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25/05/2023 | FRANCE | N°22MA02575

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 25 mai 2023, 22MA02575


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel la préfète des Hautes-Alpes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2203403 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

M

me C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 janvie...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel la préfète des Hautes-Alpes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2203403 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel la préfète des Hautes-Alpes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2203404 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 11 octobre 2022 sous le n° 22MA02575, le préfet des Hautes-Alpes demande à la cour d'annuler le jugement n° 2203404 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille.

Il soutient qu'il n'a pas méconnu son pouvoir discrétionnaire en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bruggiamosca, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté contesté, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Hautes-Alpes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à venir, ou, subsidiairement, d'enjoindre à cette autorité de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de cette notification et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jours de retard, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour en litige a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du même code ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne respecte pas le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 14 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que de l'article L. 122-2 du code de l'éducation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette mesure d'éloignement a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne respecte pas le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 33 de la convention de Genève ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2022.

II. Par une requête enregistrée le 11 octobre 2022 sous le n° 22MA02576, le préfet des Hautes-Alpes demande à la cour d'annuler le jugement n° 2203403 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille.

Il soutient qu'il n'a pas méconnu son pouvoir discrétionnaire en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité.

Par des mémoires en défense enregistrés le 10 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Bruggiamosca, doit être regardé comme concluant au rejet de la requête et comme demandant que soit mis à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2022.

III. Par une requête enregistrée le 11 octobre 2022 sous le n° 22MA02577, le préfet des Hautes-Alpes demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2203404 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille.

Il soutient que le moyen, visé ci-dessus, invoqué dans sa requête au fond présente un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bruggiamosca, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les conditions du sursis à exécution ne sont pas remplies.

IV. Par une requête enregistrée le 11 octobre 2022 sous le n° 22MA02578, le préfet des Hautes-Alpes demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2203403 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille.

Il soutient que le moyen, visé ci-dessus, invoqué dans sa requête au fond présente un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Bruggiamosca, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les conditions du sursis à exécution ne sont pas remplies.

Par un mémoire, enregistré le 28 mars 2023 dans chaque instance, M. B... et Mme A... persistent dans leurs écritures.

Ils soutiennent que M. B... s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 mars 2023.

Par lettres du 29 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'existence d'un non-lieu à statuer.

Le préfet des Hautes-Alpes a produit, le 4 avril 2023, en réponse à cette information, des pièces qui ont été communiquées le 14 avril suivant.

Des observations ont été présentées par M. B... et Mme A... le 11 avril 2023 en réponse à cette information et ont été communiquées le 14 avril suivant.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mouret a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme A..., ressortissants éthiopiens nés respectivement en 1975 et en 1978, ont sollicité, le 10 août 2021, leur admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par des arrêtés du 10 janvier 2022, la préfète des Hautes-Alpes a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, leur a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés. Par des jugements du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille, faisant droit aux demandes des intéressés, a annulé ces deux arrêtés, a enjoint au préfet des Hautes-Alpes de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat, dans chaque instance, une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. B... et de Mme A.... Par ses requêtes visées ci-dessus, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un même arrêt, le préfet des Hautes-Alpes demande à la cour d'annuler ces deux jugements et d'en prononcer le sursis à exécution.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire en application du présent livre se voit délivrer un titre de séjour dans les conditions et selon les modalités prévues au chapitre IV du titre II du livre IV ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 mars 2023. Le préfet des Hautes-Alpes lui a remis, le 3 avril suivant, un document provisoire de séjour dans l'attente de l'attribution d'un titre de séjour à l'intéressé. Dans ces conditions, les conclusions de la requête du préfet des Hautes-Alpes tendant à l'annulation du jugement n° 2203403 du 20 septembre 2022, par lequel le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2022 pris à son encontre, sont devenues sans objet.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré régulièrement en France le 4 mars 2014, que son épouse, Mme A..., l'y a rejoint le 17 novembre 2015 avec leurs deux premiers enfants nés en 2007 et 2009 et qu'un troisième enfant issu de leur union est né sur le territoire français au cours de l'année 2017. Mme A... séjournait ainsi en France, avec son époux et leurs enfants, depuis plus de six ans à la date de l'arrêté contesté pris à son encontre. Par ailleurs, M. B... s'est vu reconnaître la qualité de réfugié dans les conditions rappelées au point 3. Dans ces circonstances, et compte tenu en particulier du caractère recognitif de la reconnaissance de la qualité de réfugié à l'époux de Mme A..., qui fait obstacle au retour de celui-ci dans son pays d'origine, l'admission au séjour de la requérante doit être regardée comme répondant à des considérations humanitaires et en outre comme se justifiant au regard de motifs exceptionnels. Dès lors, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent. Il suit de là que le préfet des Hautes-Alpes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2203404 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que des autres décisions contenues dans l'arrêté du 10 janvier 2022 concernant Mme A..., lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à cette dernière et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme au conseil de l'intéressée au titre des frais d'instance. Eu égard à ce qui précède, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.

6. En troisième et dernier lieu, le présent arrêt statuant sur les requêtes du préfet des Hautes-Alpes tendant à l'annulation des jugements du tribunal administratif de Marseille du 20 septembre 2022, il n'y a plus lieu de statuer sur les requêtes visées ci-dessus tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ces deux jugements.

7. Mme A... et M. B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle respectivement dans les instances nos 22MA02575 et 22MA02576. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Bruggiamosca renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate de la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes nos 22MA02576, 22MA02577 et 22MA02578.

Article 2 : La requête n° 22MA02575 est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bruggiamosca la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. D... B... et Mme C... A... ainsi qu'à Me Bruggiamosca.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

2

Nos 22MA02575, 22MA02576, 22MA02577, 22MA02578

nb


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BRUGGIAMOSCA;BRUGGIAMOSCA;BRUGGIAMOSCA;BRUGGIAMOSCA;BRUGGIAMOSCA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 25/05/2023
Date de l'import : 04/06/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22MA02575
Numéro NOR : CETATEXT000047625099 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-25;22ma02575 ?
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