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25/05/2023 | FRANCE | N°21MA02047

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 25 mai 2023, 21MA02047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... G..., Mme A... G..., Mme C... G... et Mme B... G... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 août 2017 par lequel le maire de Savines-le-Lac a délivré un permis de construire à M. E..., ainsi que la décision portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1710103 du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 mai 2021 et le

30 mars 2022, les consorts G..., représentés par Me Andréani, demandent à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... G..., Mme A... G..., Mme C... G... et Mme B... G... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 août 2017 par lequel le maire de Savines-le-Lac a délivré un permis de construire à M. E..., ainsi que la décision portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1710103 du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 mai 2021 et le 30 mars 2022, les consorts G..., représentés par Me Andréani, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Savines-le-Lac du 2 août 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Savines-le-Lac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne respecte pas les exigences de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le permis litigieux est dépourvu de base légale dès lors que le plan local d'urbanisme est incompatible avec les dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme et que le projet est de nature à porter atteinte à deux sites et paysages remarquables ;

- le projet litigieux ne respecte pas l'article R. 121-5 du code de l'urbanisme et le dossier de demande de permis ne comporte pas la notice prévue par le h) de l'article R. 431-16 du même code ;

- le projet litigieux méconnaît l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le plan local d'urbanisme est incompatible avec l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en tant qu'il classe le terrain d'assiette du projet en zone 2AU ; le permis litigieux méconnaît les dispositions antérieurement applicables de l'article 1NA 14 du règlement du plan d'occupation des sols.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2022, ainsi qu'un mémoire, non communiqué, enregistré le 15 février 2023, la commune de Savines-le-Lac, représentée par Me Neveu, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des consorts G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les consorts G... ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- les moyens invoqués par les consorts G... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. F... E... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mouret,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me Andréani, représentant les consorts G..., et celles de Me Alzieu-Biagini, représentant la commune de Savines-le-Lac.

Une note en délibéré, enregistrée le 28 avril 2023, a été présentée pour les consorts G....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a déposé, le 12 juillet 2017, une demande de permis de construire en vue de l'édification d'un bâtiment destiné à l'hébergement de chiens sur un terrain situé au lieu-dit " H... " sur le territoire de la commune de Savines-le-Lac (Hautes-Alpes). Par un arrêté du 2 août 2017, le maire de Savines-le-Lac a délivré le permis de construire ainsi sollicité. Les consorts G... relèvent appel du jugement du 22 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis de construire ainsi que de la décision rejetant leur recours gracieux. Ils demandent à la cour d'annuler uniquement l'arrêté du 2 août 2017.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Savines-le-Lac à la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que la propriété bâtie des consorts G... est située à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet. Les requérants, qui sont voisins immédiats du projet de M. E... et évoquent les nuisances sonores, olfactives et visuelles liées à l'édification du bâtiment, destiné à l'hébergement de chiens, autorisé par le permis de construire en litige, font valoir que le projet en cause est susceptible d'affecter les conditions de jouissance de leur bien. Les consorts G... justifiant ainsi d'un intérêt à agir contre ce permis de construire, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Savines-le-Lac à leur demande de première instance doit être écartée.

Sur la légalité du permis de construire en litige :

5. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ".

6. D'une part, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dont elles sont issues, que le plan local d'urbanisme d'une commune littorale peut prévoir l'extension de l'urbanisation soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, soit en délimitant une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement. Toutefois, l'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d'assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée en continuité avec les agglomérations et villages existants, et ce alors même que le plan local d'urbanisme aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette. Par ailleurs, le respect du principe de continuité posé par ces dispositions s'apprécie en resituant le terrain d'assiette du projet dans l'ensemble de son environnement, sans s'en tenir aux constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain.

7. D'autre part, si, en adoptant les dispositions citées au point 5, le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée dans les communes du littoral, le simple agrandissement d'une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions.

8. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, qui supporte une construction et est inclus dans le périmètre d'un lotissement autorisé, s'inscrit dans une zone d'urbanisation diffuse caractérisée par la présence d'un faible nombre de constructions. Le bâtiment projeté, qui doit être édifié à une vingtaine de mètres au sud de la maison d'habitation du pétitionnaire et présente une emprise au sol d'un peu plus de 43 mètres carrés selon les indications figurant dans la notice descriptive, ne saurait être regardé comme portant sur le simple agrandissement de cette construction existante. Dans ces conditions, le projet litigieux, qui n'est pas situé dans la continuité d'une agglomération ou d'un village existant et qui ne s'inscrit pas davantage dans un hameau nouveau intégré à l'environnement, entraîne une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, en délivrant le permis de construire en litige, le maire de Savines-le-Lac a fait une inexacte application de ces dispositions.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que les consorts G... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du maire de Savines-le-Lac du 2 août 2017.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des consorts G... qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Savines-le-Lac une somme globale de 2 000 euros à verser aux consorts G... sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Savines-le-Lac du 2 août 2017 est annulé.

Article 3 : La commune de Savines-le-Lac versera une somme globale de 2 000 euros aux consorts G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, à la commune de Savines-le-Lac et à M. F... E....

Copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Gap.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

2

N° 21MA02047

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02047
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Dispositions législatives du code de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL APAetC "AFFAIRES PUBLIQUES - AVOCATS et CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-25;21ma02047 ?
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