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02/06/2023 | FRANCE | N°20MA02990

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 02 juin 2023, 20MA02990


Vu la procédure suivante :

Avant de statuer sur l'appel formé par M. C... B..., Mme D... B... et M. A... B... contre le jugement n° 1704939 du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2020, la cour a, par un arrêt avant dire droit du 10 novembre 2021, ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer si des manquements aux bonnes pratiques médicales ont été commis par le centre hospitalier de Cannes lors de la prise en charge, le 27 septembre 2016, de Mme G... B....

Par une ordonnance du 1er mars 2022, la présidente de la cour a désigné le docteur F... E... en qual

ité d'expert.

Le rapport de ce docteur a été enregistré au greffe de l...

Vu la procédure suivante :

Avant de statuer sur l'appel formé par M. C... B..., Mme D... B... et M. A... B... contre le jugement n° 1704939 du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2020, la cour a, par un arrêt avant dire droit du 10 novembre 2021, ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer si des manquements aux bonnes pratiques médicales ont été commis par le centre hospitalier de Cannes lors de la prise en charge, le 27 septembre 2016, de Mme G... B....

Par une ordonnance du 1er mars 2022, la présidente de la cour a désigné le docteur F... E... en qualité d'expert.

Le rapport de ce docteur a été enregistré au greffe de la cour le 7 décembre 2022.

Les parties ont été informées, le 8 décembre 2022, de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Par des mémoires, enregistrés les 3 et 22 mars 2023, les consorts B..., représentés par Me Janvier, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Cannes à leur verser des indemnités d'un montant, avant application du taux de perte de chance, de 8 285 euros au titre des préjudices entrés dans la succession de Mme G... B..., de 25 000 euros à chacun des deux parents et de 10 000 euros à M. A... B... ;

3°) de mettre à la charge de ce même établissement la somme de 2 500 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier a commis une faute dans la prise en charge de Mme G... B... en réalisant des examens incomplets et en s'abstenant de mettre en place un suivi ambulatoire ;

- cette faute a fait perdre une chance, qui sera estimée à au moins 30 %, d'éviter la survenue du décès de Mme G... B... ;

- ils sont fondés à solliciter, d'une part au nom de la succession de Mme G... B..., la somme de 3 935 euros au titre des frais d'obsèques, celle de 4 350 euros pour les actes relatifs à la succession et celle de 5 000 euros au titre des souffrances endurées par la défunte, et, d'autre part pour leurs préjudices propres, la somme de 25 000 euros chacun pour M. C... B... et Mme D... B... au titre de leur préjudice moral et celle de 10 000 euros pour M. A... B... au titre de son préjudice moral.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 décembre 2022 et le 20 mars 2023, le centre hospitalier de Cannes et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) devenue la société Relyens mutual insurance, représentés par Me Le Prado, persistent à demander à la cour de rejeter la requête des consorts B....

Ils font valoir que l'expertise confirme qu'aucun manquement ne peut leur être reproché.

Vu :

