Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part d'annuler les arrêtés du 26 décembre 2018 par lesquels le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'avait placé en disponibilité d'office du 1er février au 14 avril 2018 puis du 15 avril 2018 au
25 novembre 2019, d'autre part d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, outre la capitalisation des intérêts, ainsi que de reconstituer sa carrière, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance.
Par un jugement n°1900730 du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de réexaminer la situation de M. B..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de cent euros par jour de retard, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 21MA04027
le 30 septembre 2021 et les 25 et 26 janvier 2023, M. B..., représenté par
Me Farhat-Vayssière, demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin d'examiner son état de santé psychique, d'apprécier ses capacités à reprendre ses fonctions sur un poste aménagé, sans arme et sans voie publique et de donner un avis sur l'éventuel handicap psychique de l'agent et dans l'hypothèse d'un tel handicap, d'en fixer le taux ;
2°) d'annuler le jugement n° 1900730 du tribunal administratif de Toulon du
26 juillet 2021 en tant qu'il a considéré que son poste ne pouvait pas être aménagé ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de le réintégrer juridiquement et physiquement dans l'attente du réexamen de sa situation en vue de rechercher si le poste occupé par le fonctionnaire ne peut être adapté ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé, et en dernier recours seulement, de procéder à son reclassement, sous astreinte de cent euros par jour de retard passé le délai de quinze jours courant à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) d'ordonner la reconstitution de sa carrière ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la jonction des instances n° 21MA04010, 21MA04026, 27 et 28 est possible ;
- le jugement qui lui a été notifié n'est pas signé, en méconnaissance de l'article
R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du vice de procédure résultant de la méconnaissance de l'article 48 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et de l'article 43 du décret n° 85-986, ni à celui de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- les motifs du jugement qu'il attaque sont affectés d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son poste pouvait être aménagé ;
- l'annulation de l'arrêté en litige aurait dû être prononcée au motif du vice de procédure auquel le tribunal n'a pas répondu, la mesure ayant dû être précédée d'une consultation du comité médical interdépartemental ;
- l'arrêté en litige n'est pas tant affecté d'une insuffisance de motivation, alors qu'il aurait dû être motivé, que d'un détournement de pouvoir, en se gardant de citer le fondement légal ou réglementaire de son intervention ;
- les trois avis de comités médicaux visés par le jugement, et non par l'arrêté en litige, ne lui ont jamais été communiqués, et ne l'ont pas été davantage au cours de la procédure devant le tribunal, de sorte que cet arrêté est entaché de détournement de pouvoir et le jugement d'erreur de fait ;
- l'arrêté est encore illégal car il n'avait pas épuisé tous ses droits à congé de maladie prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ;
- son administration s'est abstenue de le placer dans une situation régulière depuis le mois de mars 2015 et son arrêté a été pris en violation de ses droits statutaires, compte tenu de la période de suspension de fonctions irrégulière qui a commencé au jour où le jugement de relaxe du 25 février 2015 est devenu définitif, le 7 mars 2015 ;
- le préfet s'est cru lié par les avis médicaux sans porter lui-même d'appréciation sur l'amélioration de l'état de santé de l'agent ;
- l'arrêté procède de fausses recherches de reclassement et davantage d'un détournement de pouvoir, compte tenu de la volonté réelle de le sanctionner par révocation ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- en se fondant sur ses antécédents judiciaires pour conclure à l'aménagement impossible de son poste, le préfet a commis une autre erreur manifeste d'appréciation ;
- la résistance abusive du préfet pour réexaminer sa situation, seulement en avril 2019 alors qu'il s'agissait d'assurer l'exécution de quatre jugements du 7 février 2019, justifie qu'une astreinte assortisse l'injonction de réexamen à prononcer.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête, en faisant valoir qu'elle peut être jointe aux instances n°s 21MA04010, 21MA04026 et 21MA04028, que l'expertise médicale est dépourvue d'utilité et que les moyens d'appel ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au
26 janvier 2023, à 12 heures et reportée au 26 février 2023 à 12 heures, par une ordonnance du 24 janvier 2023.
