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08/06/2023 | FRANCE | N°21MA01710

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 08 juin 2023, 21MA01710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) FD Immobilier a demandé au tribunal administratif de Marseille d'une part d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 et l'arrêté du 12 mars 2018 par lesquels respectivement le maire de Rognac et le maire de Berre-l'Étang lui ont refusé des permis de construire pour la réalisation d'une plateforme de stockage de véhicules, ainsi que les décisions qui ont rejeté ses recours gracieux, et d'autre part de condamner chacune des communes de Rognac et de Berre-l'Étang à lu

i verser une indemnité de 2 380 041 euros, avec intérêts et capitalisation des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) FD Immobilier a demandé au tribunal administratif de Marseille d'une part d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 et l'arrêté du 12 mars 2018 par lesquels respectivement le maire de Rognac et le maire de Berre-l'Étang lui ont refusé des permis de construire pour la réalisation d'une plateforme de stockage de véhicules, ainsi que les décisions qui ont rejeté ses recours gracieux, et d'autre part de condamner chacune des communes de Rognac et de Berre-l'Étang à lui verser une indemnité de 2 380 041 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1804088, 1807103, 1807503 et 1901350 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 mai 2021, le 13 novembre 2021 et le 20 décembre 2021, la société FD Immobilier, représentée par Me Camière, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 28 novembre 2017, par lequel le maire de la commune de Rognac a refusé la demande de permis de construire n° PC 013 081 17 F0030 et ensemble, la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ledit refus ;

3°) d'annuler l'arrêté en date du 12 mars 2018 par lequel le maire de la commune de Berre-l'Etang a refusé sa demande de permis de construire n° PC 013 014 17F0026 et, ensemble, la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ledit refus ;

4°) de condamner solidairement les communes de Rognac et de Berre-l'Etang à lui verser la somme de 2 380 041 euros hors taxes à parfaire, en réparation des préjudices causés par les arrêtés en date du 28 novembre 2017 et 12 mars 2018 par lesquels les maires des communes de Rognac et de Berre l'Etang ont illégalement refusé ses demandes de permis de construire n° PC 013 081 17 F0030 et n° PC 013 014 17F0026, outre intérêts au taux légal et leur capitalisation annuelle à terme échu :

5°) de mettre à la charge des communes de Rognac et de Berre-l'Etang la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement et la motivation du jugement sont entachés d'erreur fait, d'appréciation et d'erreur de droit ;

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation puisqu'il ne se prononce pas sur la nature de l'activité projetée sur le site pour répondre au moyen tiré de l'illégalité du motif pris d'une application inexacte de l'arrêté préfectoral du 4 mars 2010 ;

- le projet implanté pour partie sur le territoire de la commune de Rognac et pour partie sur celui de la commune de Berre-l'Étang devait nécessairement faire l'objet d'une instruction commune et d'un arrêté conjoint des deux maires compétents en tant qu'ensemble immobilier unique ;

S'agissant du bienfondé du jugement relatif à l'arrêté du 28 novembre 2017 :

- le motif pris du coût des travaux nécessaires à l'extension du réseau électrique procède d'une application inexacte de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ;

- le motif pris de l'absence de caractère industriel procède d'une application inexacte de l'arrêté préfectoral du 4 mars 2010 et du règlement du plan local d'urbanisme ;

- la décision procède d'un détournement de pouvoir ;

- la substitution de motif demandée est infondée ;

S'agissant du bienfondé du jugement relatif à l'arrêté du 12 mars 2018 :

- le motif pris du prétendu enclavement du terrain procède d'une application inexacte de l'article 3 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Berre-l'Étang ;

- le motif pris de l'insuffisance des mesures de gestion des eaux pluviales procède d'une application inexacte de l'article 4 du même règlement ;

- le motif pris du coût des travaux nécessaires à l'extension du réseau électrique procède d'une application inexacte de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ;

- le motif pris de l'impossibilité du raccordement au réseau d'assainissement collectif procède d'une application inexacte de l'article 4 du même règlement ;

- la décision procède d'un détournement de pouvoir.

- les substitutions de motif demandées sont infondées ;

S'agissant du préjudice indemnitaire :

- les motifs de refus qui lui ont été opposés sont illégaux, procèdent d'un détournement de pouvoir, et engagent à ce titre la responsabilité de la commune ;

- ce refus illégal lui a causé un préjudice économique et financier important, constitué de frais liés à la définition du projet et un manque à gagner d'exploitation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2021 et le 17 décembre 2021, la commune de Berre-l'Étang, représentée par la SELARL Valadou-Josselin et associés, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que les sommes demandées soient ramenées à de plus justes proportions, à titre encore plus subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise afin de chiffrer le préjudice invoqué et de condamner la commune de Rognac à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la SAS FD Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens ne sont pas fondés ;

