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05/06/2023 | FRANCE | N°21MA02090

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 05 juin 2023, 21MA02090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat, à titre principal, à lui payer la somme de 113 693,38 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices liés à la perte du bénéfice du concours d'accès à l'échelle de rémunération des professeurs certifiés (CAER-CAPES) de lettres modernes de la session 2016 ; de condamner l'Etat, à titre subsidiaire, à lui payer la somme de 58 794,24 euros assortie des intér

êts légaux et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices liés à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat, à titre principal, à lui payer la somme de 113 693,38 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices liés à la perte du bénéfice du concours d'accès à l'échelle de rémunération des professeurs certifiés (CAER-CAPES) de lettres modernes de la session 2016 ; de condamner l'Etat, à titre subsidiaire, à lui payer la somme de 58 794,24 euros assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices liés à la perte du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée ; de condamner l'Etat à lui payer la somme de 6 609 euros au titre de ses frais d'installation et à lui payer la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis.

Par un jugement n° 1809723 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Garreau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 avril 2021 ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 106 068,39 euros net, somme à parfaire, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation desdits intérêts en réparation des chefs de préjudices liés à la perte du bénéfice du concours CAER-CAPES ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 48 403,77 euros net, somme à parfaire, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation desdits intérêts au titre de la perte du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée ;

4°) en tout état de cause, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 6 609 euros net au titre de ses frais d'installation ainsi que la somme de 8 000 euros net au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux dépens.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement, qui ne répond pas au moyen qu'elle avait soulevé quant à l'incompétence du recteur de l'académie d'Aix-Marseille pour prononcer le refus de l'affecter sur un poste de stagiaire, est irrégulier ;

- les premiers juges ont également omis d'examiner le moyen soutenu en première instance et relatif à la faute commise par l'Etat en la privant du bénéfice de son inscription sur la liste complémentaire durant toute la période s'écoulant entre deux concours ;

Sur la faute de l'administration :

En ce qui concerne l'absence de nomination :

- seule lauréate inscrite sur la liste complémentaire du concours CAER-CAPES de lettres modernes pour la session 2016, elle avait vocation à pourvoir un emploi vacant survenant dans l'intervalle de deux concours ;

- si l'administration n'est jamais tenue de pourvoir un emploi vacant, elle doit en revanche faire primer le recrutement des agents statutaires sur celui des agents contractuels, si elle souhaite pourvoir ledit emploi ;

- aucune décision signée du contrôleur budgétaire et comptable n'est produite ; en tout état de cause, un refus du contrôleur budgétaire aurait été injustifié puisque le remplacement de postes devenus vacants n'entraîne pas de crédit supplémentaire pour pourvoir à la vacance ;

- elle démontre l'existence de vacances d'emploi concernant des emplois permanents ;

- aucune disposition légale ou règlementaire ne s'opposait à son recrutement en qualité de stagiaire en remplacement d'un agent titulaire sur une vacance d'emploi temporaire ;

- bien que le directeur d'un établissement se soit montré très intéressé par sa candidature, les services du rectorat se sont opposés à sa nomination au motif que le poste ne serait vacant que lorsque le titulaire aurait validé tous les trimestres ouvrant droit à sa retraite, ce qui n'était qu'une question de semaines ; cette obstruction à son recrutement de la part du rectorat est une nouvelle fois fondée sur un motif erroné ;

- l'administration a donc manifestement fait obstacle à sa nomination pour des motifs infondés en droit et l'a privée du bénéfice de son concours en lui refusant le bénéfice du concours, dès le mois de novembre 2016, alors qu'elle aurait pu bénéficier d'un recrutement sur un emploi dont la vacance serait survenue entre le mois de novembre 2016 et le mois d'avril 2017, l'administration l'a privée d'une chance sérieuse d'être nommée professeure certifiée stagiaire ; cette perte de chance est d'autant plus avérée qu'elle était la seule lauréate du concours placée sur la liste complémentaire de l'académie d'Aix-Marseille ;

- en refusant de la nommer sur un poste vacant en qualité de stagiaire, l'académie d'Aix-Marseille a commis une faute ;

En ce qui concerne la perte du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée :

