La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2023 | FRANCE | N°21MA03927

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 26 mai 2023, 21MA03927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 13 août 2018 par laquelle la ministre des armées a prononcé l'ordre de cessation de l'état militaire, ensemble la décision par laquelle la commission des recours des militaires a implicitement rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de cette décision, reçu le 17 décembre 2018.

Par un jugement n° 1901609 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté l

a requête de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 13 août 2018 par laquelle la ministre des armées a prononcé l'ordre de cessation de l'état militaire, ensemble la décision par laquelle la commission des recours des militaires a implicitement rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de cette décision, reçu le 17 décembre 2018.

Par un jugement n° 1901609 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2021 sous le n° 21MA03927, M. A..., représenté par Me Deous, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901609 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler la décision en date du 13 août 2018 par laquelle la ministre des armées a prononcé l'ordre de cessation de l'état militaire, ensemble la décision par laquelle la commission des recours des militaires a implicitement rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de cette décision, reçu le 17 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de procéder au renouvellement de son contrat pour une durée de deux ans et six mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du non-respect de l'instruction n° 33/DEF/DPMM/2/RA du 21 juillet 2014 ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la procédure de renouvellement du contrat d'engagement a été méconnue ;

- M. A... a été déclaré inapte lors de la visite médicale obligatoire préalable à la radiation des contrôles, situation qui empêchait l'édiction de l'ordre de cessation d'état de militaire ;

- il a été prolongé jusqu'au 2 décembre 2018 ;

- le ministre a entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à reprendre à l'identique les moyens soulevés en première instance, et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par lettre du 3 mai 2023, la Cour a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, en ce qu'il n'a pas constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 13 août 2018 et de la décision implicite née du rejet de la commission de recours des militaires contre le recours administratif préalable du 6 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2008-961 du 12 septembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a souscrit, à compter du 24 septembre 2003, un contrat d'engagement à servir dans la marine nationale d'une durée de dix ans. Ce contrat a été renouvelé pour un an, puis pour quatre ans, et arrivait à terme le 23 septembre 2018. Par un courrier du 24 avril 2018, l'administration l'a informé de son intention de renouveler son contrat pour une durée de deux ans et six mois. Le pli, présenté au domicile du requérant le 25 avril, n'a pas été réclamé par l'intéressé. Suite à l'absence de réponse de M. A... à l'issue d'un délai de réflexion d'un mois, le directeur adjoint du service logistique de la marine a pris acte, le 11 juin 2018, du refus de M. A... de renouveler son contrat. Par un courrier du 15 juillet 2018, M. A... a demandé le réexamen de sa situation. Cette demande a été rejeté par un courrier électronique du 7 août 2018 et par un courrier du 9 octobre 2018, la commission des recours des militaires a informé M. A... que son recours administratif préalable obligatoire du 26 septembre 2018 dirigé contre cette décision ne sera pas étudié par la commission au motif qu'il est dirigé contre un acte ne faisant pas grief. Par une décision du 13 août 2018, M. A... a été informé de sa radiation des contrôles à compter du 24 septembre 2018. Le 24 octobre 2018, il a été déclaré inapte à la reprise du service avec une préconisation de maintien en arrêt maladie jusqu'à sa mise en congé de longue durée maladie pour une première période de six mois. Par une décision du 30 novembre 2018, notifiée le 21 décembre suivant, le contrat d'engagement de M. A... a été prolongé jusqu'au 2 décembre 2018, en raison de son placement en congé de maladie. Par un courrier du 6 décembre 2018, reçu le 17 décembre suivant, il a saisi la commission des recours des militaires d'un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de la décision du 13 août 2018 précitée. Le 17 avril 2019, est née une décision implicite de rejet de ce recours, confirmée par une décision expresse du 15 mai 2019.

2. M. A... a contesté devant le tribunal administratif de Toulon, d'une part, la décision de la ministre des armées du 13 août 2018 et d'autre part, la décision rejetant implicitement son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de cette décision, reçu le 17 décembre 2018. M. A... relève appel du jugement n° 1901609 du 15 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête et demande l'annulation de ces mêmes décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., les premiers juges se sont prononcés, au point 3 du jugement attaqué, sur le moyen tiré du non-respect de l'instruction n° 33/DEF/DPMM/2/RA du 21 juillet 2014, en l'écartant comme étant inopérant. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer.

4. En second lieu, aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. Sous réserve des dispositions de l'article L. 213-6 du code de justice administrative, tout autre recours administratif, gracieux ou hiérarchique, formé antérieurement ou postérieurement au recours introduit devant la commission, demeure sans incidence sur le délai de recours contentieux. (...) ".

