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08/06/2023 | FRANCE | N°22MA01303

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 08 juin 2023, 22MA01303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2108214 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, M. B..., représ

enté par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2022 du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2108214 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, M. B..., représenté par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour lui permettant de travailler dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit ;

- l'avis émis par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 janvier 2018 méconnaît les dispositions des articles R. 313-22 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le rapport médical établi par le médecin inspecteur ne comporte pas l'ensemble des précisions requises s'agissant du traitement dont il bénéficie pour sa pathologie cardiaque et aucune information complémentaire n'a été sollicitée ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- en raison de son état de santé, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 24 mars 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les observations de Me Grebaut substituant Me Leonhardt pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité algérienne, né le 17 novembre 1950, est entré en France le 6 septembre 2017, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour et a obtenu, au regard de son état de santé, une autorisation provisoire de séjour valable du 21 septembre 2018 au 7 janvier 2019. Après avoir sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 22 août 2019, rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Le 16 octobre 2020, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et, par un arrêté du 18 janvier 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 7 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut des stipulations précitées de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., après avis émis le 1er décembre 2020 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé que si l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque vers ce pays.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits, que M. B... souffre de deux cardiopathies sévères, une coronaropathie tritronculaire, qui a nécessité une revascularisation percutanée par angioplastie et une implantation de stent, et une cardiomyopathie hypertrophique obstructive qui a nécessité l'implantation, en juin 2018, d'un défibrillateur autonome de marque Boston scientific. Il souffre, par ailleurs, d'un diabète de type 2 avec complications oculaires. Les certificats médicaux produits, dont ceux du professeur A..., cardiologue au centre hospitalier universitaire de l'hôpital Nord, des 26 septembre 2019 et 12 février 2021, indiquent que les deux pathologies cardiaques sévères dont souffre M. B... " lui font courir un risque vital, nécessitant une surveillance régulière 3 à 4 fois par an, ainsi que la pratique régulière d'examens complémentaires " et que le " risque de mort subite " a justifié la pose d'un défibrillateur. La pose de ce type de dispositif requiert un suivi cardiologique régulier ainsi qu'il ressort notamment des comptes rendus des contrôles " de prothèse implantable " des 16 mars, 13 août et 9 novembre 2020. Il ressort également du certificat médical de ce praticien cardiologue, du 3 novembre 2021, qu'une " surveillance régulière de ce matériel qui n'est pas disponible actuellement en Algérie est indispensable ". Des certificats médicaux établis par deux médecins cardiologues Algériens, les 18 novembre 2021 et 31 janvier 2022 confirment que " le programmateur Boston scientific n'est pas disponible en Algérie ". Ainsi, les éléments produits, au demeurant non contestés, alors même que certains sont postérieurs à la décision attaquée, établissent que les soins requis par l'état de santé du requérant n'étaient pas disponibles dans son pays d'origine, contrairement à ce que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de l'admettre au séjour en raison de son état de santé. Par suite, l'arrêté attaqué doit être annulé dans toutes ses dispositions.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 janvier 2021 doivent être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 5, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. B..., en application du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leonhardt, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Leonhardt d'une somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 janvier 2022 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 janvier 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Leonhardt une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Leonhardt et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2023.

2

N° 22MA01303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01303
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-08;22ma01303 ?
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