La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2023 | FRANCE | N°21MA04890

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 05 juin 2023, 21MA04890


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gaz Réseau Distribution France (GRDF) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement, à titre principal, la société Gagneraud construction et la société Axa Corporate solutions assurance ou, à titre subsidiaire, la société Gagneraud construction, la société Axa Corporate solutions assurance et la société Resodétection à lui verser la somme de 15 051,01 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015. La société Gagneraud const

ruction et la société Axa Corporate solutions assurance ont appelé en garantie la sociét...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gaz Réseau Distribution France (GRDF) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement, à titre principal, la société Gagneraud construction et la société Axa Corporate solutions assurance ou, à titre subsidiaire, la société Gagneraud construction, la société Axa Corporate solutions assurance et la société Resodétection à lui verser la somme de 15 051,01 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015. La société Gagneraud construction et la société Axa Corporate solutions assurance ont appelé en garantie la société Résodétection.

Par un jugement n°1902832 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné, d'une part, la société Gagneraud construction à verser à la société GRDF la somme de 12 040,80 euros et, d'autre part, la société Résodétection à garantir la société Gagneraud construction à hauteur de 50% de sa condamnation.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2021 et 3 août 2022, la SARL Résodétection, représenté par la SELARL Vidaparm, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 2021 en tant qu'il l'a condamnée à garantir la société Gagneraud construction des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de condamner la société Gagneraud construction à indemniser seule la société GRDF ;

3°) de condamner solidairement la société Gagneraud construction et la compagnie Axa à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel en cause et en garantie par la société Gagneraud construction et la société Axa Corporate solutions assurance est infondé et abusif ;

- le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi n'est pas établi, dès lors que la société Gagneraud construction ne disposait pas des plans qu'elle avait pour mission d'établir mais uniquement de ceux de l'exploitant, la société GRDF, dont la société Gagneraud construction n'a d'ailleurs pas tenu compte ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; elle a accompli les prestations de détection des réseaux et de géoréférencement qui lui avaient été confiées par la communauté urbaine Marseille Provence Métropole en respectant le cahier des clauses techniques particulières et la norme NF S 70-0003-1 alors applicable ; les accessoires des réseaux telles la purge du réseau de gaz en cause n'avaient pas à être cartographiés ; la purge en question ne pouvait être cartographiée car le regard avait été enterré accidentellement lors d'anciens travaux de voirie.

Par deux mémoires, enregistrés le 1er mars 2022 et le 27 avril 2022, la société Gaz réseau distribution France (GRDF), représentée par Me Rubin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 2021 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande de première instance ;

2°) de condamner solidairement, à titre principal, la société Gagneraud construction et la société Axa Corporate solutions assurance ou, à titre subsidiaire, la société Gagneraud construction, la société Axa Corporate solutions assurance et la société Résodétection à lui verser la somme de 15 051,01 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015 ;

3°) de mettre, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à la charge solidaire, à titre principal, de la société Gagneraud construction et de la société Axa Corporate solutions assurance ou, à titre subsidiaire, de la société Gagneraud construction, la société Axa Corporate solutions assurance et la société Résodétection.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute de la société Gagneraud construction est engagée du fait du dommage causé au robinet de tige à gaz appartenant au réseau de distribution de gaz naturel par une pelle mécanique lors des travaux réalisés par cette société pour le compte de Marseille Provence Métropole ;

- la société Gagneraud construction a en outre commis une faute en ne se référant pas aux plans fournis par la société GRDF sur lesquels l'ouvrage endommagé était représenté et en ne prenant pas les précautions nécessaires, notamment en faisant procéder à des sondages préalables ;

- la société Gagneraud est seule responsable du marquage en sa qualité d'exécutant des travaux ;

- la société Gagneraud construction ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en se prévalant d'une quelconque vétusté de l'ouvrage, qu'elle n'établit au demeurant pas ;

- c'est à tort que le tribunal a procédé à un abattement de 20% au titre de la vétusté de l'ouvrage alors qu'elle a été contrainte de procéder à un remplacement à neuf des installations ;

- elle est fondée à solliciter la somme de 15 051, 01 euros correspondant à l'intégralité du montant des travaux de remise en état qu'elle a dû exposer.

Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 6 avril 2022, la société Gagneraud construction, représenté par la SELARL Abeille et Associés, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 3 décembre 2021 et de rejeter la demande de la société GRDF ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Résodétection à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre le dommage causé au robinet de gaz endommagé et les travaux qu'elle a effectués n'est pas établi ; la vétusté de l'ouvrage est seule à l'origine de la fuite de gaz ;

- la société GRDF a commis des fautes exonératoires de la responsabilité de la société Gagneraud construction ; l'ouvrage, enterré sous un terre-plein de béton, n'était pas conforme ; l'agent de la société GRDF présent sur les lieux n'a pas procédé au marquage de cet ouvrage ; la vétusté de l'ouvrage a contribué au dommage ;

- le préjudice est insuffisamment détaillé ; la somme demandée, qui ne tient pas compte de la vétusté de l'ouvrage, est excessive ;

- elle est fondée à appeler en garantie la société Résodétection, qui a commis une faute en le localisant pas le robinet de purge, partie intégrante du réseau que cette société devait cartographier ; le regard de ce robinet n'était pas visible en l'absence de terrassement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 15 février 2012 pris en application du chapitre IV du titre V du livre V du code de l'environnement relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens, subaquatiques de transport ou de distribution ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Balaresque,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- les observations de Me Straboni représentant la société Résodétection,

- celles de Me Durand représentant la société Gagneraud construction,

- et celles de Me Baesa susbtituant Me Rubin représentant la société GRDF.

Considérant ce qui suit :

1. La société Gagneraud construction a procédé à des travaux de terrassement à l'angle des rues Monte Cristo, Camas et Devilliers à Marseille, pour le compte de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole. Le 2 décembre 2015, un robinet de purge d'une installation appartenant à la société Gaz réseau distribution France (GRDF) a été heurté par une pelle mécanique au cours de l'exécution de ces travaux. Un constat contradictoire a été établi le même jour par des représentants des deux sociétés. La société GRDF est intervenue pour procéder aux réparations et a transmis à la société Gagneraud construction une facture d'un montant de 15 051,01 euros, correspondant au coût de remise en état du réseau. La société Gagneraud construction ayant refusé de payer la somme réclamée, la société GRDF a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement, à titre principal, la société Gagneraud construction et la société Axa Corporate solutions assurance ou, à titre subsidiaire, la société Gagneraud construction, la société Axa Corporate solutions assurance et la société Résodétection à lui verser la somme de 15 051,01 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015. La société Gagneraud construction et la société Axa Corporate solutions assurance ont appelé en garantie la société Résodétection. Par un jugement n°1902832 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné, d'une part, la société Gagneraud construction à verser à la société GRDF la somme de 12 040,80 euros et, d'autre part, la société Résodétection à garantir la société Gagneraud construction à hauteur de 50% de sa condamnation. La société Résodétection relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à garantir la société Gagneraud construction. La société Gagneraud construction demande à la Cour, à titre principal, par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement du 3 décembre 2021 et de rejeter la demande de la société GRDF et, à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, de condamner la société Résodétection à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. La société GRDF demande à la Cour, par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement du 3 décembre 2021 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande de première instance.

Sur l'appel principal de la société Résodétection et l'appel incident de la société Gagneraud construction :

2. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires.

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Gagneraud construction, titulaire du marché de travaux de terrassement effectué pour le compte de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, et la société Résodétection, à qui la communauté urbaine Marseille Provence Métropole avait confié, par un marché conclu le 5 mai 2015, des prestations de détection des réseaux et de réalisation de livrets topographiques géoréférencés dans le cadre de ces travaux de terrassement, ont participé à la même opération de travaux publics, sans être liées par un contrat de droit privé. La société Gagneraud construction peut donc rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de la société Résodétection à raison des fautes commises par celle-ci dans le cadre de l'exécution du contrat qui la liait à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, maître de l'ouvrage, si ces fautes présentent un lien de causalité direct avec le dommage que la société Gagneraud a été condamnée à indemniser.

