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13/06/2023 | FRANCE | N°22MA01996

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 13 juin 2023, 22MA01996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 novembre 2020 par lequel le maire de la commune de Marseille l'a licencié pour insuffisance professionnelle à compter du 1er décembre 2020, et d'autre part, l'arrêté du 12 avril 2021 prononçant de nouveau son licenciement pour insuffisance professionnelle, à compter du 1er mai 2021, en deuxième lieu, d'enjoindre à la commune de Marseille à titre principal, de procéder à sa titularisati

on et de reconstituer sa carrière à compter du 1er décembre 2020, à titre sub...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 novembre 2020 par lequel le maire de la commune de Marseille l'a licencié pour insuffisance professionnelle à compter du 1er décembre 2020, et d'autre part, l'arrêté du 12 avril 2021 prononçant de nouveau son licenciement pour insuffisance professionnelle, à compter du 1er mai 2021, en deuxième lieu, d'enjoindre à la commune de Marseille à titre principal, de procéder à sa titularisation et de reconstituer sa carrière à compter du 1er décembre 2020, à titre subsidiaire, de réexaminer ses droits à titularisation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, à titre infiniment subsidiaire, de l'affecter en tant que stagiaire sur un emploi correspondant à son cadre d'emploi, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, et enfin, de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2009386 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 9 novembre 2020, et a rejeté le surplus de la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 juillet et 19 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Taiebi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 mai 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la commune de Marseille, à titre principal, de procéder à sa titularisation, et de reconstituer sa carrière, à titre subsidiaire, de l'affecter en tant que stagiaire sur un emploi correspondant à son cadre d'emploi, et très subsidiairement, de réexaminer ses droits à titularisation, dans tous les cas sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les écritures en défense de la commune sont irrecevables, faute de produire la délibération de son conseil municipal autorisant son maire à ester en justice ;

- sa demande de première instance était recevable, dès lors que, le premier arrêté ayant été retiré, les premiers juges devaient regarder celle-ci comme dirigée en réalité contre le second ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les deux experts présents lors de la réunion de la commission administrative paritaire ne sont pas soumis au principe d'impartialité, alors que ces deux agents ont nourri un parti-pris défavorable à la titularisation de l'intéressé, que leurs avis sont erronés et que ce vice a influé sur le sens de l'avis de la commission ;

- en méconnaissance de l'article 35 du décret n° 89-229 du 17 avril 1989 et du décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014, la commission administrative paritaire a rendu son avis sans disposer de l'évaluation professionnelle du stagiaire, laquelle ne figurait pas à son dossier individuel consulté le 1er octobre 2020, mais seulement d'un rapport disciplinaire soutenu par son auteur devant cette instance ;

- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur d'appréciation sur son aptitude professionnelle, et en jugeant le contraire, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a commis lui-même une erreur d'appréciation ;

- pris en réalité pour un motif disciplinaire, l'arrêté aurait dû être motivé et précédé de la consultation du conseil de discipline et de l'information de l'agent sur les griefs reprochés, ce qu'il n'a pas été et est ainsi entaché d'un vice de forme et d'un vice de procédure ;

- la matérialité des différents griefs fondant la mesure en litige n'est pas établie ;

- son employeur ne l'a pas mis dans des conditions adéquates pour mener à bien son stage, compte tenu des difficultés d'exercice des missions au sein du Samu social, notamment lors de la crise sanitaire ;

- l'emploi d'agent d'intervention du Samu social, sur lequel le stagiaire a été employé, ne correspond pas aux emplois et missions dévolus au cadre d'emploi des adjoints techniques territoriaux tel que défini par le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle, fondée sur des motifs disciplinaires, est entachée d'erreur de droit et de détournement de procédure ;

- la procédure de prolongation de stage a été détournée de sa finalité, en permettant à l'administration de préparer un dossier disciplinaire à son encontre.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 novembre 2022 et le 26 janvier 2023, la commune de Marseille, représentée par Me Puigrenier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- ses écritures sont recevables, compte tenu de l'habilitation conférée par son conseil municipal à son maire, par une délibération produite au dossier ;