- il pourra être procédé à des substitutions de motifs, fondées sur la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le maire de Berre-l'Étang suite au refus opposé par le maire de Rognac, sur l'inadéquation de l'activité projetée avec les activités autorisées en zone UEc et l'existence d'une servitude d'utilité publique ;

- aucun lien de causalité n'existe entre l'illégalité et les préjudices invoqués ;

- les préjudices invoqués ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2021, la commune de Rognac, représentée par la SCP Lesage Berguet Gouard-Robert, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 650 euros soit mise à la charge de la SAS FD Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens ne sont pas fondés ;

- il pourra être procédé à une substitution de motifs, fondée sur l'application de l'article 4 du règlement de la zone UEm du plan local d'urbanisme de Rognac en raison de l'insuffisance du dossier sur les modalités du système de rétention des eaux pluviales ;

- les préjudices invoqués ne sont pas établis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Camiere, représentant la société FD Immobilier, et celles de Me Varnoux, représentant la commune de Berre-l'Etang.

Une note en délibéré, enregistrée le 30 mai 2023, a été présentée par Me Varnoux pour la commune de Berre-l'Etang.

Une note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2023, a été présentée par Me Camière pour la société FD Immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux demandes respectivement déposées le 30 août 2017 en mairie de Berre-l'Étang et en mairie de Rognac, la société FD Immobilier a demandé un permis de construire pour la réalisation d'une plateforme de stockage de véhicules sur un terrain implanté pour partie sur le territoire de la commune de Berre-l'Étang et pour partie sur le territoire de la commune de Rognac. Par un arrêté du 28 novembre 2017, le maire de Rognac a refusé de délivrer à la société FD Immobilier le permis de construire relatif aux travaux situés sur le territoire de sa commune. Par un arrêté du 12 mars 2018, le maire de Berre-l'Étang a refusé de lui délivrer le permis de construire relatif aux travaux situés sur le territoire de sa commune. La société relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté d'une part, ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 28 novembre 2017 et 12 mars 2018 portant rejet de ses demandes de permis de construire et des décisions qui ont rejeté ses recours gracieux, d'autre part, ses conclusions tendant à la condamnation des communes de Berre-l'Étang et de Rognac à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des refus de permis de construire contestés.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, pour répondre au moyen s'agissant de la conformité de l'activité projetée sur le site par la société FD Immobilier à l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 4 mars 2010, le tribunal administratif, qui a précisé que l'activité n'était pas industrielle ou artisanale, a suffisamment répondu au moyen soulevé. Le défaut de motivation du jugement sur ce point ne peut qu'être écarté.

3. D'autre part, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, des erreurs de droit ou d'appréciation des faits que les premiers juges auraient commises.

Sur le bienfondé du jugement relatif à l'arrêté du 28 novembre 2017 :

4. Pour refuser de délivrer le permis de construire en litige, le maire de Rognac a opposé le caractère non industriel du projet qui méconnaitrait les dispositions du plan local d'urbanisme ainsi que la servitude d'utilité publique de l'arrêté du 4 mars 2010 du préfet des Bouches-du-Rhône, ainsi que l'absence de branchement possible au réseau de distribution d'électricité.

5. D'une part, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux normes de fond résultant des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords ". Il résulte de ces dispositions qu'une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire. Par ailleurs, le permis de construire a pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'il autorise avec la législation et la réglementation d'urbanisme. Il suit de là que, lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l'une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l'autre, au regard de considérations d'ordre technique ou économique et non au regard des règles d'urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique.

6. Il ressort des pièces du dossier que si les demandes présentées par la société FD immobilier devant le maire de Rognac et le maire de Berre-l'Étang portent sur une opération globale, les travaux demandés, qui consistent d'une part, en l'aménagement du terrain pour créer des emplacements de stationnements pour véhicules et, d'autre part, en la réalisation de deux constructions respectivement implantées sur le territoire de chaque commune, portent sur des éléments physiquement distincts. Les circonstances que le fonctionnement du site nécessite ces différents éléments pour être opérationnel et que le projet bénéficie d'une entrée, d'un raccordement électrique et d'un réseau d'eau pluvial communs ne caractérisent pas des liens fonctionnels de nature à regarder le projet comme portant sur un ensemble immobilier unique. Ces deux permis ont, au demeurant, été déposés par la société requérante de manière disjointe. C'est par conséquent sans méconnaître l'étendue de sa compétence que le maire de Rognac n'a statué sur la demande qui lui était présentée que pour la partie des travaux située sur le territoire de sa commune et s'est abstenu de statuer conjointement avec le maire de Berre-l'Étang sur l'ensemble du projet.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'ancien exploitant du site, la Société Shell Pétrochimie Méditerranée, a sollicité le 14 janvier 2008 l'institution de servitudes d'utilité publique au vu de la pollution des sites en proximité de la zone industrielle de la montée des Pins. Consécutivement à une enquête publique, le préfet des Bouches-du-Rhône a considéré que la mise en place des servitudes d'utilité publiques représentait une nécessité afin de ne pas exposer inutilement des tiers aux pollutions des sols et des eaux qui ont été constatées. En conséquence, les parcelles d'implantation du projet ont été grevées de servitude d'utilité publique par l'arrêté du 4 mars 2010, réservant l'usage des terrains en cause aux seules activités à caractère industriel ou artisanal. La société requérante indique que le projet porte sur " l 'exploitation d'une plate-forme logistique qui servirait de zone de transit pour des véhicules légers neufs et d'occasion avant leur redistribution ". Cependant, une telle activité constitue une activité de service, ainsi que cela ressort d'ailleurs du courrier du préfet du 22 février 2018, et non une activité industrielle, qui ne peut être regardée comme autorisée par la servitude d'utilité publique précitée, quand bien même cette activité de service permet la distribution de produits issus de l'industrie. La commune de Rognac pouvait, pour ce seul motif, et sans entacher sa décision d'un détournement de pouvoir, refuser la délivrance du permis de construire sollicité.