- l'ordonnance de la présidente de la cour du 12 décembre 2022 liquidant et taxant les frais d'expertise à la somme de 1 170 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Janvier, représentant les consorts B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt avant dire droit du 10 novembre 2021, la cour a, statuant sur l'appel formé par les consorts B... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2020, ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer si des manquements aux bonnes pratiques médicales ont été commis par le centre hospitalier de Cannes lors de la prise en charge, le 27 septembre 2016, de Mme G... B..., retrouvée décédée à son domicile le 10 octobre suivant. Le rapport du docteur F... E... a été enregistré au greffe de la cour le 7 décembre 2022.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Cannes :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que, hospitalisée le 27 septembre 2016, à 20h39, au sein du service des urgences du centre hospitalier de Cannes à la suite de l'intervention des services du SMUR, alertés par les voisins inquiets qu'elle ne réponde plus, Mme G... B..., alors consciente et cohérente, a subi les examens biologiques, somatiques et psychiatriques nécessaires et adaptés à l'état de santé qu'elle présentait, sans qu'aucun d'entre eux ne mette à jour de défaillance organique objective ou de troubles psychiatriques patents qui, relevant d'une situation dans laquelle la vie du patient est en danger, auraient justifié une hospitalisation en urgence. L'expert précise à cet égard qu'il n'a pas été retrouvé d'élément pouvant évoquer à ce moment une dénutrition, les résultats des examens biologiques étant tous revenus normaux. La circonstance que le rapport du médecin légiste mentionne que, dix jours après sa sortie du centre hospitalier de Cannes, la victime présentait, lors de son décès, " une carence aiguë alimentaire et gastrique " n'est pas de nature à remettre en cause les constatations faites lors de la prise en charge de la patiente par le centre hospitalier de Cannes. En outre, s'il résulte certes de l'instruction que, comme les requérants le soutiennent, les services de ce centre hospitalier n'ont pas mesuré le poids et la taille de la patiente, de sorte qu'il est impossible de connaître l'indice de masse corporelle (IMC) de celle-ci, l'expert relève que ces paramètres sont rarement relevés en urgence et précise que cet indice, même s'il est perturbé, ne constitue pas, à lui seul, un critère d'hospitalisation en urgence. Il remet ainsi en cause l'assertion figurant dans la note d'analyse médicale versée aux débats par les requérants avant l'expertise, selon laquelle la mesure de l'IMC " est indispensable pour justifier ou non d'une hospitalisation ", et explique que la seule anomalie de cet indice n'entraîne pas d'hospitalisation en urgence en l'absence d'éléments de défaillance organique objective ou de trouble psychiatrique patent. Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise que la consultation de psychiatrie réalisée le lendemain de l'hospitalisation de Mme G... B..., qui n'avait fait l'objet d'aucune prise en charge psychiatrique antérieure, ne relevait à ce titre aucune pathologie aiguë justifiant une hospitalisation sous contrainte. Si, pour soutenir que le diagnostic réalisé par le psychiatre serait erroné, les requérants se prévalent des recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé émises en matière d'anorexie mentale, il ressort au contraire de celles-ci que le diagnostic de cette maladie ne saurait être posé à l'issue d'une seule consultation mais doit être confirmé au cours de plusieurs consultations par la vérification de la présence de chacun des critères diagnostiques d'une des classifications internationales. Au demeurant, s'il résulte des éléments de l'autopsie médico-légale que la cause vraisemblable du décès de Mme B..., survenu dix jours après l'hospitalisation litigieuse, est un trouble ionique avec défaillance cardiaque en rapport avec une carence aiguë alimentaire et hydrique, et si le médecin psychiatre était informé de ce que sa patiente ne se serait alors plus alimentée depuis deux mois, il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci aurait, au cours de la consultation de psychiatrie et alors que les résultats des examens effectués la veille ne montraient pas d'état de dénutrition, présenté les signes évocateurs d'un arrêt complet et effectif de la nutrition, mais s'est limitée à tenir des " propos proches du mysticisme " selon le compte-rendu, difficilement lisible, qui en est fait, sans présenter d'état confusionnel. En outre, il résulte encore du rapport d'expertise que les examens somatiques pratiqués ne révélaient pas, en l'absence de confusion et de dénutrition de la patiente, d'élément d'une gravité telle qu'ils auraient requis de mettre en place un suivi médical postérieur à l'hospitalisation. En tout état de cause, l'éventuelle omission à ne pas avoir mis en place un tel suivi, tout comme celle d'ailleurs à n'avoir pas adressé de lettre de liaison au médecin généraliste de Mme G... B..., n'auraient pu présenter, eu égard au délai qui s'est écoulé après sa sortie, un lien de causalité avec le décès de celle-ci. Enfin, les services hospitaliers ont, à tout le moins, communiqué à la patiente, qui avait jusqu'à alors refusé de suivre une psychothérapie et présentait une situation sociale difficile, les coordonnées d'une assistante sociale. Par suite et compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, les consorts B... ne sont pas fondés à engager la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Cannes. Leurs conclusions indemnitaires ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

4. Il résulte de ce qui précède que les consorts B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Sur les frais d'expertise :

5. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

6. Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de partager entre les parties les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 170 euros par l'ordonnance de la présidente de la cour du 12 décembre 2022 et de les mettre pour moitié à la charge des consorts B... et, pour l'autre moitié, à la charge du centre hospitalier de Cannes et de la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Cannes, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les consorts B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... B..., Mme D... B... et M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 170 euros par ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille du 12 décembre 2022, sont mis pour moitié à la charge des consorts B... et pour moitié à la charge du centre hospitalier de Cannes et de la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme D... B..., à M. A... B..., au centre hospitalier de Cannes et à la société Relyens mutual insurance.

Copie en sera adressée au docteur E....

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2023.

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N° 20MA02990

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02990
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-02;20ma02990 ?
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