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12/06/2023 | FRANCE | N°21MA03631

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 12 juin 2023, 21MA03631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association U Levante a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le maire de Calenzana a délivré à la SA d'HLM SFHE un permis de diviser en deux lots le terrain d'assiette du projet, de construire vingt-neuf logements pour une surface de plancher de 2 030,85 m², d'aménager quarante-six places de stationnement ainsi qu'un point d'apport volontaire des déchets, sur des terrains cadastrés section K nos 172, 766 et 767 au lieudit Campo Laninco.

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n jugement n° 2001032 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia a fa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association U Levante a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le maire de Calenzana a délivré à la SA d'HLM SFHE un permis de diviser en deux lots le terrain d'assiette du projet, de construire vingt-neuf logements pour une surface de plancher de 2 030,85 m², d'aménager quarante-six places de stationnement ainsi qu'un point d'apport volontaire des déchets, sur des terrains cadastrés section K nos 172, 766 et 767 au lieudit Campo Laninco.

Par un jugement n° 2001032 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette demande et annulé l'arrêté du 11 août 2020 du maire de Calenzana.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2021, la commune de Calenzana, représentée par Me Stuart, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 juin 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association U Levante ;

3°) de mettre à la charge de l'association U Levante et de Mme A... la somme de 3 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable, l'association U Levante ne justifiant pas de son intérêt pour agir en l'absence de lien direct entre le projet contesté, dont il n'est pas établi qu'il porterait atteinte à l'environnement, et la généralité des objets statutaires de l'association ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant à la circonstance que le projet puisse constituer une extension de l'urbanisation au sens du plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme est inopérant en l'espèce ; seules les dispositions du PADDUC sont directement opposables aux autorisations d'urbanisme ;

- le permis d'aménager litigieux ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens du PADDUC et, dès lors, ne méconnaît pas l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2021, l'association U Levante, représentée par Me Tomasi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Calenzana la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à exciper de l'illégalité du plan local d'urbanisme sur le fondement duquel a été délivré le permis litigieux, dès lors que ce plan est incompatible avec les dispositions du PADDUC relatives aux espaces stratégiques agricoles.

La requête a été communiquée à la SA d'HLM SFHE qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Balaresque,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- les observations de Me Stuart pour la commune de Calenzana.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 août 2020, le maire de Calenzana a délivré à la SA d'HLM SFHE un permis de diviser en deux lots le terrain d'assiette du projet, de construire vingt-neuf logements pour une surface de plancher de 2 030,85 m², d'aménager quarante-six places de stationnement ainsi qu'un point d'apport volontaire des déchets, sur des terrains cadastrées section K nos 172, 766 et 767 au lieudit Campo Laninco. La commune de Calenzana relève appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande de l'association U Levante, annulé cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal administratif a précisé de manière suffisamment circonstanciée, aux points 4 à 7 du jugement attaqué, les motifs pour lesquels le permis litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC. Il est, dès lors, suffisamment motivé.

Sur l'intérêt pour agir de l'association U Levante :

3. Aux termes de l'article 2 des statuts de l'association U Levante versés au dossier, cette dernière " exerce son action sur l'ensemble du territoire de la Corse " et a pour buts " de protéger les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales (...), les sols, les paysages et le cadre de vie (...), de veiller au respect de la légalité par les personnes publiques et privées dans le domaine de l'environnement (...), de promouvoir un aménagement du territoire harmonieux et équilibre (...) ainsi qu'un urbanisme maîtrisé et respectueux de l'environnement naturel, économe dans l'utilisation du sol (...), d'agir contre les décisions de l'administration de nature financière notamment (...) ayant des effets négatifs sur l'environnement ". Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux porte notamment sur la construction de vingt-neuf logements répartis au sein de 11 bâtiments pour une surface de plancher de 2 030,85 m² et l'aménagement de 46 places de stationnement sur des parcelles d'une superficie totale de 9.727 m2, vierges de toute construction et implantées dans un secteur majoritairement composé de terrains à l'état naturel ou agricoles. Eu égard, d'une part, à l'objet social de l'association intimée, qui a pour but, notamment, la défense de l'environnement et en particulier des espaces naturels sur le territoire de la Corse, et d'autre part, à la portée de la mesure litigieuse, qui en autorisant une extension conséquente de l'urbanisation sur le territoire d'une commune littorale porte atteinte à l'environnement, cette association justifie d'un intérêt à agir contre l'arrêté contesté.

4. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Calenzana, tirée de l'absence d'intérêt pour agir de l'association U Levante, doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales : " Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales, du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme sur les zones littorales et du chapitre II du titre II du livre Ier du même code sur les zones de montagne. / Les dispositions du plan qui précisent ces modalités sont applicables aux personnes et opérations qui sont mentionnées, respectivement, aux articles L. 121-3 et L. 122-2 dudit code ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement. / Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ". Aux termes de l'article L. 121-8 de ce code : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs (...) ". Pour l'application de ces dernières dispositions, l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique prévoit, dans son paragraphe IV, que dans les communes de la collectivité de Corse n'appartenant pas au périmètre d'un schéma de cohérence territoriale en vigueur, le PADDUC peut se substituer à ce schéma.

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) qui le précisent, en déterminant notamment les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.

7. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC est bien opérant à l'encontre de l'arrêté litigieux.

8. Le PADDUC prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'elle joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme citées au point 5.

9. En revanche, contrairement à ce que soutient l'appelante, aucune disposition du PADDUC ne prévoit que, pour l'application de l'article L. 121-8 et lorsqu'est en jeu la délivrance d'une autorisation individuelle, l'extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions devrait s'entendre comme pouvant seulement résulter d'une expansion significative et non d'une simple construction nouvelle.

10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies aériennes produites, que le terrain d'assiette du projet, vierge de toute construction et majoritairement boisé, se situe au sein du lieu-dit Campo Laninco, à plusieurs centaines de mètres du centre du village de Calenzana, dans un secteur caractérisé par la présence de vastes espaces naturels et de quelques habitations implantées de façon éparse, lesquelles ne sauraient être regardées comme constituant un village ou une agglomération. En outre, si des constructions peuvent être autorisées dans des secteurs urbanisés autres que les agglomérations et villages, il résulte des dispositions citées ci-dessus que cette possibilité est notamment subordonnée à la condition que ces constructions n'aient pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant. En l'espèce, le projet litigieux, qui porte notamment sur la construction de vingt-neuf logements répartis au sein de 11 bâtiments pour une surface de plancher de 2 030,85 m² et l'aménagement de 46 places de stationnement sur des parcelles d'une superficie totale de 9.727 m², vierges de toute construction et implantées dans un secteur majoritairement composé de terrains à l'état naturel ou agricoles, aura nécessairement pour effet d'étendre le périmètre bâti existant. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'arrêté litigieux, qui autorise une construction dans un espace d'urbanisation diffuse, éloigné des villages et des agglomérations, constitue une extension de l'urbanisation prohibée par les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Calenzana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le maire de Calenzana a délivré à la SA d'HLM SFHE un permis de diviser en deux lots le terrain d'assiette du projet, de construire vingt-neuf logements pour une surface de plancher de 2 030,85 m², d'aménager quarante-six places de stationnement ainsi qu'un point d'apport volontaire des déchets, sur des terrains cadastrés section K nos 172, 766 et 767 au lieudit Campo Laninco.

12. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées la commune de Calenzana au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Calenzana une somme de 2 000 euros à verser à l'association U Levante en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la commune de Calenzana est rejetée.

Article 2 : La commune de Calenzana versera à l'association U Levante une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Calenzana, à l'association U Levante et à la SA d'HLM SFHE.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2023.

N° 21MA03631 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03631
Date de la décision : 12/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Schéma d'aménagement de la Corse.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-12;21ma03631 ?
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