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05/06/2023 | FRANCE | N°21MA01456

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 05 juin 2023, 21MA01456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du jury d'examen de licence " Physique chimie " révélée par le relevé de notes du 2 octobre 2019 signé par la directrice de l'unité de formation et de recherche de sciences et l'ayant déclaré ajournée.

Par un jugement n° 1910196 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 av

ril 2021, 15 avril 2022, 19 juin 2022 et 30 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Barlet, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du jury d'examen de licence " Physique chimie " révélée par le relevé de notes du 2 octobre 2019 signé par la directrice de l'unité de formation et de recherche de sciences et l'ayant déclaré ajournée.

Par un jugement n° 1910196 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 avril 2021, 15 avril 2022, 19 juin 2022 et 30 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Barlet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du jury d'examen de la licence " Physique Chimie " telle que révélée par le relevé de notes établi le 2 octobre 2019 et signé par la directrice de l'unité de formation et de recherche (UFR) sciences, la déclarant ajournée au semestre 6 de la licence 3 ;

3°) d'enjoindre au président de l'université Aix-Marseille de saisir le jury d'examen afin qu'il statue de nouveau sur son examen de licence 3, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'université Aix-Marseille la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le calcul auquel a procédé l'université pour établir sa note moyenne est erroné ;

- l'examen " outil et simulation numériques (télé-enseignement) " qu'elle a dû repasser à la seconde session s'est déroulé dans des conditions irrégulières dès lors que le règlement dit " modalités de contrôle de connaissance " ne prévoyait pas expressément que l'épreuve pour la seconde session se déroule sur papier et non par ordinateur ; à la lecture du règlement applicable s'agissant des modalités de son examen, elle n'a donc pas valablement été informée de ce que cette épreuve ne serait pas une épreuve sur ordinateur, comme lors de la première session alors qu'en outre, elle a obtenu une notation inférieure à celle résultant de la première session, et ce alors que cette épreuve est affectée d'un coefficient 5, entraînant une diminution de sa moyenne générale pour le semestre ;

- l'absence de son tuteur, lors du jury de soutenance de son rapport de stage, composé seulement de deux professeurs a influencé son évaluation alors qu'il est patent que la présence de son tuteur aurait nécessairement eu une influence sur la valorisation de son travail et donc sur la note qui en est résultée ;

- elle se retrouve doublement pénalisée par la décision d'ajournement dès lors qu'elle justifiait d'une acceptation de sa candidature en Master 1 à l'université de Munich et qu'elle ne peut plus redoubler une nouvelle fois sa troisième année de licence au sein de l'université Aix-Marseille ;

- en outre, si sa note numérique n'atteignait pas le seuil de 10/20, il apparaît que d'autres élèves de la licence 3 dont elle relevait ont validé leur semestre et même leur année de licence, ce qui n'a pas été son cas.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 mai et 11 juillet 2022, l'université Aix-Marseille, représentée par Me Beauvillard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et que si elle admet qu'une erreur s'est glissée et que l'appelante a finalement obtenu une moyenne de 9,922 sur 20, l'intéressée n'a que très peu amélioré ses résultats entre la première et la seconde session, qui restent en tout état de cause insuffisants.

Par ordonnance du 23 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 janvier 2023 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté modifié du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master ;

- l'arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Barlet, pour Mme A..., et de Me Champeau substituant Me Beauvillard, pour l'université Aix-Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., inscrite en licence depuis 2012, suivait pour 2018-2019 l'année de licence 3 de " Physique chimie " dispensée à la faculté de sciences de l'université Aix-Marseille. Par un relevé de notes daté du 2 octobre 2019 et signé par la directrice de l'unité de formation et de recherche (UFR), Mme A... a appris que ses résultats d'admission de la seconde session étaient de 8,951 sur 20 dont 8,586 sur 20 au semestre 5 et 9,315 sur 20 au semestre 6, et qu'elle était ajournée. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du jury d'examen de licence révélée par le relevé de notes du 2 octobre 2019. Par le jugement du 16 février 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme A... fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'éducation : " Les aptitudes et l'acquisition des connaissances sont appréciées, soit par un contrôle continu et régulier, soit par un examen terminal, soit par ces deux modes de contrôle combinés. Les modalités de ce contrôle tiennent compte des contraintes spécifiques des étudiants accueillis au titre de la formation continue. Elles sont adaptées aux contraintes spécifiques des étudiants ou personnes bénéficiant de la formation continue présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé ou en état de grossesse. Elles doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l'année d'enseignement et elles ne peuvent être modifiées en cours d'année. ".

3. Aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence : " Au sein d'un parcours de formation, les unités d'enseignement sont définitivement acquises et capitalisables dès lors que l'étudiant y a obtenu la moyenne. L'acquisition de l'unité d'enseignement emporte l'acquisition des crédits européens correspondants. De même, sont capitalisables les éléments constitutifs des unités d'enseignement, lorsque leur valeur en crédits européens est également fixée. / Lorsqu'un étudiant change d'établissement pour poursuivre son cursus dans une formation conduisant à la même mention de licence, les crédits européens délivrés dans l'établissement d'origine lui sont définitivement acquis et sont transférables. Il valide seulement les crédits européens qui lui manquent pour l'obtention de son diplôme. / S'agissant des enseignements de mise à niveau et de remédiation suivis par un étudiant dans le cadre de son contrat pédagogique pour la réussite étudiante, ils peuvent être pris en compte au sein des unités d'enseignement constituant le parcours de licence, notamment par une modulation adaptée ou un renforcement des heures d'enseignement encadrées dont bénéficie l'étudiant. ". Aux termes de l'article 18 de cet arrêté : " Dans les conditions prévues à l'article L. 613-1 du code de l'éducation, le président de l'établissement accrédité nomme le président et les membres des jurys. / Leur composition comprend au moins une moitié d'enseignants-chercheurs, d'enseignants ou de chercheurs participant à la formation parmi lesquels le président du jury est nommé, ainsi que des personnalités qualifiées ayant contribué aux enseignements, ou choisies en raison de leurs compétences, sur proposition des personnels chargés de l'enseignement. Les directeurs d'études peuvent être membres des jurys ou y être invités avec voix consultative. La composition des jurys est publique. /Le président du jury est responsable de la cohérence et du bon déroulement de l'ensemble du processus, de la validation de l'unité d'enseignement à la délivrance du diplôme. Il est également responsable de l'établissement des procès-verbaux. / Le jury délibère souverainement à partir de l'ensemble des résultats obtenus par l'étudiant. Il a connaissance des modalités prévues dans son contrat pédagogique pour la réussite étudiante. La délivrance du diplôme est prononcée après délibération du jury. Le procès-verbal de délibération est élaboré sous la responsabilité du président du jury et signé par lui. / Dans le cadre de l'évaluation continue, les copies et les notes ainsi que les évaluations de tout autre travail réalisé sont communiquées régulièrement aux étudiants. En tant que de besoin, des entretiens individuels sont organisés et permettent de faire avec l'étudiant le bilan pédagogique de sa progression. / Une attestation de réussite et d'obtention du diplôme est fournie aux étudiants trois semaines au plus tard après la proclamation des résultats. La délivrance du diplôme définitif, signé par les autorités concernées, intervient dans un délai inférieur à six mois après cette proclamation. Elle est accompagnée du supplément au diplôme mentionné au d) de l'article D. 123-13 du code de l'éducation. ".

4. D'une part, il n'est pas contesté qu'une erreur matérielle a été commise pour le calcul de la moyenne générale obtenue par l'appelante à la session n° 2 du semestre 6. L'université admet qu'une erreur technique s'est glissée dans le calcul, la validation des acquis avec note n'ayant pas été correctement saisie dans le logiciel dédié, APOGEE, et que la note de l'intéressée est en réalité de 9,922 sur 20 au lieu de 8,951 sur 20. Mme A... est, dès lors, fondée à soutenir que la délibération du jury, révélée par le document intitulé " Notes et résultats " la déclarant ajournée, repose, en ce qui la concerne, sur des faits matériellement inexacts.

5. D'autre part, l'université Aix-Marseille avait l'obligation de provoquer une nouvelle délibération du jury, seule autorité compétente pour tirer toutes les conséquences de ladite erreur quant à l'appréciation des mérites de l'intéressée et qui a toute liberté pour procéder ou non à un rehaussement des notes individuelles. En l'absence de nouvelle délibération du jury sur le cas de Mme A..., celle-ci est, dès lors, fondée à soutenir que la décision l'ajournant en l'absence de rectification matérielle et en l'absence de nouvelle délibération, est illégale.

6. Il résulte de ce qui précède que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision l'ajournant aux épreuves de licence " Physique Chimie ".

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

8. Eu égard aux motifs du présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de la requérante se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision attaquée, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement d'enjoindre au président de l'université Aix-Marseille de saisir le jury d'examen afin qu'il statue de nouveau sur son examen de licence 3. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au président de l'université Aix-Marseille de procéder à cette saisine dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'université Aix-Marseille dirigées contre Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Aix-Marseille une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La décision d'ajournement de Mme A... et le jugement du 16 février 2021 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au président de l'université Aix-Marseille, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de saisir le jury d'examen afin qu'il statue de nouveau sur l'examen de licence 3 de Mme A....

Article 3 : L'université Aix-Marseille versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'université Aix-Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'université Aix-Marseille.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2023.

2

No 21MA01456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01456
Date de la décision : 05/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Examens et concours - Jury - Délibérations.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Universités - Organisation des études universitaires - Diplômes.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : BARLET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-05;21ma01456 ?
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