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05/06/2023 | FRANCE | N°21MA01490

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 05 juin 2023, 21MA01490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La régie des eaux du canal Belletrud a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner Me Cardon, liquidateur judiciaire de la société nouvelle d'études et de travaux de génie civil, solidairement avec les autres membres du groupement de maîtrise d'œuvre, à lui verser la somme de 17 173,20 euros en réparation du préjudice causé par les infiltrations d'eaux dans ses locaux, la somme de 7 701,65 euros au titre de son préjudice résultant de l'immobilisation d'un bureau et la somme de 8 995,11 euro

s au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1702370 du 19 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La régie des eaux du canal Belletrud a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner Me Cardon, liquidateur judiciaire de la société nouvelle d'études et de travaux de génie civil, solidairement avec les autres membres du groupement de maîtrise d'œuvre, à lui verser la somme de 17 173,20 euros en réparation du préjudice causé par les infiltrations d'eaux dans ses locaux, la somme de 7 701,65 euros au titre de son préjudice résultant de l'immobilisation d'un bureau et la somme de 8 995,11 euros au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1702370 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, et un mémoire enregistré le 1er mars 2023, la régie des eaux du canal Belletrud, représentée par Me Suarès, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 février 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner la société nouvelle d'études et de travaux de génie civil (SNETGC), voire in solidum la SARL Biancheri, C et J Bolla Architectes, la SARL CEEC Radicchi, la SARL Conseil Plus Ingénierie et la SARL Michel Nicolai, à lui verser la somme de 17 173,20 euros au titre des travaux, la somme de 7 7701,65 euros au titre de son préjudice tenant à l'immobilisation du bureau n° 7 et la somme de 8 995,11 euros au titre des frais d'expertise ;

3°) de mettre à la charge de la société SNETGC, voire in solidum l'ensemble des requis, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la responsabilité décennale :

- si les travaux ont été réceptionnés dans un premier temps avec réserve, le 24 octobre 2012, les tests d'étanchéité ont été réalisés immédiatement après l'opération au point de ne laisser aucune nouvelle trace d'humidité dans le bureau concerné ce qui a conduit à la levée de cette réserve dans le cadre du second procès-verbal de réception du 27 mars 2013 ;

- les infiltrations qui se sont produites en mai 2013 n'avaient strictement rien de comparable avec celles qui ont fait l'objet de réserves lors du premier procès-verbal de réception ;

- elle conteste le fait que les infiltrations constatées à l'origine dans le bureau n° 7 étaient de même nature et avaient la même cause que celles apparues après la réception définitive ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle n'apportait pas la preuve de ce qu'elle avait effectué des tests après la première réception et que ce sont ces résultats qui l'ont conduite à lever les réserves ;

- les premiers juges n'avaient pas à chercher si les infiltrations s'étaient ou non étendues à d'autres parties de l'ouvrage car cela n'ôte strictement rien à l'infiltration elle-même ;

- la garantie décennale est susceptible de s'appliquer dans l'hypothèse d'une aggravation des désordres réservés et donc apparents, intervenant après réception ;

- la société Epi Isolation, sous-traitante de la société SNETGC, a réalisé le traitement des joints de dilatation mais seule la société SNETGC, entrepreneur principal, est susceptible de voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la garantie décennale ;

- elle est fondée à rechercher la responsabilité décennale de la société SNETGC ainsi que des sociétés membres du groupement de maîtrise d'œuvre ;

- quoiqu'il en soit si la mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement est subordonnée à une mise en demeure de réparer adressée à l'entrepreneur pendant le délai de garantie, elle s'est pliée à cette obligation et elle est parfaitement fondée à invoquer la responsabilité décennale ;

Sur la responsabilité contractuelle :

- contrairement à ce qui est soutenu, la réception sans réserve des travaux du lot n° 01 a été prononcée le 27 mars 2013 et les désordres affectant le bureau n° 7 ne présentaient pas le caractère d'un vice apparent lors de la réception mais ont été constatés ultérieurement ;

- les infiltrations relevées avant la réception existaient bien puisqu'elle se sont aggravées par la suite en sorte que la réception ne saurait avoir par elle-même les effets sur les droits et obligations qui sont nés ultérieurement à l'opération de réception et de remise des ouvrages, et en conséquence, ne devrait pas faire échec à la recherche de la responsabilité contractuelle des constructeurs ;

- ses conclusions au sujet de la garantie décennale ne peuvent qu'être reprises au titre de la responsabilité contractuelle pour parvenir à la condamnation de la société SNETGC voire in solidum avec la maîtrise d'œuvre ;

Sur les préjudices :

- elle peut prétendre à être indemnisée à hauteur de 17 073,60 euros toutes charges comprises au titre du préjudice lié aux travaux et à hauteur de 5 747,50 euros au titre de l'immobilisation du bureau dans lequel les travaux doivent intervenir ;

Sur les dépens :

- il y a lieu de suivre toutes les demandes qu'elle présente au titre de ses préjudices.

