peuvent donc recevoir d'indemnisation que dans l'hypothèse où elles résultent d'une faute du maître de l'ouvrage.
8. En l'espèce, aucune faute du maître de l'ouvrage n'est établie. Ainsi, la différence existant entre les plans figurant dans le dossier de consultation des entreprises et la réalité du chantier, à la supposer établie, ne permet pas, en l'absence de précision, de caractériser une faute du maître de l'ouvrage. De même, la société SCPA n'établit pas que les modifications du planning, dont elle indique elle-même qu'elles résultent de retards et malfaçons imputables aux entreprises, révèleraient " une défaillance de la maîtrise d'ouvrage dans la gestion organisationnelle et opérationnelle de son marché ". Enfin, le retard pris par le chantier ne révèle pas plus une faute du maître de l'ouvrage.
En ce qui concerne les pénalités de retard :
9. La société SCPA conteste les pénalités de retard, d'un montant de 9 651,70 euros, qui lui ont été infligées à raison de la fraction du retard global dont il a été considéré qu'elle lui était imputable.
10. Toutefois, les pénalités de retard sont applicables de plein droit, dès lors qu'un retard dans l'exécution des prestations contractuelles est constaté. En l'espèce, il est constant que l'achèvement des travaux est intervenu avec un retard global de plusieurs mois. La société, si elle conteste la fraction du retard qui lui a été imputée, n'apporte aucun élément de nature à établir que cette fraction du retard ne lui était pas imputable. Au demeurant, il ressort du rapport de la société Logik, chargée de la mission d'ordonnancement, pilotage et coordination, établi le 16 avril 2018, que les sociétés Isolbat et Iroko, toutes deux sous-traitantes de la société SCPA, étaient responsables d'un retard global de quinze jours, supérieur au retard reconnu imputable à la société SCPA.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société SCPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de l'AREA-PACA.
Sur les frais liés au litige :
12. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit laissée à la charge de la région et de la société AREA-PACA, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de la société SCPA à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société SCPA est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de l'AREA-PACA tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société coopérative de peinture et d'aménagement (SCPA), à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à l'Agence régionale d'équipement et d'aménagement de Provence-Alpes-Côte d'Azur (AREA-PACA).
Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2023.
N° 21MA02895 2