- l'administration a commis une faute en la privant du bénéfice de son concours CAER-CAPES et en lui indiquant qu'elle recevrait une affectation pour valider son concours ; un poste dans l'académie de Grenoble en juillet 2016 lui a d'ailleurs été proposé sans qu'il n'y ait de suite et sans qu'elle n'en soit informée des raisons ;

- subsidiairement, elle a dû faire face à la perte du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée, dès lors que le renouvellement de son contrat devait conduire à la conclusion d'un tel contrat ; l'académie d'Aix-Marseille n'a pas donné son accord pour la nomination sur le poste, ce qui lui aurait permis d'obtenir un contrat à durée indéterminée au motif qu'elle obtiendrait une affectation en qualité de stagiaire ;

- le rectorat ne lui a pas notifié au préalable son intention de ne pas reconduire le contrat en méconnaissance des dispositions de l'article 45 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

Sur ses préjudices :

- à titre principal, elle a subi une perte de chance d'un emploi garanti jusqu'à la retraite dans l'enseignement, elle doit être indemnisée à hauteur de 58 514,15 euros compte tenu de ses revenus en qualité d'auto entrepreneuse ;

- elle a également subi une perte des droits de pension à la retraite et en cas de maladie à hauteur de 17 554,24 euros ainsi qu'un préjudice de carrière et des troubles dans les conditions d'existence liés à la perte du bénéfice du concours qui devra être indemnisé à hauteur de 30 000 euros ;

- à titre subsidiaire, elle a subi un préjudice lié à perte du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée qui devra être indemnisé à hauteur 37 233,67 euros compte tenu de ses revenus en qualité d'auto entrepreneuse ; somme à laquelle se rajoute la perte des droits à la retraite et pour le maintien du salaire en cas de maladie à hauteur de 11 170,10 euros ;

- en tout état de cause, elle doit être indemnisée de ses frais d'installation, ayant été écartée de l'enseignement elle a dû procéder à une reconversion professionnelle en suivant une formation de coach professionnel et les frais de formation qui en découlent représentent 5 559 euros, somme à laquelle il faut rajouter les frais d'assurance de 1 050 euros ainsi que de son préjudice moral à hauteur de 8 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 9 février 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 11 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui a exercé les fonctions de maîtresse déléguée contractuelle de l'enseignement privé de 2010 à 2016, a passé les épreuves du concours interne CAER-CAPES de lettres modernes de la session 2016 et a été inscrite en première position sur la liste complémentaire. Par un courrier du 21 octobre 2016, elle a sollicité auprès de la division des établissements de l'enseignement privé (DEEP) du rectorat de l'académie d'Aix-Marseille le bénéfice du concours et une affectation en qualité de professeure de l'enseignement privé certifiée stagiaire. Par un courrier du 21 novembre 2016, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille l'a informée qu'" en raison du refus définitif en septembre 2016 du contrôleur budgétaire et comptable du ministère de l'éducation nationale, les lauréats des listes complémentaires à des listes principales pour lesquelles aucun désistement n'a été enregistré, ont perdu le bénéfice de leur inscription sur la liste complémentaire ". Par un courrier du 24 août 2018, Mme A... a formé une demande indemnitaire préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la perte du bénéfice du concours de CAER-CAPES de lettres modernes, qui a été implicitement rejetée. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de différentes carences fautives commises par l'autorité administrative. Par le jugement du 6 avril 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme A... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme A... fait valoir que les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens qu'elle soulevait quant à l'incompétence du recteur de l'académie d'Aix-Marseille pour prononcer le refus de l'affecter sur un poste de stagiaire. Il résulte en effet de l'instruction que les premiers juges ont omis de viser et de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, dès lors que Mme A... a entendu se placer sur le terrain de l'illégalité fautive de la décision de refus de la nommer stagiaire et que dans ce cadre, elle pouvait invoquer le moyen tiré de l'incompétence.

3. Le jugement est donc irrégulier et doit être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire.

Sur la demande indemnitaire de Mme A... :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :

4. Par sa demande devant le tribunal administratif de Marseille, Mme A... n'a pas entendu solliciter l'annulation de la décision par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille lui a indiqué qu'elle ne pouvait être affectée sur un poste de stagiaire en cours d'année mais la condamnation de l'administration en alléguant de l'illégalité fautive de cette décision ainsi que du comportement fautif de l'administration. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le rectorat et tirée de l'absence de contestation de la décision refusant de la nommer en tant que maîtresse de l'enseignement privé certifiée stagiaire ne saurait être accueillie.

