Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Cousins a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet Alpes-Maritimes du 6 février 2019 prononçant la fermeture administrative de l'activité de boulangerie, pâtisserie, préparation de sandwichs et préparations salées qu'elle exploite sur la commune de Saint-Martin-Vésubie, ensemble la décision du 15 février 2019 portant refus d'abrogation de cet arrêté.
Par un jugement n°1901574 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er février 2022 et 1er mars 2023, la SARL Cousins, représentée par Me Furio-Frisch, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2019 et la décision du 15 février 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 6 février 2019 est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure, à défaut d'avoir été précédé d'une procédure contradictoire et en l'absence de toute urgence le justifiant ;
- il méconnaît l'article L. 521-5 du code de la consommation dès lors que la condition de nécessité n'était pas remplie et que de simples mesures correctives posées par l'article L. 521-1 du même code auraient permis de se conformer aux règles d'hygiène ;
- il est entaché d'une erreur de droit, le préfet s'étant fondé sur les dispositions abrogées de la loi du 11 juillet 1979 ;
- il est constitutif d'une sanction et méconnaît le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
- la fermeture décidée n'était ni nécessaire, ni justifiée, ni proportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n°852/2004 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'hygiène des denrées alimentaires ;
- le code de la consommation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Balaresque,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;
- les observations de Me Furio-Frisch représentant la SARL Cousins.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Cousins relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 février 2019 prononçant la fermeture administrative de l'activité de boulangerie, pâtisserie, préparation de sandwichs et préparations salées qu'elle exploite sur la commune de Saint-Martin-Vésubie, ensemble la décision du 15 février 2019 portant refus d'abrogation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".
3. L'arrêté contesté vise les dispositions dont il fait application, notamment l'article L. 521-5 du code de la consommation et le règlement (CE) n°852/2004 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'hygiène des denrées alimentaires et précise les éléments de fait sur lesquels il se fonde, en énumérant l'ensemble des manquements constatés aux règles d'hygiène et d'entretien général. Il précise également que ces manquements graves présentent un danger pour la santé publique qui nécessitent que des mesures soient prises sans délai pour préserver cette dernière, ce qui caractérise une situation d'urgence justifiant qu'il soit dérogé à la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, l'arrêté contesté, qui précise tant les motifs de la décision de fermeture que ceux pour lesquels il n'y a pas lieu de mettre en œuvre une procédure contradictoire préalable, est suffisamment motivé.
4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code relations entre le public et l'administration : " Les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...) ".
5. Lorsqu'il ressort d'éléments sérieux portés à sa connaissance qu'il existe un danger à la fois grave et imminent exigeant une intervention urgente qui ne peut être différée, l'autorité de police ne commet pas d'illégalité en prenant les mesures qui paraissent nécessaires au vu des informations dont elle dispose à la date de sa décision.
6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, lors de l'inspection menée le 5 février 2019 par le service de sécurité sanitaire de l'alimentation, de graves manquements aux règles d'hygiène et d'entretien général ont été constatés, en particulier l'absence de lave-mains, de savon et d'essuie-mains dans les sanitaires du personnel, la présence de produits frais périmés présentant des traces de moisissure et de préparations alimentaires sans date de fabrication dans les meubles réfrigérés, des températures non conformes dans une vitrine de vente réfrigérée et la présence de nombreux nuisibles (charançons et mites alimentaires) vivants ou morts. La gravité des risques pour la santé publique engendrés par ces différents manquements caractérisait une situation d'urgence justifiant la fermeture immédiate de l'établissement. Par suite, le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable à l'adoption de l'arrêté litigieux doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations ". Aux termes de l'article L. 521-5 du même code : " Lorsque du fait d'un manquement à la réglementation prise pour l'application des dispositions du livre IV ou d'un règlement de l'Union européenne, les conditions de fonctionnement d'un établissement sont telles que les produits fabriqués, détenus ou mis sur le marché présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, les agents habilités peuvent ordonner toutes mesures correctives, notamment le renforcement des autocontrôles, des actions de formation du personnel, la réalisation de travaux ou d'opérations de nettoyage. En cas de nécessité, l'autorité administrative peut prononcer par arrêté la fermeture de tout ou partie de l'établissement ou l'arrêt d'une ou de plusieurs de ses activités. "