- la demande de première instance dirigée contre l'arrêté du 12 avril 2021 était irrecevable car présentant à juger un litige distinct de la demande formée initialement contre l'arrêté du 9 novembre 2020, à l'égard duquel l'arrêté du 12 avril 2021 constitue une nouvelle décision ;

- les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 novembre 2022 la clôture d'instruction a été fixée au

24 novembre 2022 à 12 heures, puis par une ordonnance du 23 novembre 2022, a été reportée du 24 novembre 2022 au 20 décembre 2022, à 12 heures, puis par une ordonnance du

27 janvier 2023, a été reportée du 20 décembre 2022 au 6 février 2023, à 12 heures

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Puigrenier représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été engagé le 1er janvier 2019 par le maire de la commune de Marseille, en qualité d'agent contractuel au sein du service municipal du " Samu social ", puis a été nommé stagiaire en tant qu'adjoint technique territorial à compter du 1er juin 2019 dans le service " solidarité et lutte contre l'exclusion ". L'exécution de l'arrêté du 9 novembre 2020 par lequel le maire de Marseille a prononcé le licenciement en fin de stage de M. A... a été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille le 8 février 2021. Par un nouvel arrêté du 12 avril 2021, le maire de Marseille a prononcé le licenciement en fin de stage de M. A.... Par un jugement du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 9 novembre 2020, et a rejeté le surplus des conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et ses prétentions relatives à ses frais d'instance. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune de Marseille :

2. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / -16 ° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal. ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2122-23 du même code : " Le conseil municipal peut toujours mettre fin à la délégation ". Par délibération du 21 décembre 2020, le conseil municipal de Marseille a conféré à son maire, pour la durée de son mandat, ainsi que l'y autorisent les dispositions législatives précitées, délégation pour agir en justice au nom de la commune, tant en demande qu'en défense, devant toutes les juridictions, en première instance, en appel ou en cassation. Par décision du 9 janvier 2023, le maire de Marseille a décidé d'agir au nom de la commune pour défendre les intérêts de celle-ci dans l'instance d'appel engagée par M. A.... Ainsi, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que les écritures en défense produites par la commune de Marseille devant la Cour seraient irrecevables et devraient être écartées des débats.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la nature de la mesure en litige :

3. Aux termes de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents techniques territoriaux, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint technique territorial de 2e classe sur un emploi d'une collectivité territoriale (...) sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an. (...) / Dans l'année qui suit leur nomination, les agents sont astreints à suivre une formation d'intégration, (...) pour une durée totale de cinq jours. ". L'article 10 du même décret dispose que : " A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés par décision de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination au vu notamment d'une attestation de suivi de la formation d'intégration établie par le Centre national de la fonction publique territoriale. Les autres stagiaires peuvent, sur décision de l'autorité territoriale, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les adjoints techniques territoriaux stagiaires et les adjoints techniques territoriaux principaux de 2ème classe stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire, ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant, sont soit licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur grade d'origine ".

4. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

5. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté en litige que pour décider de ne pas titulariser M. A... à la fin de son stage et de le licencier pour insuffisance professionnelle, le maire de Marseille s'est fondé sur les motifs avancés dans le rapport de la cheffe de service de l'intéressé du 23 septembre 2020 qui, en ce qu'ils sont tirés du refus de l'agent d'accomplir sans raison sa mission avec certains coéquipiers, des propos dévalorisants et intimidants, et de débordements verbaux et comportementaux, sont susceptibles de caractériser aussi bien une insuffisance professionnelle que des fautes disciplinaires. Par conséquent, M. A... devait être mis à même de faire valoir ses observations sur de tels motifs, avant que le maire prononce son licenciement.

