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13/06/2023 | FRANCE | N°22MA00816

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 13 juin 2023, 22MA00816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les décisions des 13 décembre 2018, 6 et 25 mars 2019 par lesquelles le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a respectivement fait droit à sa demande d'allocation en fixant son montant 28 046 euros, fait partiellement droit à son recours gracieux contre cette décision en lui accordant une somme supplémentaire de 9 348 euros et rejeté le recours gracieux contre cette second

e décision, et d'autre part, à titre principal, d'enjoindre au directeur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les décisions des 13 décembre 2018, 6 et 25 mars 2019 par lesquelles le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a respectivement fait droit à sa demande d'allocation en fixant son montant 28 046 euros, fait partiellement droit à son recours gracieux contre cette décision en lui accordant une somme supplémentaire de 9 348 euros et rejeté le recours gracieux contre cette seconde décision, et d'autre part, à titre principal, d'enjoindre au directeur de l'établissement de réviser son allocation en la fixant à 93 485 euros et subsidiairement, de lui enjoindre de procéder à une nouvelle instruction de son dossier.

Par un jugement n° 1904898 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions, a enjoint au directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique de réexaminer la situation de M. A... et de procéder à la liquidation de la somme de 93 485 euros dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, et a mis à la charge de l'établissement public la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la Cour :

I - Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 mars, 19 mai et 20 juillet 2022, sous le n° 22MA00816, l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, représenté par Me Abecassis, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2022 et de rejeter la demande de M. A... ;

2°) subsidiairement, de réformer ce jugement en tant qu'il a fixé le montant correspondant au solde d'allocation principale pour invalidité restant dû et de le fixer à la somme de 56 091 euros ;

3°) de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.

L'établissement public soutient que :

- son appel est recevable, dès lors qu'il présente des moyens qui critiquent le jugement attaqué et qui ne sont pas la simple reproduction des écritures en défense de première instance ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit dans l'interprétation des dispositions de l'article D. 4123-8 du code de la défense, dès lors que la base de leur raisonnement, tenant à l'allocation complémentaire, est erronée faute de tenir compte du paramètre des enfants à charge dont elle dépend pourtant, que ce texte clair et dépourvu " de maladresses rédactionnelles ", ne laisse aucune marge d'interprétation à l'administration qui en a fait une stricte application, le principe de légalité prévalant sur le principe d'égalité de traitement et que ce dernier principe n'est pas méconnu en cas de différences de situations, ici liées à des différences de taux d'invalidité

- l'erreur de fait invoquée pour la première fois en cause d'appel, quant au taux d'invalidité retenu pour le calcul de son allocation, n'est pas établie, puisque ce taux a été fixé par le ministre des armées à 35 %, de sorte que sa demande de révision en ce sens de son allocation est irrecevable ;

- en ne réclamant dans ses dernières écritures que la somme de 56 091 euros, l'intimé reconnaît l'erreur commise par le tribunal en omettant de déduire la somme déjà versée à son bénéfice.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril 2022 et 7 juin 2022, M. A... , représenté par Me Picard, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique à lui verser la somme de 56 091 euros, pour tenir compte de celle qu'il a déjà reçue d'un montant de 37 394 euros, et à ce que soient mis à la charge de l'établissement les entiers dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;

- les décisions en litige sont entachées d'une erreur de fait quant au taux d'invalidité qui n'est pas de 35 % mais de 40 %.

Par une ordonnance du 21 juillet 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2022, à 12 heures.

II - Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 mars, 19 mai et 20 juillet 2022, sous le n° 22MA00859, l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, représenté par Me Abecassis, demande à la Cour, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille.

L'établissement public soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- les moyens développés dans sa requête d'appel sont sérieux ;

- l'erreur de fait invoquée pour la première fois en cause d'appel, quant au taux d'invalidité retenu pour le calcul de son allocation, n'est pas établie, puisque ce taux a été fixé par le ministre des armées à 35 %, de sorte que sa demande de révision en ce sens de son allocation est irrecevable ;

- en ne réclamant dans ses dernières écritures que la somme de 56 091 euros, l'intimé reconnaît l'erreur commise par le tribunal en omettant de déduire la somme déjà versée à son bénéfice ;

- il existe un risque de non-recouvrement des fonds versés en exécution du jugement attaqué.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 avril et 7 juin 2022, M. A..., représenté par Me Picard, conclut au rejet de la requête et, dans le dernier état de ses écritures, à ce que soit mise à la charge de l'établissement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'établissement public ne sont pas de nature à justifier le sursis à exécution du jugement attaqué et que celui-ci lui a déjà versé la somme de 37 394 euros.

Par une ordonnance du 21 juillet 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- le décret n° 2007-888 du 15 mai 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Abecassis, représentant l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., caporal-chef de la légion étrangère, titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 35 % à titre temporaire du 27 décembre 2016 au 26 décembre 2019, et radié des contrôles pour réforme définitive, par arrêté du 19 mai 2017, à compter du 21 septembre 2017, a présenté une demande tendant au bénéfice d'une allocation du fonds de prévoyance militaire, sur le fondement de l'article R. 4123-8 du code de la défense. Par une décision du 13 décembre 2018, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a fait droit à sa demande en lui allouant la somme de 28 046 euros, à laquelle il a accepté d'ajouter, par décision du 6 mars 2019, après recours gracieux de l'intéressé, la somme de 9 348 euros. Par une décision du 25 mars 2019, le directeur de l'établissement public a en revanche rejeté le nouveau recours gracieux de M. A... tendant à ce que la somme qu'il estime lui être due au titre de cette allocation soit fixée à 93 485 euros. Par un jugement du 3 janvier 2022, dont l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique relève appel par sa requête n° 22MA00816 et dont il demande le sursis à exécution par sa requête n° 22MA00859, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions des 13 décembre 2018, 6 mars et 25 mars 2019, a enjoint au directeur de l'établissement de réexaminer la situation de M. A... et de procéder à la liquidation de la somme de 93 485 euros dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, et a mis à la charge de l'établissement public la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