8. Il ressort des termes même de l'arrêté contesté que, pour prononcer la décision de fermeture contestée, le préfet s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 521-5 du code de la consommation, en tenant compte des manquements aux dispositions du règlement (CE) n°852/2004 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'hygiène des denrées alimentaires, constatés lors de l'inspection menée le 5 février 2019. Ce règlement prévoit notamment que les locaux par lesquels circulent les denrées alimentaires doivent être propres et en bon état d'entretien, qu'un nombre suffisant de lavabos judicieusement situés et destinés au lavage des mains doit être disponible et équipé de matériel pour le nettoyage et le séchage hygiénique des mains. Le règlement prévoit également que les matières premières et tous les ingrédients entreposés dans une entreprise du secteur alimentaire doivent être conservés dans des conditions adéquates permettant d'éviter toute détérioration néfaste et de les protéger contre toute contamination. Parmi les anomalies relevées lors de l'inspection menée le 5 février 2019 par le service de sécurité sanitaire de l'alimentation et mentionnées dans l'arrêté contesté, figurent notamment l'impossibilité pour le personnel de se laver les mains de façon hygiénique en raison d'un équipement insuffisant, le manque d'entretien des locaux, des matériels et des enceintes réfrigérées, la présence de produits frais périmés présentant des traces de moisissure et de préparations alimentaires sans date de fabrication dans les meubles réfrigérés, des températures non conformes dans une vitrine de vente réfrigérée et la présence de nombreux nuisibles (charançons et mites alimentaires) vivants ou morts.
9. Si la requérante conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés, elle n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les constatations effectuées lors de l'inspection menée le 6 février 2019 par le service de la sécurité sanitaire de l'alimentation, qui sont suffisamment documentées par les photographies prises lors de cette inspection et versées aux débats par le préfet. En particulier, si la SARL Cousins produit un procès-verbal de constat d'huissier effectué le 21 février 2019, ce dernier atteste seulement de la mise en œuvre, postérieurement au contrôle du 6 février 2019, de certaines mesures correctives des manquements constatés. La circonstance que les photographies et le compte-rendu du contrôle du 6 février 2019 n'aient pas été transmis à la SARL requérante préalablement à l'édiction de l'arrêté litigieux est, par ailleurs, sans incidence sur la matérialité des faits constatés lors de ce contrôle. Par suite, le moyen tiré de l'inexactitude des faits doit être écarté.
10. Eu égard à la gravité et au nombre des manquements relevés à l'encontre de l'établissement, aux risques qu'ils sont susceptibles d'engendrer pour la santé des consommateurs et à la nécessité de prendre des mesures correctives nécessitant des travaux d'aménagement des locaux pour les rendre conformes aux dispositions du règlement (CE) n°852/2004 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'hygiène des denrées alimentaires, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, en application des dispositions de l'article L. 521-5 du code de la consommation, ordonner la fermeture immédiate de l'ensemble de l'établissement en subordonnant l'abrogation de cette mesure à la constatation sur place par les services de la direction départementale de la protection des populations de la réalisation des prescriptions et travaux figurant sur l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 521-5 du code de la consommation doit être écarté.
11. Cette mesure de fermeture immédiate, justifiée par l'urgence de mettre un terme aux manquements graves susceptibles de nuire à la santé des consommateurs, ne présente pas un caractère disproportionné par rapport au but d'intérêt général de préservation de la santé publique poursuivi.
12. Par des motifs appropriés figurant aux points 14 et 15 du jugement attaqué, qui ne sont pas sérieusement contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'atteinte portée à la liberté du commerce et de l'industrie.
13. Enfin, la circonstance que l'arrêté contesté viserait un texte abrogé est sans incidence sur sa légalité.
14. Il résulte de l'ensemble ce qui précède que la SARL Cousins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2019, ensemble la décision du 15 février 2019 portant refus d'abrogation de cet arrêté. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la SARL Cousins est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cousins et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Vincent, présidente,
- M. Mérenne, premier conseiller,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2023.
N°22MA0041002