Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le titre exécutoire du 15 février 2016 émis par le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer pour avoir paiement de la somme de 1 800 euros au titre des " droit de terrasse 2016 ", d'annuler la notification de la saisie administrative à tiers détenteur entre les mains de la CARSAT Sud-Est Pen date du 21 mai 2019, d'ordonner la mainlevée de la saisie à tiers détenteur et d'enjoindre à l'administration de procéder au remboursement des sommes encaissées par le Trésor Public sur la base du titre émis le 15 février 2016.
Par une ordonnance n° 1902806 du 8 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, sous le n° 21MA02126, M. B..., représenté par Me Leveel, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 8 avril 2021 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 15 février 2016 émis par le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer pour avoir paiement de la somme de 1 800 euros au titre des " droit de terrasse 2016 " ;
3°) d'annuler la notification de la saisie administrative à tiers détenteur entre les mains de la CARSAT Sud-Est en date du 21 mai 2019 ;
4°) d'ordonner la mainlevée de la saisie à tiers détenteur et d'enjoindre à l'administration de procéder au remboursement des sommes encaissées par le Trésor Public sur la base du titre émis le 15 février 2016 ;
5°) de condamner la commune de Saint-Cyr-sur-Mer à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son appel est recevable d'autant plus qu'il a fait une demande d'aide juridictionnelle ;
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait ;
- sa demande est la conséquence de l'illégalité du titre administratif et non d'une contestation de la saisie qui justifierait la saisie du juge de l'exécution ;
- il lui est impossible de connaitre les bases de liquidation et la base juridique de la créance ;
- le titre ne lui a jamais été notifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2021, la commune de Saint-Cyr-sur-Mer, représentée par Me Marchesini, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'ordonnance du tribunal administratif est susceptible d'être annulée pour irrégularité, celle-ci ayant statué sur les conclusions dirigées contre la notification de la saisie à tiers détenteur alors que la juridiction administrative était incompétente pour connaître de telles conclusions.
Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites le 8 mai 2023 par Me Leveel pour M. B..., et communiquées le 9 mai 2023.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ciréfice,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Gonzalez-Lopez représentant la commune de Saint-Cyr-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer a émis un titre de recette " droit de terrasse 2016 ", le 15 février 2016, au titre de l'occupation du domaine public par M. B... pour l'exploitation d'un trampoline autorisée par arrêté du 25 janvier 2016 n° 2016-02-124. Le 21 mai 2019, le Trésor Public a notifié à M. B... une saisie administrative à tiers détenteur pour le recouvrement de la somme de 1 800 euros. M. B..., qui a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, l'annulation de ce titre et de la notification de la saisie administrative à tiers détenteur et, d'autre part, d'ordonner la mainlevée de la saisie à tiers détenteur et d'enjoindre à l'administration de procéder au remboursement des sommes encaissées par le Trésor Public sur la base du titre émis le 15 février 2016, relève appel de l'ordonnance du 8 avril 2021 rejetant sa demande.
Sur les conclusions dirigées contre la notification de la saisie administrative à tiers détenteur :
2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finance rectificative pour 2017 : " [...] / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / [...] / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. [...] ".
3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / [...] / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / [...] / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. ".
4. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.
5. Par suite, s'agissant d'une créance non fiscale des collectivités territoriales, en application des dispositions précitées, seul le juge de l'exécution était compétent pour connaître des conclusions dirigées contre la notification de la saisie à tiers détenteur du 21 mai 2019.
6. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'incompétence soulevée en première instance par la commune de Saint-Cyr-sur-Mer doit être accueillie, s'agissant des conclusions dirigées contre la notification de la saisie à tiers détenteur. Dès lors, il y a lieu d'annuler partiellement l'ordonnance attaquée en date du 8 avril 2021, par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon s'est reconnu compétent pour connaitre des conclusions de la demande du requérant tendant à l'annulation de notification de la saisie à tiers détenteur et, statuant par la voie de l'évocation partielle, de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur les conclusions dirigées contre le titre exécutoire du 15 février 2016 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Cyr-sur-Mer en première instance :
7. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités locales : " (...) L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite... ".
8. En l'espèce, M. B... soutient, sans être contredit par la commune, que le titre exécutoire du 15 février 2016 ne lui a jamais été notifié. En l'espèce, l'existence de la créance de 1 800 euros de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer résultant du titre exécutoire du 15 février 2016 a été révélée par la notification le 21 mai 2019 à M. B... de l'avis à tiers détenteur adressé à la CARSAT Sud-Est. Dès lors, la requête a été enregistrée le 22 juillet 2019 soit dans les deux mois de la réception du premier acte de recouvrement procédant du titre. Par suite, la requête est recevable et la fin de non-recevoir opposée par la commune doit être écartée.
En ce qui concerne la légalité du titre exécutoire :
S'agissant de la régularité du titre exécutoire :
9. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral, sans contraction avec les dépenses. / Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ".
10. Un état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la dette, alors même qu'il serait émis par une personne publique autre que celles pour lesquelles cette obligation est expressément prévue par l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. En application de ce principe, l'administration ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur.
11. Il résulte de l'instruction que le titre contesté émis le 15 février 2016 porte la mention d'un " droit de terrasse 2016 " pour un " trampoline " et un montant total à payer de 3 600 euros. Ces seules mentions sont insuffisantes pour comprendre les bases et éléments de calcul du titre en litige. Si la commune soutient que la créance a été liquidée sur la base d'un arrêté municipal du 25 janvier 2016 qui a été transmis au comptable, il ne résulte pas de l'instruction que ledit arrêté aurait été joint au titre contesté ou aurait préalablement été adressé à M. B.... Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le titre querellé est insuffisamment motivé faute de mentionner les bases tarifaires de la créance et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
S'agissant du bien-fondé de la créance :
12. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.
13. Aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Et aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ".
14. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 25 janvier 2016, produit à l'instance par la commune, M. B... a été autorisé à occuper le domaine public pour l'installation et l'exploitation d'un trampoline sur la plage des Lecques. Il n'est pas sérieusement contesté par le requérant que ledit trampoline a été exploité durant une période de six mois, du 1er janvier au 6 juillet 2016. L'arrêté d'autorisation a ensuite été suspendu en raison d'une plainte déposée contre le requérant du fait de son comportement agressif à l'encontre des agents de police municipale. Suite à cette suspension, le montant du titre initial, soit 3 600 euros, a été ramené à un montant de 1 800 euros pour tenir compte de la période réelle d'exploitation du domaine public. Par suite, et alors qu'aucun des moyens soulevés n'est susceptible de remettre en cause le bien-fondé de la créance, M. B... n'est pas fondé à demander la décharge ni la restitution, à les supposer versées, des sommes mises à sa charge par ledit titre.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 15 février 2016. Le surplus des conclusions de sa requête d'appel doit, en revanche, être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 8 avril 2021 est annulée en tant qu'elle a statué sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de notification de la saisie à tiers détenteur.
Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de notification de la saisie à tiers détenteur du 21 mai 2019 sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Le titre exécutoire du 15 février 2016 est annulé.
Article 4 : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 8 avril 2021 est annulée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Leveel et à la commune de Saint-Cyr-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.
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N° 21MA02126
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