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12/06/2023 | FRANCE | N°21MA03818

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 12 juin 2023, 21MA03818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 octobre 2019 portant délimitation du domaine public maritime naturel intégrant les lais et relais de la mer sur le territoire de la commune de Cap-d'Ail, plage de la Mala.

Par un jugement n° 2000918 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 septembre 2021 et 7 fé

vrier 2023, sous le n° 21MA03818, M. B..., représenté par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 octobre 2019 portant délimitation du domaine public maritime naturel intégrant les lais et relais de la mer sur le territoire de la commune de Cap-d'Ail, plage de la Mala.

Par un jugement n° 2000918 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 septembre 2021 et 7 février 2023, sous le n° 21MA03818, M. B..., représenté par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 6 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 octobre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'avis d'enquête publique ne faisait aucune référence à l'autorité compétente pour adopter une décision à l'issue de l'enquête, en violation de l'article L. 123-10 du code de l'environnement ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé concernant le moyen tiré du caractère irrégulier de l'enquête publique ;

- l'avis d'enquête publique ne fait pas référence à l'autorité compétente pour adopter une décision à l'issue de l'enquête, contrairement aux dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'environnement ;

- cette omission est de nature à nuire à l'information complète de la population ;

- la parcelle cadastrée section DP 3 et le terrain situé à proximité de cette parcelle dont il est propriétaire n'appartiennent pas au domaine public maritime ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il s'en rapporte à ses moyens développés en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête de M. B....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété de personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Extremet, substituant la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire de la parcelle cadastrée section DP 3, située sur la plage de la Mala, sur le territoire de la commune de Cap-d'Ail. Par un arrêté du 6 juin 2019, le préfet des Alpes-Maritimes a prescrit l'ouverture d'une enquête publique portant sur la délimitation du domaine public maritime sur la plage de la Mala, enquête qui s'est déroulée du 2 au 31 juillet 2019. Après l'avis favorable du commissaire enquêteur, du 25 août 2019, le préfet des Alpes Maritimes a, par arrêté du 28 octobre 2019, procédé à la délimitation du domaine public maritime naturel intégrant les lais et relais de la mer sur la commune de Cap-d'Ail, plage de la Mala, laquelle délimitation a pour effet d'incorporer la parcelle cadastrée section DP 3 dans le domaine public maritime. M. B... relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'avis d'enquête publique ne fait pas référence à l'autorité compétente pour adopter une décision à l'issue de l'enquête, contrairement aux dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'environnement en estimant qu'il n'est toutefois pas établi que cette omission aurait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, à savoir les riverains de la plage de la Mala et la commune de Cap-d'Ail, qui ne pouvaient ignorer que le but de la procédure d'enquête publique était d'aboutir à la délimitation du domaine public naturel sur cette plage, et pas davantage qu'elles auraient été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

3. En estimant que le commissaire-enquêteur, après avoir détaillé la composition du dossier soumis à l'enquête (annexe 6) et après avoir indiqué que de nombreux rapports d'expertise lui ont été remis lors de la procédure d'enquête, a relevé, dans ses conclusions, que le dossier contenait l'essentiel des informations nécessaires à l'information du public, le tribunal n'a pas insuffisamment motivé le jugement attaqué et n'était pas tenu de répondre à tous les arguments du tribunal.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " I. - Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. / Cet avis précise : / l'objet de l'enquête ; / la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête et des autorités compétentes pour statuer ; (...) ".

5. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et à la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

6. L'avis d'enquête publique indique en titre " procédure de délimitation du domaine public maritime intégrant les lais et relais de la mer, sur la plage de la Mala, commune de Cap d'Ail " et " en exécution de l'arrêté préfectoral du 6 juin 2019, une enquête publique relative à la procédure de délimitation du domaine public maritime intégrant les lais et relais de la mer, sur la plage de la Mala, sur la commune de Cap d'Ail aura lieu du 2 juillet au 31 juillet 2019 inclus ". Ainsi, il ressort de ces mentions que le public était à même de comprendre que cette procédure donnerait lieu à une décision de délimitation du domaine public maritime sur la plage de la Mala, située sur le territoire de la commune de Cap d'Ail. Par ailleurs, le rapport du commissaire enquêteur indique que l'enquête a donné lieu à 54 observations du public et au dépôt de 102 pièces jointes. Il ressort de ces observations du public, constitué notamment par les propriétaires riverains, mentionnées dans ce rapport, que ceux-ci ont parfaitement compris l'objet de cette procédure. Par suite, la circonstance que l'avis d'enquête ne fasse pas état de la ou des décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête n'a pas exercé d'influence sur les résultats de l'enquête ni n'a été de nature à ne pas permettre une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération.

7. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété de personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; / (...) / 3° Les lais et relais de la mer : / a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; / b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) / Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés. ". L'article L. 2111-5 du code précité, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté, dispose que : " Les limites du rivage sont constatées par l'Etat en fonction des observations opérées sur les lieux à délimiter ou des informations fournies par des procédés scientifiques. (...) ". Aux termes de l'article R. 2111-5 du même code : " La procédure de délimitation du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières est conduite, sous l'autorité du préfet, par le service de l'Etat chargé du domaine public maritime. (...) / Les procédés scientifiques auxquels il est recouru pour la délimitation sont les traitements de données topographiques, météorologiques, marégraphiques, houlographiques, morpho-sédimentaires, botaniques, zoologiques, bathymétriques, photographiques, géographiques, satellitaires ou historiques. ".