6. En revanche, il ne résulte ni de cette circonstance, ni d'aucune pièce du dossier, que la nature de l'ensemble des faits retenus par l'autorité territoriale pour prononcer le licenciement de M. A..., et l'intention ainsi poursuivie en prenant cette mesure, révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

7. Par suite, M. A..., qui le 10 mars 2021 a pu consulter son dossier individuel, comprenant le rapport du 23 septembre 2020, et qui a pu présenter ses observations écrites le 18 mars 2021, ne peut utilement soutenir que la mesure en litige, qui ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire mais qui constitue le licenciement d'un agent public à la fin de son stage pour insuffisance professionnelle, aurait dû être motivée, et donner lieu à consultation du conseil de discipline et serait entachée d'erreur de droit.

En ce qui concerne la légalité de la mesure en litige :

S'agissant de sa légalité externe :

8. Aux termes de l'article 29 du décret du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics : " Le président de la commission peut convoquer des experts à la demande des représentants des collectivités ou établissements ou à la demande des représentants du personnel afin qu'ils soient entendus sur un point inscrit à l'ordre du jour./ Les experts ne peuvent assister qu'à la partie des débats, à l'exclusion du vote, relative aux questions pour lesquelles leur présence a été demandée ". L'article 35 de ce décret dispose quant à lui que : " Toutes facilités doivent être données aux commissions administratives paritaires par les collectivités et établissements pour leur permettre de remplir leurs attributions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission huit jours au moins avant la date de la séance ".

9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les membres de la commission administrative paritaire appelés à se prononcer le 12 octobre 2020 sur l'aptitude professionnelle de M. A..., ont reçu le 2 octobre 2020, outre l'ordre du jour de la séance avec au point 5 la question de la titularisation de trois agents, dont l'intéressé, non seulement une fiche synthétique indiquant la proposition de l'administration, l'identité de l'agent, son service, ses dates de premier recrutement et de nomination, les décisions qui portent nomination de l'intéressé, la lettre du 25 septembre 2020 l'invitant à consulter son dossier et l'informant de l'intention de ne pas le titulariser pour insuffisance professionnelle et mauvaise manière de servir, mais encore le rapport, de trois pages, du 23 septembre 2020. Ce dernier document, qui, contrairement à ce que soutient M. A..., n'est pas un rapport disciplinaire, expose l'ensemble des éléments d'appréciation défavorable du chef de service de l'agent, relatifs à la capacité et aux facultés de l'intéressé à occuper les fonctions d'agent d'intervention du Samu social, et tenant notamment à ses difficultés d'intégration à une équipe de travail et livre les circonstances précises et datées qui illustrent ces éléments. Ainsi, les membres de la commission administrative paritaire doivent être regardés comme ayant reçu les pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Si M. A... affirme que ceux-ci n'ont pas reçu ses évaluations professionnelles de stage et de fin de stage, il ne ressort pas des pièces du dossier, pas même de l'attestation de la déléguée syndicale ayant assisté l'intéressé lors de la consultation de son dossier individuel, que l'autorité territoriale, qui n'y était tenue par aucune disposition ni aucun principe, aurait établi de tels documents, autres que le rapport du 23 septembre 2020, dûment soumis à la commission, ainsi que l'affirme d'ailleurs la commune. Le moyen tiré de l'information insuffisante de la commission administrative paritaire, en méconnaissance de l'article 29 du décret du 17 avril 1989, ne peut qu'être écarté.

10. D'autre part, ni les dispositions de l'article 35 de ce décret, ni aucun autre texte, non plus que le principe d'impartialité, ne font obstacle à ce que le président de la commission administrative paritaire désigne à titre d'expert le chef du service d'affectation de l'agent sur la titularisation de laquelle cet organisme est appelé à se prononcer, ainsi qu'un agent du service des ressources humaines de la collectivité, dès lors que ces personnes ainsi désignées ne prennent pas part au vote. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie devant la commission a méconnu l'exigence d'impartialité au seul motif que son président a désigné comme experts, sa cheffe de service, auteure du rapport du 23 septembre 2020 et un agent du service communal de la gestion administrative et des carrières, lesquels n'ont pas pris part au vote ni manifesté quelque animosité à l'encontre de l'agent, et que ce rapport serait affecté d'erreurs et d'imprécisions.

