Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1808107 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 juillet 2021, le 8 avril 2022, le 14 septembre 2022, le 26 janvier 2023 et le 24 mai 2023, M. C..., représenté par Me Bonan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juin 2021 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et majorations en litige.
Il soutient que :
- sa réclamation préalable n'était pas tardive ;
- les sommes portées au débit de son compte courant d'associé dans les écritures de la société civile immobilière (SCI) Chateau des Amphoux ne pouvaient être regardées comme des revenus distribués ;
- il est fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine exprimée dans une note du 19 septembre 1957 ;
- selon la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20, n° 160, la présomption de distribution est écartée dans le cas des avances consenties à l'associé qui est client ou fournisseur de la société ;
- selon la réponse ministérielle faite au sénateur Bardon-Damarzid le 7 janvier 1954, la preuve contraire est apportée lorsque les prélèvements opérés par le gérant ont été affectés à des acquisitions de valeurs mobilières pour le compte de la société.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 décembre 2021, le 14 juin 2022, le 28 septembre 2022 et le 20 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Bonan, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SCI Chateau des Amphoux, dont M. C... est gérant et associé, et d'un contrôle sur pièces des déclarations de M. C... portant sur les années 2009 et 2010, l'administration fiscale a réintégré à ses revenus imposables des revenus distribués correspondant au solde débiteur du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la SCI Chateau des Amphoux. M. C... relève appel du jugement du 18 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a ainsi été assujetti au titre des années 2009 et 2010, et des majorations correspondantes, pour un montant total de 304 660 euros.
Sur l'étendue du litige :
2. En premier lieu, par une décision du 25 mai 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône a prononcé le dégrèvement, à hauteur de 757 euros, de l'intérêt de retard dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige au titre de l'année 2010. Les conclusions de la requête de M. C... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
3. En deuxième lieu, le tribunal administratif de Marseille a estimé irrecevables les conclusions à fin de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. C... a été assujetti au titre de l'année 2009. Devant la Cour, qui ne peut s'en saisir d'office, le requérant n'a pas contesté l'irrecevabilité ainsi opposée par les premiers juges. Par suite et en tout état de cause, ses conclusions d'appel reprenant celles formées en première instance ne sont, dès lors, pas susceptibles d'être accueillies.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ". En application de ces dispositions, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts.
5. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que le compte courant d'associé de M. C... ouvert dans les écritures de la SCI Chateau des Amphoux présentait un solde débiteur qui s'est accru à la fin des années 2009 et 2010, et que la variation entre ce solde débiteur s'est élevée à 650 814 euros pour l'année 2010. L'administration ayant ainsi rapporté la preuve de l'existence d'avances mises à la disposition de M. C... au titre de l'année 2010 sur son compte courant d'associé, elle a regardé la somme de 650 814 euros comme un revenu distribué entre les mains de M. C.... Par une décision admettant partiellement une des réclamations préalables présentées par l'intéressé, le montant de la rectification a été ramené à 603 354 euros.
6. M. C... soutient que la somme de 603 354 euros a été mise à sa disposition par la SCI Chateau des Amphoux afin qu'il prenne en charge personnellement le versement d'avances consenties à la société SRI, dont il est également dirigeant et associé, dans le cadre de la réalisation par cette dernière, pour le compte de la SCI Chateau des Amphoux, de travaux de construction d'un immeuble dans le quartier de Château Gombert à Marseille, ces avances ayant été versées directement à la société SRI à hauteur de 424 000 euros au cours de l'année 2010, et indirectement, par le biais du règlement de ses fournisseurs à hauteur de 105 954 euros au cours de l'année 2010 et de versements réalisés par des SCI dont M. C... est également associé à hauteur de 91 285 euros au cours de l'année 2011. Toutefois, s'il a présenté, à l'appui de ses explications, la copie d'une convention de trésorerie datée du 4 janvier 2010, qu'il a conclu avec trois sociétés, dont la SCI Chateau des Amphoux et la société SRI, cette convention, qui n'a d'ailleurs pas été enregistrée, n'a pas date certaine. Ainsi, alors en outre que cette convention ne fixe pas les modalités de remboursement des avances, et que des sommes ont été portées au débit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. C... dans