Par des mémoires, enregistrés les 17 juillet 2021 et 28 février 2023, la SARL Biancheri, le cabinet d'architectes Caroline et Jean Bolla et la SARL Michel Nicolai, représentés par Me Dersy, demandent à la Cour :

1 °) à titre principal, de conclure au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société SNETGC à les relever et garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- il est constant que la garantie décennale ne peut trouver application que pour les désordres de nature décennale, cachés lors de la réception, et que le sinistre dont il est question s'inscrit dans le cadre de la garantie de parfait achèvement puisque ces désordres sont apparus dans l'année suivant la réception ;

- la maîtrise d'œuvre a parfaitement rempli ses obligations en effectuant les mises en demeure à l'entreprise SNETGC l'invitant à reprendre les désordres constatés, demande à laquelle celle-ci n'a jamais obtempéré ;

- subsidiairement, si la requérante indique qu'elle est en droit de solliciter la condamnation de la société SNETGC, " voire des autres requis ", sur un fondement contractuel, une telle condamnation suppose que soit démontrée la faute des parties dont on recherche la condamnation, ce que s'abstient de faire la requérante ;

- en tout état de cause, aucune faute ne saurait leur être reprochée ;

- si par extraordinaire, la Cour venait à retenir, ne serait-ce que pour partie, leur responsabilité, ils seraient alors fondés à solliciter à être relevés et garantis par la société SNETGC dont la responsabilité a été mise en exergue par l'expert judiciaire.

Par des mémoires, enregistrés les 14 décembre 2022 et 7 mars 2023, la SARL CEEC Radicchi, représentée par Me Demarchi, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) de confirmer le jugement du 19 février 2021 à l'exception de la demande tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société SNETGC à la relever et garantir de toute condamnation et de ramener les condamnations à de plus justes proportions ;

4 °) de mettre à la charge de la régie des eaux du canal Belletrud solidairement ou in solidum et/ou tout autre succombant la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- l'incident ponctuel et isolé d'exécution identifié par l'expert n'a incontestablement aucun lien avec la mission qui lui a été confiée, le dommage n'étant imputable qu'à la société SNETGC, titulaire du lot n° 01 ;

- la requérante s'abstient de tenter de rapporter la preuve d'une quelconque faute qui lui serait imputable et ne lui consacre aucune démonstration juridique spécifique ;

- en conséquence, la demande de condamnation présentée, à titre subsidiaire, par la requérante contre elle sur le fondement de la responsabilité décennale, est irrecevable en tout état de cause mal fondée ;

- la demande de condamnation présentée, à titre subsidiaire, par la requérante contre elle sur le fondement contractuel, est irrecevable en tout état de cause mal fondée.

Par un mémoire, enregistré le 14 février 2023, le cabinet Conseil Plus Ingénierie, représenté par Me Dan, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement du 19 février 2021 en ce qu'il rejette les demandes de la régie des eaux du canal Belletrud ;

2°) de rejeter la requête ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société SNETGC, la SARL Biancheri, C et J Bolla Architectes, la SARL Michel Nicolai et la SARL CEEC Radicchi à la relever et garantir de toute condamnation ;

4 °) de mettre à la charge de la régie des eaux du canal Belletrud solidairement la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- son intervention est totalement étrangère aux désordres invoqués par l'appelante et il devra être relevé et garanti, en cas de condamnation.

Un courrier du 15 décembre 2022 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 17 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour le cabinet Conseil Plus Ingénierie a été enregistré le 20 mars 2023, postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqué.