Par une lettre du 17 mars 2023, la Cour a informé les parties, en application de
l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel de M. B..., qui se borne à contester les seuls motifs du jugement qu'il attaque, sans discuter l'adéquation du motif retenu par les premiers juges pour annuler les arrêtés du 26 décembre 2018 et le type de l'injonction qu'ils ont adressée en conséquence à l'autorité administrative (CE, Section, 21 décembre 2018, Société Eden, n° 409768).
M. B... a répondu au moyen relevé d'office par des observations enregistrées les
27 mars et 10 mai 2023, en précisant d'une part que le tribunal s'est borné à enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation, au lieu de lui ordonner sa réintégration dans une position régulière comme il était demandé aux premiers juges, et que sa requête est donc recevable, et d'autre part que la condition du port d'arme ne saurait motiver l'impossibilité pour le requérant de bénéficier d'un poste aménagé dans la police active, sans erreur manifeste d'appréciation à l'égard des capacités du requérant ni erreur de droit et violation d'un principe fondamental du droit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., brigadier-chef des gardiens de la paix, affecté à la circonscription de sécurité publique de Sanary-sur-mer, a été placé en congé de maladie ordinaire du
21 novembre 2013 au 20 novembre 2014, puis suspendu de ses fonctions du 21 novembre 2014 au 25 novembre 2015. Après avis du comité médical du 7 juillet 2015, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a prononcé sa mise en disponibilité d'office pour raison de santé, à compter du 26 novembre 2015, pour une durée de six mois, par un arrêté du 24 novembre 2015. Par des arrêtés du 26 mai et du 22 septembre 2016, le préfet a renouvelé la mise en disponibilité d'office de M. B... jusqu'au 25 mai 2017, et en a fait de même pour la période du 26 mai 2017 au 31 janvier 2018, par un arrêté du 26 septembre 2017. Mais par un jugement n°s 1600198, 1602286, 1603455 du 7 février 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulon a annulé ces trois premiers arrêtés. Par un jugement du 27 janvier 2020, devenu également définitif, le tribunal a annulé l'arrêté du 26 septembre 2017. Par un arrêté du 19 avril 2019, pris en exécution de ce jugement, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a décidé le placement de M. B... en disponibilité d'office pour raison de santé pour la période du
26 novembre 2015 au 25 mai 2017. Par un arrêté du 3 août 2020, le préfet a mis M. B... en disponibilité d'office pour raison de santé pour la période du 26 mai 2017 au 31 janvier 2018. Enfin, par des arrêtés du 26 décembre 2018, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a placé M. B... en disponibilité d'office du 1er février au 14 avril 2018 puis du 15 avril 2018 au 25 novembre 2019, et l'a maintenu dans cette position, pour une période de six mois supplémentaires à compter du 26 novembre 2019, par un arrêté du 28 octobre 2019. Par un jugement n° 1900730 du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé les arrêtés du 26 décembre 2018 et a enjoint au préfet de zone de réexaminer la situation de M. B..., dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sous astreinte de cent euros par jour de retard, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions. Compte tenu de son argumentation devant la Cour, M. B... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande.
2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de
l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Toulon, dans l'instance n° 1900730, que M. B... a présenté au tribunal des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés du 26 décembre 2018 par lesquels le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a placé en disponibilité d'office pour raison de santé,
du 1er février au 14 avril 2018, puis du 15 avril 2018 au 25 novembre 2019, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de reconstituer sa carrière. A l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, M. B..., qui a certes soulevé des moyens de légalité externe et de légalité interne, n'a pas présenté de conclusions tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé et n'a pas hiérarchisé ses prétentions en fonction des causes juridiques sur lesquelles elles reposent. Par suite, l'appel de M. B..., qui en demandant l'annulation du jugement n° 1900730 en ce que par celui-ci le tribunal a considéré que son poste ne pouvait pas être aménagé, se borne en réalité à contester les seuls motifs de ce jugement, sans discuter l'adéquation du motif retenu par les premiers juges pour annuler les arrêtés du 26 décembre 2018 et le type de l'injonction qu'ils ont adressée en conséquence à l'autorité administrative, ni même le rejet de ses conclusions, accessoires à sa demande de réexamen, tendant à la reconstitution de sa carrière, n'est pas recevable et doit être rejeté comme tel, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.
N° 21MA040272