En ce qui concerne l'illégalité fautive de la décision de refus de nommer Mme A... en tant que stagiaire :

5. Aux termes de l'article R. 914-17 du code de l'éducation : " L'autorité académique est compétente pour conclure le contrat des maîtres ou pour accorder l'agrément des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat. ".

6. Aux termes de l'article R. 914-24 du code de l'éducation : " Des concours d'accès aux échelles de rémunération d'enseignants correspondant aux différents concours internes de recrutement de l'enseignement public sont organisés pour les maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat. / [...] / Les candidats à ces concours subissent les mêmes épreuves que les candidats des concours correspondants de l'enseignement public. Ils subissent ces épreuves devant le jury des concours correspondants de l'enseignement public, auquel il est adjoint, pour ces candidats, des représentants des établissements privés associés à l'Etat par contrat et ayant les titres requis pour enseigner. ". L'article R. 914-26 du même code dispose que : " Pour chaque section de concours, le jury établit la liste des candidats admis et la liste complémentaire selon les mêmes modalités que dans l'enseignement public. ". Enfin, aux termes de l'article 22 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés : " Pour chaque section des concours, le jury établit par ordre de mérite la liste des candidats admis. Il établit une liste complémentaire afin de permettre le remplacement de candidats inscrits sur la liste principale d'admission qui ne peuvent être nommés ou, éventuellement, de pourvoir des vacances d'emplois survenant dans l'intervalle de deux concours. ". Enfin, le nombre de contrats offerts au concours interne CAER-CAPES pour l'option de lettres modernes au titre de l'année 2016 était fixé par arrêté de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 16 novembre 2015 à cent vingt-quatre, sept contrats ayant été offerts dans l'académie d'Aix-Marseille, tous pourvus par les lauréats de la liste principale.

7. Aux termes de l'article R. 914-33 du code de l'éducation : " L'année de stage prévue à l'article R. 914-32 donne lieu à un contrat provisoire signé par le recteur d'académie. / Toutefois, les maîtres qui, à la date du concours, bénéficiaient d'un contrat continuent à être régis par ce contrat pendant une période probatoire d'un an. / Pendant la période de stage, les maîtres sont rémunérés sur l'échelle de rémunération afférente à la catégorie de maître au titre de laquelle ils ont concouru. Les maîtres ayant obtenu un contrat provisoire bénéficient des dispositions du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, à l'exception de celles relatives au détachement et à la discipline. ".

8. En premier lieu, dès lors que le recteur est compétent pour signer le contrat provisoire dont bénéficie le lauréat d'un concours, il s'en déduit que cette même autorité est compétente pour refuser d'affecter un candidat présent sur la liste complémentaire sur un poste de stagiaire. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le recteur n'était pas compétent pour prononcer la perte du bénéfice de son inscription sur la liste complémentaire faute de pouvoir la nommer sur un poste de stagiaire.

9. En deuxième lieu, si Mme A... a entendu soulever l'illégalité de la décision du recteur prononçant la perte du bénéfice de l'inscription sur la liste complémentaire en alléguant d'une erreur de droit ou d'appréciation, il résulte, en effet, de l'instruction que le rectorat a informé Mme A... dès novembre 2016 que les lauréats des listes complémentaires à des listes principales pour lesquelles aucun désistement n'avait été enregistré avaient perdu le bénéfice de leur inscription sur la liste complémentaire avant même l'organisation du concours de la session suivante de 2017. Quand bien même le recours à la liste complémentaire ne constitue pour l'administration qu'une possibilité en cas de vacance d'emploi, l'administration ne pouvait prononcer la perte par Mme A... du bénéfice de son inscription sur la liste complémentaire alors que n'était pas encore intervenu le concours suivant et que des vacances d'emplois étaient susceptibles d'intervenir dans l'intervalle entre le concours où elle a candidaté et le concours suivant. Pour ce motif, la décision du recteur est entachée d'illégalité.