Les parties ont été informées, par courrier du 2 mai 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office tirés :

- de l'irrecevabilité de l'appel en garantie de la SARL Biancheri, le cabinet d'architectes Caroline et Jean Bolla et la SARL Michel Nicolai contre la société SNETGC dès lors que leur situation n'est pas susceptible d'être aggravée par le présent arrêt ;

- et de l'irrecevabilité de l'appel en garantie de la SARL CEEC Radicchi, contre la société SNETGC dès lors que sa situation n'est pas susceptible d'être aggravée par le présent arrêt.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Gadd, pour la régie des eaux du canal Belletrud, et de Me de Andrade, pour la SARL Conseil Plus Ingénierie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat signé le 1er décembre 2008, le syndicat intercommunal des cinq communes pour l'eau et l'assainissement (SICCEA) du canal Belletrud a confié à un groupement conjoint et solidaire d'entreprises composé des sociétés Biancheri Architecture, mandataire, du cabinet CetJ Bolla Architectes, de la société CEEC Radicchi, de la société Conseil Plus Ingénierie et de la société Michel Nicolaï, la maîtrise d'œuvre des travaux de construction du nouveau siège de la régie des eaux du canal Belletrud. Le lot n° 1 " clos couvert " du marché de travaux a été conclu le 23 mars 2011 avec la société nouvelle d'études et de travaux de génie civil (SNETGC) par la régie des eaux du canal Belletrud (RECB), venue aux droits du SICCEA du canal Belletrud pour un montant de 2 580 567,50 euros toutes taxes comprises. Les travaux correspondant ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 24 octobre 2012, puis d'une réception définitive le 27 mars 2013. Par un courrier du 30 mai 2013, la RECB a informé la SNETGC, ainsi que le mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, qu'à la suite d'intempéries, " d'importantes infiltrations d'eau " étaient apparues dans un bureau situé sous la terrasse du bâtiment. Par une ordonnance du 16 décembre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, sur une requête de la RECB, ordonné une expertise portant sur ces désordres. L'expert désigné a déposé son rapport le 24 septembre 2015. La RECB a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tenant à ce que la SNETGC soit déclarée responsable des désordres, solidairement avec les autres membres du groupement, et lui verse la somme de 17 173,20 euros en réparation du préjudice causé par les infiltration d'eaux dans ses locaux, la somme de 7 701,65 euros au titre de son préjudice résultant de l'immobilisation d'un bureau et la somme de 8 995,11 euros au titre des frais d'expertise. Par le jugement n° 1702370 du 19 février 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La régie des eaux du canal Belletrud fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'appel principal :

S'agissant de la responsabilité décennale :

2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que, sauf cas de force majeure ou faute du maître de l'ouvrage, les constructeurs sont responsables de plein droit des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs, le rendent impropre à sa destination dans un délai prévisible, et qui sont apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, même si ces dommages ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration de ce délai, dès lors qu'ils n'étaient ni apparents ni prévisibles lors de la réception de cet ouvrage. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement peut en être exonéré lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Par ailleurs, un vice ne peut plus être regardé comme apparent si les mesures arrêtées avant la réception pouvaient apparaître à cette date comme y ayant définitivement remédié.

3. Il résulte de l'instruction que les travaux réalisés par la société nouvelle d'études et de travaux de génie civil, titulaire du lot n° 01 " Clos couvert " dans le cadre du marché portant sur la construction du nouveau siège de la régie des eaux du canal Belletrud, ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 24 octobre 2012, puis d'une réception définitive le 27 mars 2013. Et que des infiltrations dans le placard du bureau n° 7 des locaux de l'appelante ont été constatées dès octobre 2012. A l'occasion de la première réception de ces travaux, des réserves ont été portées au procès-verbal de réception établi le 24 octobre 2012 ainsi que la mention de ce qu'il était nécessaire de " rechercher et étancher l'infiltration ". La réception définitive et sans réserve a été prononcée le 27 mars 2013. Par la suite, la RECB a informé la SNETGC, par un courrier du 30 mai 2013, que " d'importantes infiltrations d'eau " étaient apparues dans le même bureau situé sous la terrasse du bâtiment après la réception définitive des travaux. L'expert a relevé que " malgré les infiltrations relevées le 24 octobre 2012, la réception du 27 mars 2013 était prononcée sans réserve alors qu'aucun des documents versés aux débats ne justifie d'une quelconque intervention probante au niveau du joint de dilatation ". L'appelante soutient sans apporter le moindre élément à l'appui de ses dires qu'elle a réalisé des tests et que les résultats de ces tests l'ont conduite à lever les réserves dès lors qu'il avait été remédié aux désordres constatés en octobre 2012 et ayant donné lieu à des réserves. Alors qu'elle fait valoir que les désordres apparus après la réception définitive des travaux différaient de ceux pour lesquels elle avait émis ces réserves, il n'est pas établi qu'il aurait été effectivement remédié aux infiltrations constatées dès octobre 2012. Dans ces conditions, les vices relevés après levée des réserves sont de même nature et ont la même cause que ceux apparus dès l'origine, ayant donné lieu aux réserves, et peuvent être regardés comme s'étant révélés dans toutes leurs conséquences dès les opérations de réception en octobre 2012. Ainsi, les vices devant être considérés comme apparents, la société appelante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité décennale de la société SNETGC ni la SARL Biancheri, C et J Bolla Architectes, la SARL Conseil Plus Ingénierie et la SARL Michel Nicolai ni la SARL CEEC Radicchi.

