Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Pharmacie Raimbaldi a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1801239 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 juillet 2021, régularisée le 2 août 2021, et un mémoire enregistré le 25 janvier 2022, la SARL Pharmacie Raimbaldi, représentée par Me Lacour, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition et des majorations en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de la provision pour dépréciation de son fonds de commerce constituée au titre de l'exercice clos en 2015.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 novembre 2021 et le 27 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête de la SARL Pharmacie Raimbaldi est tardive, et dès lors irrecevable ;
- le moyen soulevé par la SARL Pharmacie Raimbaldi n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SARL Pharmacie Raimbaldi, qui exploite une officine pharmaceutique à Nice, portant sur les provisions comptabilisées au cours des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité d'une provision pour dépréciation du fonds de commerce constituée au titre de l'exercice clos en 2015. La SARL Pharmacie Raimbaldi relève appel du jugement du 22 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a ainsi été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, ainsi que des majorations correspondantes.
2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient effectivement été constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 38 sexies de la même annexe, dans sa rédaction applicable au litige : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de matière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-14 du code de commerce : " Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. / Lorsque l'application d'une prescription comptable ne suffit pas pour donner l'image fidèle mentionnée au présent article, des informations complémentaires doivent être fournies dans l'annexe. / Si, dans un cas exceptionnel, l'application d'une prescription comptable se révèle impropre à donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ou du résultat, il doit y être dérogé. Cette dérogation est mentionnée à l'annexe et dûment motivée, avec l'indication de son influence sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'entreprise ". Aux termes de l'article 322-1 du plan comptable général, dont les dispositions ont été reprises pour les exercices ouverts après le 1err janvier 2014 à l'article 214-6 : " (...) 4 - La dépréciation d'un actif est la constatation que sa valeur actuelle est devenue inférieure à sa valeur nette comptable. / 5 - La valeur brute d'un actif est sa valeur d'entrée dans le patrimoine (...). / 7 - La valeur nette comptable d'un actif correspond à sa valeur brute diminuée des amortissements cumulés et des dépréciations. / 8 - La valeur actuelle est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage (...). / 10 -La valeur vénale est le montant qui pourrait être obtenu, à la date de clôture, de la vente d'un actif lors d'une transaction conclue à des conditions normales de marché, net des coûts de sortie. (...) / 11 - La valeur d'usage d'un actif est la valeur des avantages économiques futurs attendus de son utilisation et de sa sortie. Elle est calculée à partir des estimations des avantages économiques futurs attendus. Dans la généralité des cas, elle est déterminée en fonction des flux nets de trésorerie attendus. (...) ".
4. La déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée, en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code, outre aux conditions relatives à la dépréciation elle-même, à ce que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables. S'agissant de la dépréciation d'un élément d'actif, il résulte des dispositions du plan comptable général citées au point 3 que la passation de l'écriture comptable correspondante est subordonnée au constat selon lequel la valeur actuelle de cet élément d'actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. Par suite, la seule circonstance que la valeur vénale d'un élément d'actif soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable ne saurait, en principe, justifier la déductibilité fiscale d'une provision s'il apparaît que la valeur d'usage reste supérieure à cette valeur nette comptable, faisant ainsi obstacle à la comptabilisation d'une dépréciation.
5. Il résulte de l'instruction que la SARL Pharmacie Raimbaldi a fait l'acquisition, en 2006, du fonds de commerce qu'elle exploite, pour un montant de 1 100 000 euros, dont 1 080 000 euros au titre des éléments incorporels. Au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, ce fonds de commerce a été porté à l'actif de la société pour les montants respectifs de 975 000, 915 000 et 871 870 euros, et la société a déduit de son résultat fiscal des dotations de provisions pour dépréciation du fonds de commerce pour des montants respectifs de 105 000, 60 000 et 43 130 euros. L'administration a réintégré à son résultat imposable la provision de 43 130 euros constituée au titre de l'exercice clos en 2015.
6. La requérante, à laquelle il appartient d'établir le bien-fondé de la provision en litige, fait valoir que la valeur d'usage du fonds n'était que de 391 487 euros et que la valeur vénale de 871 870 euros a été déterminée en fonction du marché de la négociation des officines, tel qu'il ressort des données recueillies par la société Interfimo, en appliquant au chiffre d'affaires un taux moyen, et par la méthode consistant à appliquer à l'excédent brut d'exploitation retraité un coefficient de référence également établi par la société Interfimo. Par ailleurs, elle fait état de la baisse considérable de son chiffre d'affaires entre 2007 et 2015, et fait valoir qu'elle n'a pu maintenir son résultat d'exploitation que grâce à des modifications de sa gestion et que l'augmentation du taux de marge au cours de l'exercice clos en 2015 n'est que transitoire. Il est toutefois constant que le chiffre d'affaires de la SARL Pharmacie Raimbaldi s'est stabilisé depuis 2011, que le résultat d'exploitation ainsi que le taux de marge sont en progression au cours de l'exercice considéré, et il n'est pas établi que les modifications de la gestion de l'entreprise auraient été motivés par des difficultés économiques de l'entreprise. Il ne peut par ailleurs être utilement fait état par la société requérante, pour justifier du bien-fondé de la provision constatée en 2015, ni de l'évaluation de l'officine réalisée en 2016, ni de difficultés financières survenues en 2017 et 2018. Enfin, alors que la méthode de valorisation fondée sur l'excédent brut d'exploitation a au demeurant conduit à déterminer à la clôture de l'exercice 2015 une valeur du fonds supérieure à sa valeur nette comptable au titre de l'exercice clos en 2014, les études établies par l'organisme Interfimo relatives au prix de cession des officines de pharmacie ne suffisent pas à établir que le fonds de commerce concerné a subi une réelle dépréciation au cours de l'exercice clos en 2015. Dans ces conditions, alors que l'administration n'a pas remis en cause la déduction des provisions constituées au cours des exercices clos en 2013 en en 2014, la SARL Pharmacie Raimbaldi, qui n'établit pas que la valeur actuelle de son fonds de commerce aurait été inférieure à la valeur nette comptable au titre de l'exercice clos en 2015, ne justifie pas du bien-fondé de la provision constituée au titre de la dépréciation de ce fonds de commerce. Par suite, l'administration était bien fondée à remettre en cause la déduction de la provision en litige.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SARL Pharmacie Raimbaldi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E
Article 1er : La requête de la SARL Pharmacie Raimbaldi est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Pharmacie Raimbaldi et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, où siégeaient :
- M. Platillero, président assesseur, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A... et Mme Mastrantuono, premières conseillères.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2023.
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N° 21MA03153