Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Marseille a refusé de retirer sa décision implicite de non-opposition à la déclaration préalable de travaux présentée par Mme C... B... le 25 avril 2013 et complétée le 17 mai 2013.
Par un jugement n° 1803928 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision implicite et enjoint au maire de Marseille de retirer sa décision de non-opposition aux travaux déclarés par Mme B... le 25 avril 2013 et de s'opposer à ces travaux dans le délai d'un mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 avril 2021, le 20 avril 2022 et le 25 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Catsicalis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 février 2021 ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car il est insuffisamment motivé ;
- la demande de Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille était tardive dès lors que la décision annulée est une décision purement confirmative de la décision de non-opposition à déclaration préalable du 24 juin 2013, nonobstant la fraude alléguée ;
- l'intérêt pour agir de Mme D... n'est pas démontré ;
- il n'est pas établi que la requérante aurait procédé à des manœuvres frauduleuses ;
- la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense enregistrés le 13 septembre 2021 et le 13 mai 2022, Mme D..., représentée par Me Bouty-Duparc, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Victoria, représentant Mme B..., et de Me Bouty, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a déposé une déclaration préalable pour des travaux d'extension d'une construction existante sur un terrain cadastré B n° 69 et 71, situé 3, traverse des Néréïdes, reçue le 25 avril 2013 et complétée le 17 mai 2013. Par lettre reçue le 23 janvier 2018, Mme D..., propriétaire de l'appartement situé au-dessus de celui de Mme B..., a demandé au maire de Marseille de retirer sa décision implicite de non-opposition à cette déclaration préalable, attestée par un certificat de non-opposition du 24 juin 2013.
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire, à l'exception : / a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8-2 qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme ; b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ". Aux termes de l'article R. 421-17 du même code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R*421-14 à *R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : (...) f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d'une emprise au sol, soit d'une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants : / -une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; / -une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés. / Ces seuils sont portés à quarante mètres carrés pour les projets situés en zone urbaine d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, à l'exclusion de ceux impliquant la création d'au moins vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol lorsque cette création conduit au dépassement de l'un des seuils fixés à l'article R. 431-2 du présent code. ". La rubrique terminologique du plan d'occupation des sols de Marseille alors en vigueur définit l'extension comme " toute augmentation de la surface hors œuvre nette existante jusqu'à concurrence de 100 %, néanmoins sans excéder 250 m² supplémentaires et sans création d'un bâtiment supplémentaire ; au-delà de l'une de ces normes il s'agit de construction neuve (ou nouvelle) ".
3. Si, ainsi que le prévoit désormais l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration, la circonstance qu'un acte administratif a été obtenu par fraude permet à l'autorité administrative compétente de l'abroger ou de le retirer à tout moment, elle ne saurait, en revanche, proroger le délai du recours contentieux contre cette décision. Toutefois, un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de vérifier la réalité de la fraude alléguée à la date de la décision puis, en cas de fraude, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est propriétaire d'un appartement d'une surface de plancher de 64 m², situé au rez-de-chaussée d'un immeuble construit sur la parcelle cadastrée B n° 71, classée en secteur UA du plan d'occupation des sols alors en vigueur, cet appartement constituant le lot n° 1 de la copropriété. Elle a la jouissance exclusive d'une partie de la cour adjacente, aménagée sur la parcelle cadastrée B n° 69, sur laquelle elle établit qu'étaient érigés, à la date de la déclaration préalable de travaux litigieuse, face à l'appartement, d'une part, en limite ouest de cette parcelle, un bâtiment présenté comme un " cabanon " d'une surface de plancher de 20 m² environ, prolongé par une terrasse couverte le long de cette limite, d'autre part, en limite est de cette parcelle, un édicule à usage de laverie, joignant l'appartement et ce bâtiment. La déclaration préalable de travaux déposée par Mme B... porte sur la " démolition de la terrasse couverte située sur la parcelle 71 et mitoyenne avec la parcelle 106 " et " l'extension d'un bâti projeté sur le même emplacement mitoyen avec les parcelles 106 et 11 ". La déclaration mentionne une surface de plancher existante de 97 m² et une surface de plancher créée de 30 m². Ainsi que les écritures de Mme B... le confirment, celle-ci a présenté donc le projet comme une extension à la fois de son appartement et des bâtiments adjacents construits dans la cour de l'intégralité, des travaux étant aussi prévus sur le " cabanon ". Les plans annexés à la déclaration ne dissimulent aucunement l'absence de communication entre ces différentes constructions. Comme il vient d'être relevé, il résulte des attestations et des photographies produites en appel que les deux bâtiments construits dans la cour existaient à la date de dépôt de la déclaration, tels que représentés sur les plans en ce qui concerne notamment leur emprise et les autres caractéristiques. Il résulte en revanche, du plan cadastral et du plan annexé à l'état descriptif de division que ces mêmes bâtiments sont issus de l'extension ou de la transformation substantielles de constructions ou d'installations préexistantes qui n'ont été autorisées ni par un permis de construire, ni par le dépôt d'une déclaration préalable de travaux. Néanmoins, la déclaration préalable déposée par Mme B... ne comportait pas d'informations inexactes et était complètement renseignée. Les seules circonstances que l'intéressée ne justifiait pas de la date de construction des bâtiments construits dans la cour et qu'elle n'établissait pas que ces derniers avaient été légalement autorisés ne révèlent pas qu'elle aurait eu l'intention de tromper l'administration en présentant le projet comme une extension, à hauteur de 30 m², de l'intégralité du bâti existant sur les parcelles n° 71 et 69, soumise à déclaration préalable par les dispositions de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, et non comme l'extension du " cabanon " d'une surface de 20 m² irrégulièrement édifié, assimilable à une construction nouvelle entrant dans le champ de l'obligation de permis de construire en vertu de l'article R. 421-1 du même code. Par suite, la décision implicite de non-opposition à la déclaration préalable de travaux présentée par Mme B... le 25 avril 2013 n'ayant pas été obtenue par fraude, le maire de Marseille était tenu de rejeter la demande présentée par Mme D... tendant à son retrait.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, notamment ceux relatifs à la régularité du jugement, ni de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision implicite par laquelle le maire de Marseille a refusé de retirer sa décision implicite de non-opposition à la déclaration préalable de travaux présentée par Mme B... et enjoint au maire de Marseille de retirer sa décision de non-opposition aux travaux déclarés par Mme B... le 25 avril 2013 et de s'opposer à ces travaux dans le délai d'un mois.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros au titre des frais de cette nature exposés par Mme B....
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 février 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Mme D... versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Mme A... D....
Copie en sera transmise à la commune de Marseille.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2023, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
N° 21MA01562 2