S'agissant de la garantie de parfait achèvement :

4. Aux termes de l'article 44. 1. " Délai de garantie " du cahier des clauses administratives générales Travaux, applicable au présent litige : " Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est précisé à l'article 44. 2, d'un an à compter de la date d'effet de la réception. [...] ".

5. La garantie de parfait achèvement s'étend à la reprise d'une part des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d'autre part de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant la date de réception.

6. Compte tenu de ce que les infiltrations qui ont affecté le bureau n° 7 des locaux de l'appelante doivent être regardées comme un vice apparent et que les réserves ont été levées lors de la réception définitive des travaux sans que des travaux aient été réalisés afin d'y remédier, la régie des eaux du canal Belletrud n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'entrepreneur principal, la société SNETGC, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, pour ces mêmes désordres.

S'agissant de la responsabilité contractuelle :

7. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. Si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure. Ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard.

8. L'appelante n'invoque aucune faute imputable à ses cocontractants, se contentant de renvoyer à ses développements relatifs à la responsabilité décennale. Si elle fait valoir que la réception des travaux ne lui interdit pas de rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs pour notamment obtenir le remboursement des travaux compris dans le marché initial, la réception définitive des travaux a pour effet de lui interdire d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, des désordres dont elle est réputée avoir renoncé à demander réparation. Au cas présent, ainsi qu'il a été mentionné plus haut, les désordres dont la régie des eaux du canal Belletrud demande réparation étaient apparents au moment de la réception définitive des travaux sans réserve, laquelle a ainsi mis fin aux relations contractuelles entre la régie et l'entrepreneur.

9. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société SNETGC.

10. Il s'en déduit que la régie des eaux du canal Belletrud n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la société SNETGC ni la SARL Biancheri, C et J Bolla Architectes, la SARL Conseil Plus Ingénierie et la SARL Michel Nicolai ni la SARL CEEC Radicchi et que ses demandes d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis ne peuvent qu'être rejetées. La régie des eaux du canal Belletrud n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

En ce qui concerne les appels en garantie :

S'agissant de l'appel en garantie de la SARL Biancheri, du cabinet d'architectes Caroline et Jean Bolla et de la SARL Michel Nicolai contre la société SNETGC :

11. Les conclusions de la SARL Biancheri, du cabinet d'architectes Caroline et Jean Bolla et de la SARL Michel Nicolai contre la société SNETGC, intimée, ne peuvent qu'être rejetées dès lors que leur situation ne se trouve pas aggravée par le présent arrêt.

S'agissant de l'appel en garantie de la SARL CEEC Radicchi, contre la société SNETGC :

12. Les conclusions de la SARL CEEC Radicchi, contre la société SNETGC, intimée, ne peuvent qu'être rejetées dès lors que sa situation ne se trouve pas aggravée par le présent arrêt.

S'agissant de l'appel en garantie du cabinet Conseil Plus Ingénierie, contre la société SNETGC, la SARL Biancheri, C et J Bolla Architectes, la SARL Michel Nicolai et la SARL CEEC Radicchi :

13. Les conclusions du cabinet Conseil Plus Ingénierie contre les autres intimés ne peuvent qu'être rejetées dès lors que sa situation ne se trouve pas aggravée par le présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la régie des eaux du canal Belletrud est rejetée.

Article 2 : Les appels en garantie de la société CEEC Radicchi, du cabinet Conseil Plus Ingénierie, de la SARL Biancheri, du cabinet d'architectes Caroline et Jean Bolla et de la SARL Michel Nicolai sont rejetés

Article 3 : Les conclusions de la société CEEC Radicchi, du cabinet Conseil Plus Ingénierie, de la SARL Biancheri, du cabinet d'architectes Caroline et Jean Bolla et de la SARL Michel Nicolai au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la régie des eaux du canal Belletrud, au cabinet Conseil Plus Ingénierie, à la SARL Biancheri, au cabinet d'architectes CetJ Bolla, à la société CEEC Radicchi, à la SARL Michel Nicolaï et à Me Cardon, liquidateur judiciaire de la société nouvelle d'études et de travaux de génie civil (SNETGC).

Copie en sera transmise à M. B... A..., expert.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2023.

2

No 21MA01490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01490
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Actions en garantie.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;21ma01490 ?
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