S'agissant de sa légalité interne :

11. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 9, la décision de licenciement en litige se fonde sur des éléments d'appréciation de la manière de servir de M. A..., étayés par des circonstances précises et datées, qui portent aussi bien sur les difficultés de l'intéressé à s'intégrer dans une équipe de travail que sur ses écarts verbaux et comportementaux, sans remettre en cause ses qualités techniques et le sérieux de l'accomplissement de ses missions. En se bornant à soutenir que la commune ne livre pas de pièce ou témoignage de nature à établir la réalité de ces circonstances et à renvoyer pour ce faire à l'attestation de la déléguée syndicale l'ayant accompagné lors de la consultation de son dossier, qui ne se prononce pas sur l'exactitude de ces éléments, M. A..., qui dans son recours gracieux du 2 octobre 2020, a admis ses emportements verbaux et comportementaux, ne conteste pas valablement la matérialité des faits qui lui sont reprochés, même en l'absence d'avertissement ou de rappel à l'ordre.

12. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, son licenciement, qui a été décidé en tenant compte de sa manière de servir, de son comportement général dans ses relations de travail et de sa capacité à exercer ses fonctions au sein d'une communauté de travail, ne s'appuie donc pas sur des manquements présentant un caractère exclusivement ou principalement disciplinaire. Cette mesure n'est donc pas, à cet égard, entachée d'erreur de droit.

13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas de la fiche de poste de M. A..., que les fonctions d'agent d'intervention au Samu social qui lui ont été confiées au cours de son stage, en qualité d'adjoint technique territorial, et qui se traduisent essentiellement par le transport et l'accompagnement des personnes fragiles et vulnérables vers des structures d'accueil de jour comme de nuit et des structures d'assistance, ne correspondraient pas à celles qu'un adjoint technique territorial a vocation à exercer en vertu des dispositions des articles 3 et 4 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux. Il n'est donc pas fondé à prétendre que son employeur ne lui a pas permis d'accomplir son stage sur un emploi relevant de son cadre d'emplois.

14. En quatrième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 3 que, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné. S'il est loisible à l'autorité administrative d'alerter, en cours de stage, l'agent sur ses insuffisances professionnelles et, le cas échéant, sur le risque qu'il encourt de ne pas être titularisé s'il ne modifie pas son comportement, la collectivité employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 5 du décret du 4 novembre 1992.

15. Eu égard à la nature des insuffisances qui sont reprochées à M. A..., qui ne soutient pas en outre ne pas avoir été dûment informé de la teneur de son emploi et des attentes de son employeur pour l'accomplissement de son stage, il ne ressort pas des pièces du dossier que la simple circonstance, qui n'est certes pas démentie par la commune, que sa fiche de poste ne lui a été notifiée que le 24 novembre 2020 aurait fait obstacle au déroulement normal de son stage. Il ne résulte pas davantage des éléments de l'instance que les difficultés auxquelles est confronté le Samu social de Marseille, et le contexte sanitaire exceptionnel qui a caractérisé une partie du stage de M. A..., non plus que ses horaires de travail et le refus de son employeur de les modifier malgré ses demandes, seraient de nature à justifier les insuffisances professionnelles qui fondent la mesure en litige.

16. En cinquième lieu, dès lors que pour contester le bien-fondé de son licenciement, M. A... ne fait pas valoir d'autres arguments que ceux écartés aux points précédents, il y a lieu de juger que c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le maire de Marseille a pu décider de mettre fin à son stage et de ne pas le titulariser.

17. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, le détournement de procédure allégué n'est pas établi.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 prononçant son licenciement en fin de stage et à ce que soient ordonnés sa réintégration et la reconstitution de sa carrière ou, à défaut, le réexamen de ses droits à titularisation et son affectation sur un emploi conforme à son cadre d'emploi. Par voie de conséquence, ses conclusions aux mêmes fins d'injonction, présentées également en appel, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Marseille tendant à l'application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

N° 22MA019962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01996
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Entrée en service. - Stage. - Fin de stage.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : TAIEBI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-13;22ma01996 ?
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