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26/05/2023 | FRANCE | N°21MA02089

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 26 mai 2023, 21MA02089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Sud'Etanch a demandé au tribunal administratif de Bastia à titre principal, d'annuler la décision du 20 novembre 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse lui a infligé une amende administrative d'un montant de 6 000 euros, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende administrative.

Par un jugement n° 2000050 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.
r>Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2021, sous le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Sud'Etanch a demandé au tribunal administratif de Bastia à titre principal, d'annuler la décision du 20 novembre 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse lui a infligé une amende administrative d'un montant de 6 000 euros, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende administrative.

Par un jugement n° 2000050 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2021, sous le n° 21MA02089, la SARL Sud'Etanch, représentée par Me Bernardi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision de sanction du 20 novembre 2019 ou, à titre de subsidiaire, de réduire le montant de l'amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais de procédure en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration ne l'a pas informée de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu et en l'invitant à présenter des observations, en méconnaissance des dispositions des articles L. 8115-5 et R. 8115-2 du code du travail ;

- l'administration n'a pas pris en compte les circonstances et la gravité du manquement, ainsi que son comportement, alors qu'elle a immédiatement fait procéder à la régularisation de la situation, non plus que de ses ressources et de ses charges, alors qu'elle est à jour de ses cotisations fiscales et sociales et qu'elle rencontre d'importantes difficultés de trésorerie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Sud Etanch ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ciréfice,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle réalisé le 1er juillet 2019 sur le chantier de construction " Les jardins de Trabacchina " situé sur le territoire de la commune d'Ajaccio, sur lequel intervenaient deux salariés de l'entreprise Sud'Etanch, l'inspecteur du travail a constaté des manquements à la législation en matière d'hygiène. Par un courrier du 3 juillet 2019, la société a été mise en demeure de régulariser la situation. Le 15 juillet 2019, l'inspecteur du travail a pu constater sur le chantier la mise en conformité des installations sanitaires. Après mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse a prononcé à son encontre, par une décision du 20 novembre 2019, une amende administrative d'un montant de 6 000 euros. La société Sud'Etanch relève appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant, à titre principal, l'annulation de cette décision et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l'amende.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 8115-5 du code du travail : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant (...) ". Selon l'article R. 8115-10 du même code : " (...) lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative sur le fondement des articles L. 4751-1 à L. 4753-2 et L. 8115-1 à L. 8115-8, il invite l'intéressé à présenter ses observations dans un délai d'un mois (...) ". Selon l'article R. 8115-2 du même code : " Lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative, il indique à l'intéressé par l'intermédiaire du représentant de l'employeur mentionné au II de l'article L. 1262-2-1 le montant de l'amende envisagée et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / A l'expiration du délai fixé et au vu des observations éventuelles de l'intéressé, il notifie sa décision et émet le titre de perception correspondant. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées du code du travail, la directrice de la DIRECCTE a, par un courrier du 12 août 2019, reçu le 22 août par la société comme en atteste l'accusé de réception produit par la DIRECCTE en première instance, informé la SARL Sud'Etanch qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une sanction pour manquement à la règlementation applicable en matière de conditions de travail et d'hygiène concernant deux salariés présents en situation de travail lors du contrôle du 1er juillet 2019 et l'a invitée à présenter ses observations, écrites ou orales, dans le délai d'un mois. Ce même courrier précisait par ailleurs le montant maximal encouru, tant par travailleur concerné que le montant total. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du respect du contradictoire doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires (...) ". Selon l'article L. 8115-3 du même code : " Le montant maximal de l'amende est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement (...) ". Aux termes de l'article L. 8115-4 de ce code : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ". Selon l'article R. 4228-1 du même code : " L'employeur met à la disposition des travailleurs les moyens d'assurer leur propreté individuelle, notamment des vestiaires, des lavabos, des cabinets d'aisance et, le cas échéant, des douches ". Selon l'article R. 4228-2 du même code : " Les vestiaires collectifs et les lavabos sont installés dans un local spécial de surface convenable, isolé des locaux de travail et de stockage et placé à proximité du passage des travailleurs. Lorsque les vestiaires et les lavabos sont installés dans des locaux séparés, la communication entre ceux-ci doit pouvoir s'effectuer sans traverser les locaux de travail ou de stockage et sans passer par l'extérieur (...) ". L'article R. 4228-7 du même code prévoit que : " Les lavabos sont à eau potable. L'eau est à température réglable et est distribuée à raison d'un lavabo pour dix travailleurs au plus. Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés sont mis à la disposition des travailleurs. Ils sont entretenus ou changés chaque fois que cela est nécessaire ". Aux termes de l'article R. 4228-11 de ce code : " Les cabinets d'aisance ne peuvent communiquer directement avec les locaux fermés dans lesquels les travailleurs sont appelés à séjourner. Ils sont aménagés de manière à ne dégager aucune odeur. Ils sont équipés de chasse d'eau et pourvus de papier hygiénique. ".

5. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance de la législation en matière d'hygiène, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur.

6. D'une part, la société requérante ne conteste pas la réalité des manquements qui lui sont reprochés, tenant au fait que, lors du contrôle, les cabinets d'aisance n'étaient pas pourvus de papier hygiénique, un local vestiaire n'était pas mis à la disposition des salariés et les lavabos étaient dépourvus de moyens de séchage ou d'essuyage entretenus et changés chaque fois que nécessaire. La circonstance que la situation a été régularisée postérieurement au contrôle est sans incidence sur le bien-fondé de la sanction, la matérialité des faits qui en sont à l'origine s'appréciant à la date du contrôle et non à celle de la décision administrative mettant à la charge de l'employeur l'amende en litige.

7. D'autre part, si la société fait valoir qu'en application de l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières applicable sur le chantier concerné les prestations relatives aux sanitaires, aux vestiaires et au réfectoire étaient à la charge exclusive de l'entreprise attributaire du lot " gros œuvre ", l'existence de telles dispositions ne modifie ni la nature ni l'étendue de la responsabilité de la société Sud'Etanch à l'égard de ses salariés en matière d'hygiène et de sécurité comme le reconnaît d'ailleurs la société dans sa requête, ni ne fait obstacle à ce que soit prononcée à son encontre une amende sur le fondement de l'article L. 8115-1 du même code en cas de manquement constaté à ses obligations.

8. Enfin, il résulte de l'instruction que le montant de l'amende de 24 000 euros, initialement envisagé, soit 4 000 euros par salarié et par manquement, a été ramené par la décision attaquée à 6 000 euros, soit 1 000 euros par salarié et par manquement. Pour demander la réduction de ce montant, la SARL Sud'Etanch soutient que l'administration n'a pas pris en compte les circonstances et la gravité du manquement, le fait que la situation a été régularisée après le contrôle, qu'elle est à jour de ses déclarations et de ses cotisations fiscales et sociales, et enfin, qu'elle rencontre des difficultés de trésorerie. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que l'administration, qui a accepté de diminuer de 18 000 euros le montant de l'amende initialement prévue, a tenu compte de la nature des manquements reprochés et de leur gravité pour fixer, dans la décision attaquée, le montant définitif de l'amende. D'autre part, la société requérante n'établit pas, en se bornant à produire une copie de ses relevés bancaires du mois de novembre 2019, que le paiement de l'amende d'un montant de 6 000 euros fragiliserait sa situation financière. Par suite, les faits reprochés à la société Sud'Etanch étaient de nature à justifier une amende d'un montant de 6 000 euros et le moyen tiré de ce que le montant de l'amende serait disproportionné doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions à fin de réduction de l'amende infligée :

9. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 6 à 8, il n'y a pas lieu de réduire le montant de l'amende infligée. Par suite, les conclusions à fin de réduction de l'amende en litige doivent également être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que la SARL Sud'Etanch demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Sud'Etanch est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sud'Etanch et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Corse.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.

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N° 21MA02089

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02089
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-03 Travail et emploi. - Conditions de travail. - Hygiène et sécurité.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : FIDUCIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-26;21ma02089 ?
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