10. En troisième lieu, les circonstances que Mme A... ait reçu une proposition de poste de la part du lycée du Sacré-Cœur à Aix-en-Provence, pour lequel elle avait déjà été recrutée en qualité d'agent non titulaire ou encore, une proposition de poste au sein du collège de La Chesneraie à Puyricard, le titulaire du poste étant susceptible et dans un délai non déterminé de faire valoir ses droits à la retraite, ne sont pas de nature à caractériser une vacance d'emploi au sens des dispositions citées au point 6. Il ne peut être reproché à l'administration d'envisager de pourvoir au premier de ces postes, à titre temporaire, dès lors que n'existe aucune primauté des lauréats au concours s'agissant d'un emploi dont la vacance est temporaire. Si l'appelante produit un tableau non daté montrant que des postes étaient vacants ou susceptibles de l'être en lettres modernes notamment dans le collège la Chesneraie, et se prévaut d'une proposition d'affectation dans l'académie de Grenoble, il ne résulte pas de l'instruction que ces postes caractérisaient, en tout état de cause, une vacance d'emploi ou n'aient pas finalement été pourvus par des lauréats se trouvant sur la liste principale du concours CAER-CAPES de lettres modernes. Au demeurant, l'administration n'est pas tenue de recourir à la liste complémentaire, même en cas de vacances d'emplois survenant dans l'intervalle de deux concours.

11. En quatrième lieu, dès lors qu'il n'y a aucune obligation pour l'administration d'offrir des contrats supplémentaires, autres que ceux ouverts au concours, la circonstance que le contrôleur financier et budgétaire ait ou non donné son accord à la création d'un poste supplémentaire pour permettre la nomination de Mme A... ne saurait être constitutive d'une quelconque faute ou manquement. Il ne peut davantage être reproché à l'administration l'absence de production de l'avis du contrôleur financier et budgétaire. Il ne résulte pas de l'instruction contrairement à ce qu'affirme Mme A... que le rectorat lui ait indiqué qu'elle recevrait avec certitude une affectation afin de valider son concours. Dans ces conditions, si l'hypothèse d'une affectation dans une autre académie a pu être évoquée par l'administration, cette dernière ne peut être regardée comme ayant commis une faute en ne tenant la promesse de recruter Mme A..., laquelle était soumise à des conditions non remplies en l'espèce.

En ce qui concerne la faute liée à la perte du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 45 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'agent non titulaire est recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être renouvelé en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : [...] - trois mois avant le terme de l'engagement pour l'agent dont le contrat est susceptible d'être renouvelé pour une durée indéterminée en application des dispositions législatives ou réglementaires applicables. ".

13. Ainsi que cela est soutenu en défense, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... justifie de six ans de service, l'intéressée n'ayant accompli que cinq ans, quatre mois et trois jours de service effectif. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du délai de prévenance prévu par les dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

14. En second lieu, si Mme A... soutient qu'elle n'a pu postuler en tant que contractuelle sur des postes en raison de l'opposition du rectorat et de l'assurance de ce qu'elle obtiendrait une affectation en tant que stagiaire, une telle allégation n'est pas établie et pas davantage l'affirmation selon laquelle une proposition de poste au sein du collège de Puyricard n'aurait pas été validée par la commission consultative mixte académique, sans que les motifs du refus ne lui soient communiqués.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la seule illégalité de la décision par laquelle le recteur a prononcé la perte par Mme A... du bénéfice du concours constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Par suite, Mme A... est fondée à solliciter réparation des préjudices directs et certains qui ont pu en résulter pour elle.

En ce qui concerne les préjudices et le lien de causalité :

16. En l'absence de vacances d'emplois intervenues entre novembre 2016 et le concours de la session de 2017, il n'est résulté pour l'appelante aucun préjudice ni aucune perte de chance d'être nommée du fait de l'illégalité de la décision du recteur ayant prononcé la perte par cette dernière du bénéfice de son inscription sur liste complémentaire, l'administration n'ayant, ainsi qu'il vient d'être dit, commis aucune autre faute.

17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A... tendant à la condamnation du rectorat de l'académie d'Aix-Marseille doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille

Délibéré après l'audience du 22 mai 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2023.

2

No 21MA02090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02090
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Nominations - Droit à nomination.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;21ma02090 ?
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