2. Les requêtes n° 22MA00816 et 22MA00859 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. ". L'article D. 4123-8 du même code dispose que : " Lorsque l'infirmité imputable à l'un des risques exceptionnels spécifiques au métier militaire énumérés à l'article D. 4123-9 entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive, il est versé à l'intéressé : 1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit : a) Si celui-ci est marié, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou a des enfants à charge, montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle correspondant à : i) L'indice brut 762 s'il est officier ; ii) L'indice brut 560 s'il est non-officier. b) Dans les autres cas, montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle correspondant à : i) L'indice brut 546 s'il est officier ; ii) L'indice brut 398 s'il est non-officier. c) Pour les taux d'invalidité inférieurs à 40 %, l'allocation principale est calculée proportionnellement aux taux d'invalidité. 2° Un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 40 %, dont le montant est égal, par enfant à charge, à deux fois la solde budgétaire annuelle correspondant à l'indice brut 702. / Les allocations mentionnées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l'affilié. Le complément d'allocation peut être versé sur demande de l'intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d'invalidité de 40 % est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d'infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire ".

4. Il résulte clairement de ces dispositions, d'une part, qu'une allocation principale est versée à tous les militaires qui en ont fait la demande et qui ont été admis à la retraite ou réformés de manière définitive du fait d'une infirmité imputable à un risque exceptionnel spécifique au métier de militaire et pour laquelle un taux d'invalidité a été fixé, quel que soit ce taux, et d'autre part, qu'une allocation complémentaire leur est versée, par enfant à charge, lorsque le taux d'invalidité est égal ou supérieur à 40 %. Pour le calcul de l'allocation principale, est déterminé un montant calculé en multipliant par quatre la solde annuelle correspondant à un indice déterminé en fonction de la situation familiale (suivant que l'intéressé est marié ou non) et suivant le grade (officier ou non). Lorsque le taux d'invalidité est inférieur à 40 %, seule l'allocation principale est versée, proportionnellement aux taux d'invalidité en vertu des dispositions de l'alinéa c) du 1° de l'article D. 4123-8. Lorsque le taux d'invalidité est compris entre 40 % et 100 %, l'intéressé bénéficie du montant maximal de l'allocation principale et d'une allocation complémentaire calculée suivant les modalités prévues par le 2°) de cet article.

5. Il résulte de la fiche descriptive des infirmités du 20 mars 2018, que M. A... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 35 % depuis le 27 décembre 2016. Il ne pouvait ainsi prétendre, en application des dispositions de l'article D. 4123-8 du code de la défense, qu'à une allocation principale liée à l'infirmité ayant entraîné sa réforme définitive, et devant être calculée suivant les modalités prévues au 1° de cet article. En déterminant le montant qui lui était dû à ce titre, par l'application au montant égal à quatre fois la solde budgétaire annuelle, soit 106 840 euros, du pourcentage correspondant au taux d'invalidité du militaire, soit 35 %, et en obtenant le montant de 37 394 euros, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique a fait une exacte application de ces dispositions. La circonstance, retenue par les premiers juges pour annuler les décisions en litige, que l'application ainsi faite de ce texte par l'administration, qui n'avait pas à l'interpréter en se référant à l'intention de ses auteurs, créerait une rupture d'égalité entre militaires est par elle-même sans incidence sur le sens à attribuer à ce texte et, partant, sur la légalité de ces mesures. Il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les décisions en litige.

6. Néanmoins, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens présentés en première instance et en appel.

7. D'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, les dispositions claires de l'article D. 4123-8 du code de la défense, dont M. A... n'excipe pas de la contrariété avec le principe d'égalité de traitement entre militaires, font obstacle à ce que soit retenue l'interprétation de ce texte dont il revendique le bénéfice, selon laquelle le maximum de l'allocation principale susceptible d'être accordé, pour un taux d'invalidité de 40 %, correspond à un taux de 100 % et l'allocation correspondant au taux d'invalidité inférieur résulte de la multiplication de 40 et de 100 et de la division du résultat par le degré d'invalidité du militaire (40 X 100 : Degré d'invalidité du militaire).

8. D'autre part, en l'absence de décision de l'autorité compétente qui aurait porté le taux d'invalidité attribué à M. A... à un degré supérieur à 35 %, et notamment à un taux supérieur aux 40 % prévus par le 2° de l'article R. 4123-8 du code de la défense, à la suite de l'expertise médicale du 17 novembre 2017 dont il se prévaut, l'intéressé ne peut utilement affirmer qu'en se fondant sur le taux d'invalidité de 35 % pour procéder au calcul de l'allocation, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique aurait commis une erreur de fait.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête d'appel, que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2022 doit être annulé et que la demande présentée par M. A... doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

10. La Cour s'étant prononcée sur l'appel de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique contre le jugement du 3 janvier 2022, il n'y a pas lieu pour elle de statuer sur les conclusions de son recours tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, qui n'est la partie perdante dans aucune des instances, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'intéressé ne peuvent donc qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique aux fins de sursis à exécution du jugement n° 1904898 rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille.

Article 2 : Le jugement n° 1904898 rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions d'appel aux fins de condamnation et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique et à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

N° 22MA00816, 22MA008592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00816
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-02 Fonctionnaires et agents publics. - Cadres et emplois.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : ABECASSIS;ABECASSIS;ABECASSIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-13;22ma00816 ?
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