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19/06/2023 | FRANCE | N°21MA02537

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 19 juin 2023, 21MA02537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... F... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté sa demande du 16 décembre 2017 tendant à ce que soient retirées de son dossier administratif les pièces cotées H6, H7, H9, H10, H19, H21, G2 et F13, à ce que lui soit accordée la protection fonctionnelle et à ce que lui soient versés des dommages et intérêts, en deuxième lieu, de condamner l'Etat à lui payer la somme de

15 000 euros en réparation des dommages subis, et, en troisième lieu, d'enjoind...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... F... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté sa demande du 16 décembre 2017 tendant à ce que soient retirées de son dossier administratif les pièces cotées H6, H7, H9, H10, H19, H21, G2 et F13, à ce que lui soit accordée la protection fonctionnelle et à ce que lui soient versés des dommages et intérêts, en deuxième lieu, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation des dommages subis, et, en troisième lieu, d'enjoindre au recteur de lui accorder la protection fonctionnelle avec prise en charge des frais occasionnés et de procéder au retrait des pièces cotées H6, H7, H9, H10, H19, H21, G2 et F13 de son dossier administratif sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1803295 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2021, Mme A... F..., représentée par Me Leturcq, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- son dossier administratif comporte des pièces relatant des faits matériellement inexacts, des allégations diffamatoires ou injurieuses, des allusions à sa vie personnelle potentiellement discriminatoire, et une lettre qui doit être regardée comme un avertissement ou un blâme irrégulier ;

- la décision refusant l'octroi de la protection fonctionnelle est entachée d'incompétence, le recteur n'étant pas impartial et ayant abaissé sa note de manière discriminatoire ;

- elle a subi un harcèlement moral ;

- elle doit être indemnisée de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2022, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille conclut au rejet de la requête de Mme A... F....

Il soutient que les moyens présentés par l'appelante sont infondés.

Par une lettre en date du 25 octobre 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici le 30 juin 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 26 novembre 2022.

Par ordonnance du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Ravestein, pour Mme A... F....

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 16 décembre 2017, Mme A... F..., qui exerce les fonctions de maître contractuel de lettres, d'histoire et de géographie dans le lycée professionnel privé sous contrat Saint-Vincent-de Paul à Marseille, a saisi le recteur de l'académie d'Aix-Marseille d'une demande tendant, en premier lieu, à ce qu'il procède au retrait des pièces H6, H7, H9, H10, H19, H21, G2 et F13 de son dossier administratif, en deuxième lieu, à ce que lui soit accordée la protection fonctionnelle et, en troisième lieu, à ce que lui soit versée une indemnité en réparation de faits constitutifs de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis. Par le jugement attaqué, dont Mme A... F... relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, à la condamnation de l'Etat à lui payer 15 000 euros et à ce qu'il soit enjoint au recteur de faire droit aux demandes de retrait de certaines pièces de son dossier administratif et d'octroi de la protection fonctionnelle.

Sur le moyen tiré de la " dénaturation des pièces du dossier " :

2. La circonstance, à la supposer établie, que les premiers juges auraient " dénaturé les pièces du dossier " n'est pas, compte tenu de l'office du juge d'appel, de nature à entraîner l'annulation du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il statue sur la demande de retrait de certaines pièces du dossier de Mme A... F... :

En ce qui concerne le cadre juridique :

3. Aux termes de l'article 18 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique : " Le dossier individuel de l'agent public est composé des documents qui intéressent sa situation administrative, notamment ceux qui permettent de suivre son évolution professionnelle. ". Aux termes de l'article 13 du même décret : " L'agent adresse toute demande de rectification, de retrait ou d'ajout d'un document à l'autorité administrative (...) ".

