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30/05/2023 | FRANCE | N°21MA01317

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 30 mai 2023, 21MA01317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Nieto a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à lui verser la somme totale de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du retard pris pour la mise en œuvre, à son encontre, d'une procédure de licenciement pour inaptitude physique et de mettre à la charge de cette chambre consulaire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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ar un jugement n° 1901255 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Bast...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Nieto a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à lui verser la somme totale de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du retard pris pour la mise en œuvre, à son encontre, d'une procédure de licenciement pour inaptitude physique et de mettre à la charge de cette chambre consulaire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901255 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 1er avril et 17 mai 2021, et le 20 juillet 2022, M. Nieto, représenté par Me Caporossi-Poleti, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 mars 2021 ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à lui verser, à titre de dommages-intérêts, cette somme de 15 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- par son jugement, le tribunal administratif de Bastia a commis une erreur d'appréciation ;

- c'est dès le 18 mai 2018 que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse aurait dû saisir la médecine du travail ; cette chambre de commerce et d'industrie ne justifie pas de la date à laquelle elle a saisi la médecine du travail ; une première visite a été organisée le 28 mars 2019, faisant suite à une visite de poste du 27 février 2019 ; le tribunal administratif de Bastia a commis une erreur en qualifiant cette visite de seconde visite ; la seconde visite a eu lieu le 11 avril 2019 ;

- le retard de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse est incontestable et est fautif ; cette carence suffit à engager la responsabilité de cette dernière ;

- il est permis de douter de la recherche d'un poste de reclassement ; il souhaiterait que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse verse aux débats la liste des embauches survenues depuis le 18 mai 2018 au sein de l'aéroport ou de ses bureaux en Balagne ;

- il est fondé à solliciter la réparation de son préjudice financier à hauteur de 12 000 euros, et de son préjudice moral, à hauteur de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2022, la chambre de commerce et d'industrie " de la Haute-Corse ", représentée par Me Barratier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens soient mis à la charge de M. Nieto.

Elle fait valoir que :

- le rappel chronologique des faits prouve qu'un délai raisonnable a bien été respecté et que les recherches de reclassement ont été entreprises dès que ses services ont reçu le second avis médical portant l'indication des prescriptions médicales à respecter ;

- M. Nieto ne peut valablement soutenir qu'elle aurait commis une faute en ne sollicitant pas une visite de reprise le 18 mai 2018, alors que ce n'est que dans son courrier du 6 mars 2019 que ses intentions semblent plus précises ;

- le jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Bastia devra être confirmé.

Par une ordonnance du 26 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements consulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Depuis le 29 mars 1994, M. Nieto était salarié de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, en qualité de pompier d'aérodrome, en poste à l'aéroport de Calvi-Sainte-Catherine. Par une décision du 7 juin 2019, après avoir constaté l'impossibilité de reclasser M. Nieto, le président de cette chambre consulaire a prononcé son licenciement pour inaptitude physique. M. Nieto a alors sollicité dudit président l'indemnisation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait du retard pris pour mettre en œuvre, à son encontre, la procédure de licenciement pour inaptitude physique. M. Nieto relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que ladite chambre soit condamnée à lui verser la somme totale de 15 000 euros en réparation de ces préjudices.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia du 18 mars 2021 :

2. En vertu de l'article 1er de la loi susvisée du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers, la situation du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie " est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle. " Aux termes de l'article 33 du statut annexé à l'arrêté susvisé du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires, applicable au présent litige :

" La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes / (...) 3) Par licenciement pour inaptitude physique, après avis d'un comité médical qui doit être désigné par la commission paritaire compétente (...) ". Selon l'article 34 bis du même statut : " Avant tout licenciement pour inaptitude physique, il sera recherché une adaptation possible du poste ou un reclassement éventuel. Lorsque le licenciement est prononcé pour inaptitude physique, il est accordé aux agents titulaires et dans le cas où ils ne se trouveraient pas dans les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime général de la Sécurité Sociale, une indemnité de licenciement proportionnelle à l'ancienneté dans la Compagnie Consulaire calculée sur la base d'un mois de rémunération mensuelle indiciaire brute par année de services avec un maximum de quinze mois. "

3. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement. L'application combinée de ce principe général du droit et de l'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie implique que la chambre a l'obligation, en cas d'inaptitude d'un agent, d'engager la procédure prévue au 3º de cet article en saisissant le comité médical pour que celui-ci se prononce sur l'inaptitude physique de l'intéressé et sur le caractère définitif de celle-ci. Dans le cas où l'inaptitude s'avère définitive, il appartient à la chambre de chercher à reclasser l'agent concerné au sein de l'établissement et, si ce reclassement est impossible, de prononcer son licenciement, avec les conséquences de droit nécessaires et notamment le versement des indemnités prévues à l'article 34 du statut (Conseil d'Etat, 2 octobre 2002, n° 227868, A).

4. Au cas particulier, et alors que les premiers juges ont relevé, dans leur jugement attaqué, qu'il n'identifiait pas de manière précise la date à compter de laquelle les services de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse auraient eu, selon lui, connaissance de son invalidité, M. Nieto soutient, pour la première fois devant la Cour, que celle-ci est le 18 mai 2018. A l'appui de cette allégation, il produit un courrier qu'il a adressé, le 6 mars 2019, au président de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse dans lequel il fait état de " l'envoi d'un email à Mme B... en date du 18 mai 2018 contenant [s]on titre de pension d'invalidité ". Mais, l'appelant, qui, au demeurant, n'indique pas la qualité de la dénommée " Mme B... ", ne verse pas aux débats ce courriel. En l'état des pièces du dossier, et ainsi que l'ont relevé à raison les premiers juges, il résulte de l'instruction que les services de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse ont été informés de manière certaine de ce que M. Nieto s'était vu attribuer une pension d'invalidité de catégorie 2 par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse, le 17 décembre 2018, date de la réception d'un courrier de l'appelant du 14 décembre 2018. En outre, pas davantage que devant le tribunal administratif de Bastia, M. Nieto ne conteste devant la Cour que lesdits services ont été destinataires de l'avis dressé par le médecin du travail le 12 avril 2019, sans qu'à cet égard n'ait d'influence la circonstance, à la supposée même établie, que la visite médicale du 28 mars 2019 soit la première, et non la seconde que l'appelant ait passée. Or, sans qu'il soit besoin que la Cour demande à l'intimée de verser aux débats la liste des embauches survenues depuis le 18 mai 2018 au sein de l'aéroport de Calvi-Sainte-Catherine ou de ses bureaux en Balagne, il résulte de l'instruction qu'en l'absence de possibilité d'adaptation du poste de M. Nieto, la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a entrepris des recherches tant au sein de ses propres services qu'en dehors de

ceux-ci afin de procéder à son reclassement dès le 4 avril 2019, soit avant même la date de notification de cet avis du médecin du travail et qu'elle a mis en œuvre la procédure de licenciement pour inaptitude physique à son encontre, à compter du 6 mai 2019, pour prononcer son licenciement par une décision de son président du 7 juin 2019. Dans ces conditions, le délai qui s'est écoulé entre la date à laquelle les services de l'intimée ont été informés de l'inaptitude physique de M. Nieto à continuer à occuper son poste et celle à compter de laquelle ils ont commencé à opérer une recherche d'un poste de reclassement ne saurait être regardé comme déraisonnable. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. Nieto devaient être rejetées.

5. Il résulte de ce qui précède que M. Nieto n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

6. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions respectives des parties présentées sur ce fondement ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les autres frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Nieto est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la

Haute-Corse présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Nieto et à la chambre de commerce et d'industrie de Corse, venant aux droits de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

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No 21MA01317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01317
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-06-01-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Organisation professionnelle des activités économiques. - Chambres de commerce et d'industrie. - Personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CAPOROSSI POLETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-30;21ma01317 ?
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