8. Il ressort de l'arrêté contesté et du plan de délimitation qui y est annexé que la parcelle cadastrée section DP 3, située sur la plage de la Mala, derrière l'éperon rocheux, appartenant à M. B... a été incorporée au domaine public maritime. Dans le cadre de cette procédure de délimitation, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Alpes-Maritimes a établi, au mois de janvier 2019, un rapport relatif à la délimitation du domaine public maritime fondé sur des données historiques, cartographiques, cadastrales, topographiques, morpho-sédimentaires et houlographiques mentionnées à l'article R. 2111-5 du code général de la propriété de personnes publiques. Selon une carte du cadastre de 1874 figurant dans ce rapport, la totalité de la plage, à l'exception de l'éperon rocheux apparaît dans l'eau. Les photographies aériennes de ce rapport montrent que la plage de la Mala s'étendait au début du 20ème siècle jusqu'à la falaise et n'était quasiment pas occupée, ainsi que l'absence de végétation et de construction derrière l'éperon rocheux. A l'époque le site était déjà recouvert d'un matériaux clair exempt de toute végétation caractérisant un sédiment soumis à l'action régulière des flots. Ce rapport met également en évidence, sur la base d'une étude géotechnique et des photographies aériennes anciennes, la présence de remblais anthropiques indiquant que le domaine public maritime a été soustrait artificiellement à l'action des flots, sans y avoir été expressément autorisé par une concession translative de propriété. Le rapport de la DDTM fait aussi état d'une étude du déferlement de la houle établie à partir des constats de terrain opérés les 11 et 25 janvier 2016 par un agent assermenté de la DDTM, le rapport d'un expert du 25 mars 2016 et sur les conclusions d'une expertise du centre d'études sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Les constats montrent qu'entre 2014 et 2018, la houle a dépassé la hauteur de 2,5 m quatorze fois et celle de 4 m deux fois le 5 novembre 2014 et le 11 décembre 2017, ce qui tend à démontrer le caractère non exceptionnel de l'évènement et que son occurrence se produit environ trois fois par an. Le rapport conclut que l'intégralité du site de la plage de la Mala jusqu'à la cote 4 m A... est comprise dans le domaine public maritime. Par ailleurs, il ressort des constats photographiques du rapport précité que, le 11 janvier 2016, la mer qui a atteint la cote de 4 m A..., submerge l'éperon rocheux lequel est situé en surplomb de la parcelle cadastrée section DP 3, la dalle et atteint la construction. Un rapport de visite établi le même jour par un agent assermenté de la DDTM précise que ce dernier a constaté que les vagues frappent de plein fouet le cabanon dont l'occupant sans titre est M. B.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces submersions constatées à de nombreuses reprises relèveraient de perturbations météorologiques exceptionnelles lesquelles ne sont pas nécessairement constituées par des tempêtes violentes.

9. Les conclusions du rapport d'un expert géologique du 25 mars 2016 dont se prévaut M. B... selon lesquelles " ces plus hautes mers se produisent lors des épisodes météorologiques établis aux échelles décennales jusqu'à pluri-séculaires. Quant aux tempêtes établies à l'échelle annuelle, elles ne sembleraient pas inonder les parcelles cadastrales et le socle en béton " sont contredites par les constatations des agents de la DDTM, de l'étude du déferlement de la houle et l'expertise du CEREMA mentionnées au point 8. Cet expert reconnaît certifier d'après ses observations de terrain que la Mala subit, à l'image des plages de poche régionales, des submersions marines supérieures à 4-5 m A.... Par ailleurs, pour établir la limite du domaine public maritime, il se fonde non pas sur les éléments de l'article R. 2111-5 du code général de la propriété de personnes publiques mais sur une extraction du modèle numérique de terrain (MNT) et le service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM). Ainsi, les trois modélisations qu'il propose qui du reste ne concernent pas la parcelle en litige ne sauraient contredire le rapport et les constats de de la DDTM quant à l'appartenance de cette parcelle au domaine public maritime.

10. M. B... conteste le classement au domaine public maritime d'un terrain lui appartenant, situé à proximité immédiate de la parcelle cadastré section DP 3. S'il se prévaut d'un plan d'architecte indiquant que ce terrain est situé à 5,41 m au-dessus du niveau de la mer, cette mesure ne s'applique en réalité qu'à l'escalier, lequel est nécessairement surélevé par rapport au niveau du terrain sur lequel il est implanté. Ainsi, ce plan n'est pas de nature à établir que ce terrain se situerait à une cote supérieure à 4 m A..., retenue pour établir la délimitation du domaine public maritime. En outre, M. B... comme le préfet des Alpes-Maritimes reconnaissent que la dalle en béton supportant la maison du requérant est édifiée à une altitude de 2,80 m, soit à la même altitude que la dalle supportant les locaux communaux existant de l'autre côté de l'éperon rocheux qui sont régulièrement atteints par les flots comme en attestent les constats établis par les agents de la DDTM. Enfin, le plan de délimitation annexé à l'arrêté contesté indique que cette portion de terrain est au même niveau que la terrasse de l'Eden Plage dont le constat photographique du 12 décembre 2017 montre la présence de sable et de posidonie à l'intérieur de cette terrasse.

11. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 à 10, la parcelle cadastrée section DP 3 et le terrain voisin de cette parcelle de M. B... appartiennent au domaine public maritime en application du 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété de personnes publiques.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la commune de Cap d'Ail.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2023.

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N° 21MA03818

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03818
Date de la décision : 12/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-01-02-03 Domaine. - Domaine public. - Consistance et délimitation. - Domaine public naturel. - Délimitation du domaine public naturel.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR - LGP

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-12;21ma03818 ?
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