5. L'institution par ces dispositions d'un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité.

6. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 13 août 2018, la ministre des armées a notifié à M. A... un " ordre de cessation de l'état militaire ". Le 6 décembre 2018, M. A... a formé un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devant la commission de recours des militaires à fin d'annulation de la décision du 13 août 2018, lequel a été reçu par l'administration le 17 décembre suivant. Le 17 avril 2019, une décision implicite de rejet de ce recours est née du silence de l'administration. Par suite, la décision explicite du 15 mai 2019 rejetant le RAPO de M. A... s'est nécessairement substituée à la décision initiale du 13 août 2018 ainsi qu'à la décision implicite née le 17 avril 2019. Il n'y avait donc pas lieu pour les premiers juges de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation desdites décisions et c'est donc à tort que le tribunal administratif a statué sur cette demande. Il y a lieu pour la Cour d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, dès lors que la décision explicite du 15 mai 2019 s'est substituée à la décision initiale du 13 août 2018, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision du 13 mai 2018 doit être écarté comme étant inopérant.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4132 -6 du code de la défense : Le militaire servant en vertu d'un contrat est recruté pour une durée déterminée. Le contrat est renouvelable. Il est souscrit au titre d'une force armée ou d'une formation rattachée. Le service compte à partir de la date d'effet du contrat ou, s'il n'y a pas d'interruption du service, de la date d'expiration du contrat précédent. (...). Et aux termes de l'article L. 4132-12 de ce code : " L'état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l'intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d'un contrat, lorsque l'intéressé est rayé des contrôles. ".

9. Aux termes de l'article 19 du décret du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés : " Pour les contrats d'une durée égale ou supérieure à un an, le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les militaires engagés de la gendarmerie nationale, notifie par écrit son intention de renouveler ou non le contrat d'engagement d'un militaire au moins six mois avant le terme./ Le militaire engagé à qui est proposé le renouvellement du contrat dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation par écrit. L'absence de réponse dans ce délai vaut renonciation. / En cas de renouvellement, le contrat prend effet le lendemain de la date d'expiration du contrat précédent. ".

10. Il est constant que le dernier contrat d'engagement de M. A... qui arrivait à son terme le 23 septembre 2018 avait une durée supérieure à un an et que l'administration lui a seulement notifié son intention de renouveler le contrat par écrit le 24 avril 2018, soit cinq mois avant l'expiration de son engagement au lieu des six mois prévus par les dispositions précitées de l'article 19 du décret du 12 septembre 2008. Cette circonstance est toutefois restée sans influence sur le sens de la décision dès lors que, d'une part, le délai de réflexion d'une durée d'un mois a été respecté et que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... avait été informé, oralement et par messagerie, plusieurs mois auparavant, de l'intention de l'administration de lui proposer un renouvellement de contrat. M. A... n'a ainsi pas été privé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration a entaché les décisions contestées d'un vice de procédure doit être écarté. Enfin, et tout état de cause, si la méconnaissance du délai institué par les dispositions de l'article 19 du décret du 12 septembre 2008 est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration, elle n'entraîne pas l'illégalité de la décision de non-renouvellement du contrat.

11. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le pli contenant la décision a été adressé à la dernière adresse de M. A... connue de l'administration et qu'il a été présenté à son domicile le 25 avril 2018 avant d'être retourné comme non réclamé selon la mention portée sur l'autocollant apposé par les services postaux. Ces mentions suffisent à établir que la notification a régulièrement été adressée à M. A... qui, s'il était alors en position de congé-maladie, n'établit pas avoir été dans l'incapacité d'aller retirer ledit courrier au bureau de poste. Dès lors, l'administration a pu considérer, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 19 du décret du 12 septembre 2008 que l'absence de réponse de M. A... à l'issue du délai d'une durée d'un mois valait renonciation de ce dernier au renouvellement de son contrat.

12. Enfin, M. A... fait valoir qu'il n'a pas pu bénéficier de l'entretien de notification de la décision portant intention de renouvellement de son contrat, prévu par l'article 3.4 de l'instruction n° 33/DEF/DPMM/2/RA relative au renouvellement des contrats de volontariat et d'engagement des officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots. Toutefois, il ressort des échanges de mails internes produits par le ministre des armées en première instance, que M A... a été convoqué à plusieurs reprises pour qu'il indique sa volonté de renouveler ou non son contrat, et qu'il n'a jamais donné suite à ses convocations. Dans ces conditions, un tel moyen doit être écarté.

13. En dernier lieu, la circonstance que l'intéressé ait été déclaré inapte lors de la visite médicale obligatoire préalable à la radiation des contrôles est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par ailleurs, est également sans incidence la circonstance que la durée du contrat de M. A... a été prolongée jusqu'au 2 décembre 2018 en raison de son congé maladie.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision en litige, n'implique aucune mesure particulière d'exécution au regard des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions présentées par M. A... aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1901609 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulon est annulé, en tant qu'il a n'a pas constaté de non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 13 mai 2018 et de la décision rejetant implicitement son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de cette décision, reçu le 17 décembre 2018.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... à fin d'annulation des décisions du 13 mai 2018 par laquelle la ministre des armées a prononcé l'ordre de cessation de l'état militaire ensemble la décision par laquelle elle a implicitement rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de cette décision, reçu le 17 décembre 2018.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.

N° 21MA03927 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03927
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01 Armées et défense. - Personnels militaires et civils de la défense. - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : DEOUS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-26;21ma03927 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award