4. Le refus de retirer, à sa demande, une pièce du dossier d'un agent public fait grief à cet agent qui est recevable à en demander l'annulation par la voie du recours pour excès de pouvoir. L'administration est tenue de faire droit à cette demande si la pièce dont le retrait est sollicité n'intéresse pas la situation administrative de l'agent, et, notamment, si elle comporte des éléments relevant strictement de la vie privée, ou si, comme le prohibe l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, elle fait état des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'agent public. Elle est également tenue de faire droit à cette demande dans le cas où la pièce, tout en intéressant la situation administrative de l'intéressé, comporte la mention d'une sanction qui est illégale ou qui a été amnistiée. Elle est, enfin, tenue de faire droit à cette demande dans le cas où la pièce dont le retrait est demandé relate des faits dont l'exactitude matérielle n'est pas avérée ou présente un caractère injurieux, sauf dans le cas où la présence de la pièce dans le dossier se justifie par les nécessités d'une enquête administrative ou pénale en cours, destinée à s'assurer de la véracité des faits, ou par le souci de protéger l'agent.

En ce qui concerne la pièce cotée H6 :

5. La lettre en date du 24 janvier 2013, adressée aux deux inspecteurs académiques en charge de l'évaluation pédagogique de l'appelante par M. C..., directeur du lycée professionnel où travaillait Mme A... F..., demande à l'inspection d'intervenir pour " aider [Mme A... F...] à retrouver une meilleure sérénité dans les liens avec les élèves et l'exercice de sa fonction ".

6. Ce signalement, adressé par le directeur du lycée privé où enseignait Mme A... F... aux inspecteurs chargés de l'évaluation pédagogique de cette dernière, indique que Mme A... F... est " en grande difficulté dans la gestion de la discipline de ses classes ", fait état d'un " conflit permanent avec [l]es élèves " et à des " propos qui sont de nature à (...) inquiéter ", se référant ainsi à des faits qui sont contestés par l'intéressée et qui ne sont pas étayés par les autres pièces du dossier. Mme A... F... est donc fondée à soutenir que cette pièce, qui se réfère à des faits qui doivent être tenus pour matériellement inexacts, soit retirée de son dossier administratif.

En ce qui concerne la pièce cotée H7 :

7. La lettre en date du 15 mars 2013, adressée à un inspecteur académique en charge de l'évaluation pédagogique de l'appelante par M. C..., fait état de " dysfonctionnements professionnels " de Mme A... F..., en indiquant que celle-ci " n'a de cesse de renvoyer ses élèves de cours " et " agresse maintenant verbalement l'[auxiliaire de vie scolaire] présente dans la classe, mais aussi la surveillante, en tenant des propos totalement déplacés devant ses élèves ". Elle indique que " nous allons d'incidents de classe en incidents de classe ", s'interroge " sur la stabilité psychologique " de Mme A... F... " ou tout au moins sur son aptitude à gérer en professionnalisme sa classe, ses relations avec les élèves et avec les membres de la communauté éducative ", pour finalement solliciter un rappel de Mme A... F... à ses obligations.

8. L'appréciation ainsi portée par M. C... sur la requérante, en dehors de la procédure de notation administrative, conclut à l'incapacité de la requérante à exercer ses fonctions en faisant allusion à des faits qui, n'étant autrement étayés, doivent donc être tenus pour matériellement inexacts. Mme A... F... est donc fondée à soutenir que cette lettre devait être retirée de son dossier administratif.

En ce qui concerne la pièce cotée H10 :

9. La lettre en date du 29 novembre 2013, adressée au recteur d'académie par M. C..., signale les " dysfonctionnements tant sur le plan pédagogique (peut-on mettre 45 " zéro " à une classe de 3ème DP 6 sur seulement le 1er trimestre ' ) que sur le plan éducatif (peut-on insulter et agresser verbalement ses élèves quels que soient ses difficultés rencontrées ') ", fait état des plaintes des familles, et sollicite que Mme A... F... soit convoquée.

10. L'exactitude matérielle des faits qui lui sont imputés par M. C... est contestée par Mme A... F..., qui soutient que les accusations portées dans cette lettre reposent sur le seul témoignage indirect d'un parent d'élève, qu'elle décrit comme " calomnieux ". Les éléments produits à l'instance ne permettent pas d'établir la matérialité des faits reprochés à Mme A... F.... Celle-ci est donc fondée à soutenir que cette lettre devait être retirée de son dossier administratif.