les écritures de la SCI Chateau des Amphoux dès l'année 2009, elle n'est pas en elle-même suffisante pour démontrer que la somme en litige ne serait pas imposable. Par ailleurs, si M. C... produit des relevés bancaires ainsi que des factures justifiant selon lui le versement à la société SRI de la somme globale de 424 000 euros et le règlement de factures de ses fournisseurs à hauteur de la somme de 105 954 euros, il ressort de ces pièces, d'ailleurs produites pour la première fois à l'appui de la demande enregistrée devant le tribunal administratif le 18 octobre 2018, que les sommes en cause ont été débitées sur un compte bancaire ouvert au nom de " C... - Port Saint-Louis Réservation ", et que deux des factures des fournisseurs de la société SRI mentionnent comme référence non le chantier de Château Gombert mais " Les terrasses du port ". En outre, s'il verse aux débats des rapports et une attestation rédigés par M. B..., expert-comptable, par le cabinet Pytheas Conseil et par M. E..., expert-comptable, dont il ressort notamment que l'analyse des comptes courants d'associés ouverts dans les écritures de la SCI Chateau des Amphoux et dans celles de la société SRI font apparaître une réciprocité avec le bilan de son entreprise individuelle, ces documents, établis entre 2020 et 2022, au vu de documents comptables qui n'ont pas été examinés par l'administration fiscale, sont insuffisamment probants, l'attestation rédigée par le cabinet Pytheas Conseil relevant d'ailleurs qu'elle a été émise au vu d'informations " autres que des comptes complets historiques ", de sorte qu'elle " aboutit à exprimer une assurance de niveau modéré ". Enfin, si M. C... fait valoir que les avances ont été remboursées, le compte courant d'associé étant créditeur au 31 décembre 2011, notamment en raison de crédits d'un montant total de 603 354 euros enregistrés en comptabilité avec l'intitulé " transfert créance C... sur SRI ", il ne justifie de la réalité de ce transfert de créance ni par les formalités prévues par l'article 1690 du code civil, ni par aucun autre moyen de preuve. Dans ces conditions, M. C... ne démontre pas que les avances qui lui ont été consenties par la SCI Chateau des Amphoux au cours de l'année 2010 à hauteur de 603 354 euros ne constituaient pas un revenu distribué.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
8. D'une part, selon une note de la direction générale des impôts du 19 septembre 1957 dont le contenu est aujourd'hui repris au paragraphe n° 190 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-10-20-20-20, lorsque l'administration découvre qu'une avance taxable a été intégralement remboursée, il est admis, à titre pratique, qu'il n'y a pas eu de distribution de revenus s'il apparaît que le remboursement a été opéré à une date antérieure à celle de la réception, par la société, de l'avis de vérification. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il n'est pas démontré que les avances en litige auraient été remboursée. M. C... ne peut par conséquent se prévaloir des énonciations de la note de la direction générale des impôts du 19 septembre 1957.
9. D'autre part, la situation de M. C... n'entre dans aucune des prévisions du paragraphe n° 160 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-10-20-20-20, qui est relative aux acomptes versés par une société sur le prix de marchandises qui lui sont vendues par un associé, aux avances consenties par des sociétés de banques à ceux de leurs clients qui sont en même temps leurs actionnaires, et aux comptes d'associés lorsque, exceptionnellement et de convention expresse entre ces derniers et la société, ils sont appelés à comporter des remises réciproques et indivisibles et présentant ainsi le caractère juridique de véritables comptes courants.
10. Enfin, si, selon la réponse ministérielle faite le 7 janvier 1954 au sénateur Bardon-Damarzid, la preuve contraire peut être considérée comme apportée s'il est établi qu'au moment où les prélèvements avaient été opérés par le gérant, ceux-ci étaient affectés à des acquisitions de valeurs mobilières pour le compte de la société, la situation du requérant n'entre pas dans les prévisions de cette réponse, dont il ne peut par conséquent se prévaloir.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions à fin de décharge du supplément d'impôt en litige au titre de l'année 2010 et des majorations correspondantes en tant qu'elle portent sur un montant supérieur à la somme demeurant à la charge de M. C..., que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge de l'intérêt de retard dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige à laquelle M. C... a été assujetti au titre de l'année 2010, à hauteur de la somme de 757 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, où siégeaient :
- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme F... et Mme Mastrantuono, premières conseillères.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2023
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N° 21MA03174