8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motif, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé d'annuler l'arrêté portant rejet de sa demande de permis de construire sur la commune de Rognac.

Sur le bienfondé du jugement relatif à l'arrêté du 12 mars 2018:

9. Pour refuser de délivrer le permis de construire en litige, le maire de Berre-l'Etang a opposé l'absence de raccordement possible au réseau de distribution d'électricité et d'assainissement et l'absence de dispositif complet de gestion des eaux pluviales en méconnaissance de l'article UE4 du règlement du PLU et pour l'application des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ainsi que le caractère enclavé du site en méconnaissance de l'article UE3 du règlement du PLU.

10. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, la société FD Immobilier n'est pas fondée à soutenir que le maire de Berre-l'Étang a méconnu l'étendue de sa compétence en ne statuant sur la demande qui lui était présentée que pour la partie des travaux située sur le territoire de sa commune et s'est abstenu de statuer conjointement avec le maire de Rognac sur l'ensemble du projet.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Berre-l'Étang : " tout terrain enclavé est inconstructible, à moins que son propriétaire ne produise une servitude de passage suffisante ". Il ressort des pièces du dossier que la demande de la SAS FD Immobilier portait sur une emprise foncière disposant d'un accès à la voie publique. Par suite, quand bien même le maire de Rognac a refusé le permis de construire pour les travaux situés sur le territoire de sa commune sur lequel se trouve cet accès, le maire de Berre-l'Étang a commis une erreur d'appréciation en estimant que ce terrain est enclavé ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Berre-l'Étang : " Toute augmentation du ruissellement induite par de nouvelles imperméabilisations de sols (création ou extension de bâtis ou d'infrastructures existants), doit être compensée par la mise en œuvre de dispositifs de rétention des eaux pluviales ou autres techniques alternatives, conformément au schéma d'assainissement pluvial et au règlement du Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de l'Arc en vigueur (voir document en annexe). / Toutefois, en cas d'impossibilité de mise en œuvre de dispositifs de rétention des eaux pluviales et autres techniques alternatives, l'évacuation des eaux pluviales vers les réseaux publics de collecte pourra être admise, sous réserve de leur capacité résiduelle à accueillir ces effluents supplémentaires ". Contrairement à ce qu'a estimé le maire de Berre-l'Étang pour rejeter la demande de la SAS FD Immobilier sur le fondement des dispositions précitées, il ne ressort pas des pièces du dossier que le dispositif de recueil et de gestion des eaux pluviales prévu serait insuffisant par la seule circonstance qu'il est commun avec le dispositif du projet situé sur la commune de Rognac. Par ailleurs, la circonstance que le maire de Rognac a refusé le permis de construire est en elle-même sans incidence sur la possibilité de réaliser ce dispositif. Par suite, la SAS FD Immobilier est fondée à soutenir que le maire de Berre-l'Étang a fait une inexacte application des dispositions précitées.

13. En quatrième lieu, l'article 4 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Berre-l'Étang dispose notamment : " Toute construction nécessitant une alimentation électrique doit être raccordée au réseau public ".

14. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés ".

15. Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité, et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement. Un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et que, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

16. Il ressort des pièces du dossier et notamment des différents échanges avec le gestionnaire de réseau ENEDIS ainsi que RTE, que le site en litige n'est pas raccordé au réseau basse tension pour permettre une alimentation à 12 KVA du site. ENEDIS envisage ainsi une extension de réseau de 290 mètres pour raccorder le projet du côté de la commune de Rognac et 440 mètres pour raccorder le projet sur la commune de Berre, financés à 40 % par les communes en empruntant le même réseau, étant précisé que les cartes produites par ENEDIS permettent d'estimer que le terrain d'assiette se situe à environ 150 mètres du raccordement basse tension le plus proche situé sur la commune de Rognac. Si la société requérante se prévaut de l'existence d'un raccordement ancien du site, il ressort des pièces du dossier qu'il s'agissait d'un raccordement haute tension de 63 000 volts désormais déconnecté, étranger aux besoins du projet qui nécessite de la basse tension. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de fait que le maire de Berre-l'Etang a estimé que le projet nécessitait une extension de réseau. En revanche, il ressort du comité de suivi de la convention de revitalisation LyondelBasell Berre tenu en 2017 sous l'égide du préfet auquel participe activement la commune de Berre-l'Etang que le site en litige a vocation à être raccordé au réseau pour permettre l'implantation de nouvelles activités créatrices d'emplois. L'article de presse versé à l'instance Le Digest Hebdo du lundi 14 janvier 2019 relate la volonté des élus de la commune de Berre-l'Etang et de son maire d'implanter une nouvelle activité sur le site, en cohérence d'ailleurs avec sa vocation industrielle prévue par le plan local d'urbanisme. Par suite, et alors même qu'une participation serait demandée par ENEDIS pour l'extension de réseau, il ne peut être soutenu que la commune de Berre-l'Etang n'a pas l'intention de réaliser une extension de réseau au regard de sa volonté clairement exprimée de développer le site ainsi que les sites industriels adjacents en friche, laquelle extension peut être réalisée dans un délai de 4 à 6 mois selon ENEDIS. Par suite, et alors même que le projet en litige nécessite une extension de réseau, la commune de Berre-l'Etang n'était pas fondée à le refuser sur le fondement de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.

17. En cinquième lieu, l'article 4 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme de Berre-l'Étang dispose notamment : " Toutes les constructions ou les installations doivent être raccordées au réseau public d'assainissement ". Il ressort des pièces du dossier que, consulté sur la demande de la société FD Immobilier, le service Agglopole Provence Assainissement, gestionnaire du réseau d'assainissement collectif a estimé que la parcelle AS 10 n'était pas raccordable au réseau public d'assainissement, dont les réseaux sont distants d'environ 250 mètres. Cependant, et d'une part, la parcelle est raccordable au réseau d'assainissement sans extension de réseau via le terrain d'assiette que la requérante maîtrise sur la commune de Rognac. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 16, le site en litige a vocation à être raccordé au réseau public d'assainissement, s'agissant d'une friche industrielle en cours de reconversion. La société FD Immobilier est fondée à soutenir que le maire de Berre-l'Étang ne pouvait opposer le défaut de raccordement possible au réseau d'assainissement en application des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme et la méconnaissance sur ce point des dispositions de l'article UE4 du règlement du PLU.

18. Il ressort de ce qui précède que les quatre motifs qui fondent le refus de permis sont illégaux et doivent être annulés.

19. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

20. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 4 mars 2010 du préfet des Bouches-du-Rhône instituant des servitudes d'utilité publique sur le site exploité antérieurement par la société Shell Pétrochimie Méditerranée : " L'usage des terrains en cause est réservé aux seules activités à caractère industriel ou artisanal, y compris les bureaux liés à ces activités ". Ainsi qu'il a été dit au point 7, le projet de la société FD Immobilier ne porte pas sur une activité à caractère industriel ou artisanal. Ainsi, le maire de Berre-l'Etang aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 4 mars 2010. Par suite, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée qui n'a pas privé le requérant d'une garantie procédurale.

21. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

22. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre substitution de motifs demandée en défense, que la SAS FD Immobilier n'est pas fondée à se plaindre que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé d'annuler l'arrêté du 12 mars 2018 du maire de Berre-l'Etang.

Sur la responsabilité :

23. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS FD Immobilier n'est pas fondée à invoquer l'illégalité fautive des arrêtés respectivement pris le 28 novembre 2017 et le 12 mars 2018 pour rechercher la responsabilité de la commune de Rognac et de la commune de Berre-l'Étang. Par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

24. La SAS FD Immobilier n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses prétentions indemnitaires.

Sur les frais de procédure :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rognac et de la commune de Berre-l'Étang, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la SAS FD Immobilier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS FD Immobilier une somme de 1 650 euros au titre des frais exposés par la commune de Rognac, et une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Berre-l'Étang.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société FD Immobilier est rejetée.

Article 2 : La SAS FD Immobilier versera à la commune de Rognac une somme de 1 650 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SAS FD Immobilier versera à la commune de Berre-l'Étang une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société FD Immobilier, à la commune de Rognac et à la commune de Berre-l'Etang.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

N° 21MA01710 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01710
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET CAMIERE AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-08;21ma01710 ?
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