En ce qui concerne la pièce cotée F13 :

11. Par cette lettre, adressée à M. D..., chef de la division des établissements d'enseignement privé, M. C... a fait état de " difficultés de prise en charge dans ses classes de 3ième [Découverte Professionnelle], public certes difficile ", et a reproché à Mme A... F... de ne pas avoir fait preuve de l'autorité nécessaire " au vu des très nombreux incidents recensés ". Il indique également dans cette lettre que Mme A... F... a été absente quarante-huit jours et que ses difficultés de santé " n'ont pas permis d'établir un climat de sérénité dans la relation avec ses élèves ".

12. Mme A... F... soutient, en premier lieu, qu'au cours de ce premier trimestre de l'année scolaire 2013-2014, elle n'a été absente que dix jours, du 28 novembre 2013 au 11 décembre 2013, qu'en deuxième lieu, " rien ne permet d'établir que [ses] problèmes de santé (...) auraient eu une quelconque influence sur sa relation avec ses élèves ", qu'en troisième lieu, les mentions relatives à son état de santé sont discriminatoires et, en quatrième lieu, que ces griefs sont " non circonstanciés et dépourvus de fondement ". Les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la matérialité des faits imputés à Mme A... F.... Celle-ci est donc fondée à soutenir que cette lettre devait être retirée de son dossier administratif.

En ce qui concerne la pièce cotée H19 :

13. Par une lettre en date du 27 mai 2014 adressée à Mme A... F..., M. D..., chef de la division des établissements d'enseignement privé au rectorat, indique que " le décalage entre votre attente et les performances voire les façons d'agir de vos élèves (...) perturbe la communication avec vos collègues et avec l'équipe de direction qui n'a pas la même perception des mesures d'évaluation des élèves. / Il est important de renouer le dialogue avec votre directeur et de mener une réflexion sur vos pratiques pédagogiques (...) Votre situation privée n'a pas été évoquée au cours de l'entretien mais elle a peut-être un lien avec votre situation professionnelle, aussi, je vous suggère de prendre l'attache de la psychologue clinicienne de l'académie (...) ".

14. Mme A... F... soutient que cette lettre constituerait une " sanction disciplinaire illégale " qui n'est pas motivée, ne fait état d'aucun grief circonstancié et comporte des " insinuations à caractère discriminatoire ". Elle soutient par ailleurs que les allusions à sa vie privée sont " susceptibles de revêtir un caractère discriminatoire " et ne concernent ni sa situation administrative ni sa manière de servir.

15. Toutefois, cette lettre, qui ne formule aucun grief à l'encontre de Mme A... F..., n'a pas le caractère du blâme ou de l'avertissement prévu par l'article R. 914-100 du code de l'éducation. Par ailleurs, la simple invitation adressée à Mme A... F... de consulter la psychologue de l'académie, astreinte au secret professionnel, ne peut être regardée comme " discriminatoire ".

En ce qui concerne la pièce cotée H21 :

16. Le bilan final de l'accompagnement spécifique proposé à Mme A... F..., établi le 20 mai 2015, précise que " à l'issue de l'accompagnement, le maître concerné (...) a su mettre à profit le travail mené conjointement avec son tuteur (...) Le bilan de l'accompagnement est donc assez positif, le maître a su s'investir dans celui-ci. Cependant, afin de reprendre confiance en lui, et d'assurer une prise en charge des élèves plus sereine, je l'invite à poursuivre et accentuer les efforts accomplis par une demande de formation complémentaire et un bilan de compétences ".

17. Mme A... F... soutient que le contenu de ce rapport est matériellement inexact et " rel[ève] de l'injure ". Toutefois, ce rapport ne comporte pas de termes outrageants ni même désobligeants, et n'impute à l'appelante aucun fait.

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il statue sur la demande de protection fonctionnelle :

En ce qui concerne le cadre juridique :

18. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable : " (...) IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires. ".

19. Aux termes de l'article 6 quinquies de cette loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

20. La protection fonctionnelle résultant d'un principe général du droit n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, sauf lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il résulte du principe d'impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l'autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné.

