La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2023 | FRANCE | N°22MA02606

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 05 juin 2023, 22MA02606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant quatre mois par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour reçue le 14 août 2018 en Préfecture, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour

de retard ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant quatre mois par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour reçue le 14 août 2018 en Préfecture, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902929 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 octobre 2022, M. C... E..., représenté par Me Boughanmi Papi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour réceptionnée le 14 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- dès lors qu'il réside de manière continue en France depuis plus de dix ans, la commission du titre de séjour devait être consultée ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il pouvait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour ;

- la circulaire Valls du 28 novembre 2012 a été méconnue.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55 % par décision du 2 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., né le 8 novembre 1967, de nationalité tunisienne, serait, selon ses dires, entré en France en 2005 et s'y serait maintenu depuis lors. Il a présenté, par lettre du 9 août 2018, réceptionnée le 14 août suivant par les services de la préfecture des Alpes-Maritimes, une demande de titre de séjour. En l'absence de réponse dans un délai de 4 mois, une décision implicite de rejet est née sur cette demande. M. E... relève appel du jugement n° 1902929 du 10 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision implicite de rejet ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2./ L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ".

3. Si M. E... fait valoir qu'il réside régulièrement en France depuis l'année 2005, il se borne, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, à produire, avant l'année 2013, des documents très épars et peu diversifiés qui attestent tout au plus d'une résidence ponctuelle en France. Ainsi, l'intéressé ne justifiant pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

5. M. E... fait valoir qu'il est divorcé, que ses parents sont décédés et que son fils B... ainsi que deux frères résident de manière régulière en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du jugement de divorce prononcé en Tunisie le 2 avril 2014, que M. E... a deux autres enfants, D... et A..., dont il n'est pas établi ni même d'ailleurs allégué qu'ils ne résideraient pas en Tunisie. Par ailleurs, le requérant ne produisant pas le livret de famille de ses parents, n'établit pas non plus qu'il n'aurait pas, dans son pays d'origine, d'autres frères et sœurs. Par suite, et alors, comme il a été dit précédemment, que M. E... n'établit avoir en France une résidence habituelle que depuis l'année 2013, soit cinq ans à la date de la décision attaquée, le moyen tiré de ce que la décision implicite de rejet porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaîtrait les dispositions et stipulations rappelées au point 4 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, en dépit du fait que le requérant justifie avoir exercé, depuis 2013, une activité professionnelle dans le domaine de la restauration, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

6. Eu égard à ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En dernier lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que cette circulaire aurait été méconnue doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. E... ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et au titre des frais d'instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2023.

N° 22MA0260602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02606
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : BOUGHANMI-PAPI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;22ma02606 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award