4. Il résulte de l'instruction que, par l'émission d'un bon de commande émis le 5 mai 2015 par la communauté urbaine Marseille Provence Métropole à la suite du devis transmis par la société Résodétection le 8 avril 2015, cette société a été chargée d'une mission de détection des ouvrages souterrains et d'une mission de géo-référencement et de récolement de ces ouvrages, correspondant aux phases 0, 1 et 3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) annexé à ce devis. L'article 3 de ce CTTP précisait que l'objectif de cette mission était de " classer l'ensemble des réseaux sensibles en classe A " en menant des investigations complémentaires, après analyse des éléments fournis en réponse à la déclaration de travaux par les exploitants de ces réseaux. Cet article du CTTP prévoyait notamment, en sa phase 1 intitulée " détection des ouvrages souterrains méthode non intrusive ", l'obligation de géo-localiser, selon une précision de classe A, l'ensemble des ouvrages souterrains et des affleurants, en renvoyant expressément à la norme NF S70-003-1 relative aux mesures de prévention des dommages causés par les travaux à proximité des réseaux, qui définit les ouvrages, parmi lesquels figurent les ouvrages de distribution de gaz, comme " tout ou partie de canalisation, ligne, installation ainsi que ses branchements et équipements ou accessoires nécessaires à son fonctionnement ". Il prévoyait également, en sa phase 3 intitulée " géo-référencement des ouvrages souterrains détectés ou géo-localisés ", la transmission au responsable des travaux du compte-rendu des investigations complémentaires ainsi menées, mentionnant notamment les " observations sur les zones douteuses " ainsi que le récolement des ouvrages géo-localisés en circonscrivant " les zones de divergences en faisant apparaître les données cartographiques initiales et nouvelles " et " les zones où un doute subsiste ". Dans ces conditions, la société Résodétection, à qui incombait la mission d'apporter une localisation précise des ouvrages afin de réduire les risques de dommages aux réseaux lors de l'exécution des travaux, était tenue de procéder à la géolocalisation et au récolement du robinet de purge, accessoire indispensable des ouvrages de canalisation de distribution de gaz naturel figurant sur le plan transmis par la société GRDF en réponse à la déclaration de travaux, et de transmettre ces informations au responsable des travaux, la société Gagneraud. Il est constant que le robinet de purge endommagé lors des travaux effectués par la société Gagneraud ne figurait pas sur les plans établis par la société Résodétection, qui ne mentionnait à cet égard aucune divergence ou doute subsistant par rapport aux éléments initialement transmis par l'exploitant du réseau, GRDF, sur lesquels figurait pourtant ce robinet. La société Résodétection ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en alléguant, sans l'établir, que la société Gagneraud ne disposait pas des plans établis par ses soins, alors qu'elle avait pour mission de les lui transmettre.

5. Si ce manquement de la société Résodétection à ses obligations contractuelles a directement contribué au dommage occasionné au robinet de purge du réseau de gaz par la société Gagneraud construction, en ne permettant pas à cette dernière d'en identifier précisément l'emplacement avant de débuter ses travaux, faute de disposer d'un plan d'une précision de classe A le représentant, toutefois, la société Gagneraud construction, qui disposait des plans de classe B fournis par la société GRDF sur lesquels ce robinet était identifié, a également contribué à la réalisation de ce dommage en prenant le risque de creuser à l'aide d'une pelle mécanique, sans avoir pris au préalable toutes les mesures nécessaires pour identifier la localisation précise de ce robinet. Dans ces conditions, compte tenu de la gravité des fautes respectivement commises par la société Résodétection et la société Gagneraud construction, ainsi que l'a jugé le tribunal, la société Gagneraud construction est fondée à demander la condamnation de la société Résodétection à la garantir à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée à son encontre.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel principal de la société Résodétection et les conclusions d'appel incident de la société Gagneraud construction tendant à l'annulation du jugement du 3 décembre 2021 en tant qu'il a condamné la société Résodétection à garantir la société Gagneraud construction à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre doivent être rejetées.

Sur les autres conclusions :

7. L'appel principal de la société Résodétection ne tend qu'à la décharge ou la réduction de sa condamnation à garantir la société Gagneraud de la condamnation dont cette dernière a fait l'objet envers la société GRDF. Par suite, les conclusions par lesquelles la société GRDF demande, à l'occasion de ce litige, la majoration de l'indemnité qui lui a été allouée sont irrecevables.

8. Les conclusions de la société Gagneraud construction tendant à obtenir la décharge ou une réduction de l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à la société GRDF ont été provoquées par l'appel de la société Résodétection et présentées après l'expiration du délai d'appel. Elles ne seraient recevables qu'au cas où la société Résodétection, appelant principal, obtiendrait la décharge ou une réduction de sa condamnation à la garantir. Le présent arrêt rejetant l'appel de la société Résodétection, de telles conclusions ne sont pas recevables.

Sur les frais du litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Résodétection est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué ainsi que celles formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Gagneraud construction sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel provoqué ainsi que celles formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société GRDF sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gaz réseau distribution France (GRDF), à la société Gagneraud construction, à la société Résodétection et à la société Axa Corporate solutions assurance.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2023.

N° 21MA04890 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04890
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP VIDAPARM

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;21ma04890 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award