En ce qui concerne la compétence du recteur pour statuer sur la demande :

21. Dans la demande adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille, Mme A... F... ne sollicitait la protection fonctionnelle qu'à raison des " dénonciations calomnieuses adressées par M. E... C... à M. B... D... ". Dès lors que cette demande ne sollicitait pas la protection fonctionnelle à raison de faits de harcèlement imputés au recteur lui-même, celui-ci était bien compétent pour statuer sur cette demande.

En ce qui concerne l'impartialité du recteur :

22. Mme A... F... soutient avoir subi " les prémices du harcèlement " de la part du recteur de l'académie d'Aix-Marseille, en ce que ce dernier avait, selon elle, illégalement procédé au retrait d'une décision lui accordant une note administrative de 37,6 sur 40 pour lui substituer une note de 37,1 sur 40. Toutefois, un tel retrait, même à le supposer illégal, n'est pas de nature à suggérer, de la part du recteur, une quelconque animosité vis-à-vis de Mme A... F..., ni à caractériser un manquement au devoir d'impartialité qui s'impose à toute autorité administrative.

En ce qui concerne l'existence du harcèlement :

23. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

24. Les différentes correspondances évoquées par Mme A... F..., dont le contenu est rappelé ci-dessus, ainsi que l'attribution d'une note administrative de 37,1 sur 40 intervenue en 2013/2014 du fait des difficultés rencontrées dans la gestion de la discipline de sa classe, ou encore la mise en place du dispositif d'accompagnement donnant lieu à l'établissement d'un bilan s'inscrivent dans l'exercice normal des rapports qu'un agent public entretient avec sa hiérarchie. Les difficultés professionnelles rencontrées par Mme A... F... ont d'ailleurs été traitées avec une volonté permanente de conciliation. Les faits et irrégularités qu'elle impute à l'administration, à les supposer tous établis, ne laissent pas davantage présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral, qu'il s'agisse de l'irrégularité supposée de la décision lui attribuant sa notation administrative pour 2013/2014, ou de l'illégalité supposée des refus de communication de documents administratifs, ou même des irrégularités dans la composition de son dossier administratif constatées ci-dessus, et des retards dans le traitement de ses demandes. Le fait qu'elle a été sollicitée à trois reprises pendant son congé maladie pour organiser les épreuves finales d'histoire des arts, épreuve obligatoire du brevet des collèges, ne laisse pas davantage présumer l'existence d'une telle situation, pas plus que le fait que, n'ayant pas reçu la clef de l'une de ses salles, elle était obligée de " s'humilier " en sollicitant le surveillant de l'étage, ou le fait qu'elle a été obligée de surveiller une salle où avait été jetée une " boule puante ", ou que le proviseur ait refusé de sanctionner un élève fautif, ou encore que la personne responsable de la tenue de son dossier administratif a communiqué des informations relatives à ce dossier à son concubin.

25. Il résulte de ce qui précède que Mme A... F... n'avait pas droit à la protection fonctionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il statue sur la demande indemnitaire :

26. En l'absence de harcèlement moral, cette demande ne peut qu'être rejetée.

27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... F... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 16 décembre 2017 en tant que celle-ci refuse de retirer de son dossier administratif les pièces classées F13, H6, H7 et H10.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

28. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le recteur de l'académie d'Aix-Marseille procède au retrait des pièces classées F13, H6, H7 et H10 du dossier administratif de Mme A... F..., dans un délai qu'il convient de fixer à un mois, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

29. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... F... en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1803295 du 10 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La décision implicite du 16 décembre 2017 par laquelle le recteur a refusé de retirer du dossier administratif de Mme A... F... les pièces classées F13, H6 et H7 et H10 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de retirer les pièces classées F13, H6, H7 et H10 du dossier administratif de Mme A... F... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat (ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse) versera à Mme A... F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des demandes et conclusions présentées par Mme A... F... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... F... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2023.

N° 21MA02537 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02537
Date de la décision : 19/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL NOUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-19;21ma02537 ?
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