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23/05/2023 | FRANCE | N°22MA01273

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 23 mai 2023, 22MA01273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2108377 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregi

strée le 3 mai 2022, M. A..., représenté par Me Carmier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2108377 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2022, M. A..., représenté par Me Carmier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- sa requête d'appel qui a été enregistrée dans les délais alors qu'il a formé une demande d'aide juridictionnelle est recevable ;

- les décisions attaquées sont entachées d'illégalité externe, à défaut de justification d'une délégation régulière de leur signataire ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure d'éloignement est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement.

Un courrier du 17 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 21 avril 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- et les observations de Me Carmier, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 14 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 4 mars 2020 M. A..., ressortissant marocain, pour un changement de son statut d'étudiant en salarié, sur le fondement de l'article L.421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du17 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doit être écarté, par adoption des motifs retenus au point 2 du jugement du tribunal qui n'appelle pas de précisions en appel.

3. Le préfet a refusé d'admettre au séjour l'intéressé en se fondant sur l'absence d'autorisation de travail, au surplus sur le fait qu'il avait été condamné le 10 avril 2015 par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence à neuf mois d'emprisonnement avec sursis pour tentative de vol aggravé par deux circonstances et vol aggravé par deux circonstances et enfin au motif qu'il était célibataire et sans enfant et n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine.

4. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que: " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''... ". Et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Enfin selon l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire [...] peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

5. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 423-23 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 18 juillet 1995, est venu en France pour se faire soigner au cours de l'année 2005, puis y a séjourné à compter du 23 août 2009 avec ses parents, sa sœur née en 1998, et son frère né en 2001, sous couvert d'un titre de séjour spécial en qualité de membre de famille d'un agent administratif du consulat général du Maroc à Montpellier, son père. Alors que ses parents et leur quatrième enfant, né à Marseille le 8 décembre 2019, ont regagné le Maroc pour des raisons professionnelles en novembre 2016, il est resté sur le territoire français avec sa sœur et son frère et s'est vu délivrer des autorisations de séjour successives en qualité d'" étudiant " valables du 21 mars 2017 au 5 mars 2020. Il a toutefois abandonné ses études, et conclu un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel le 24 mai 2017 en qualité de vendeur, contrat qui, par avenant, a été porté à temps plein à compter du 1er février 2018. Cependant, ces circonstances et le fait qu'il soit impliqué à titre bénévole dans un club de boxe à Marseille ne suffisent pas à démontrer que le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de le régulariser pour son activité salariée, alors notamment qu'ainsi que l'ont à bon droit relevé les premiers juges, il ne justifie pas d'un diplôme ou d'une qualification particulière pour cet emploi et que le titre de séjour portant la mention étudiant dont il bénéficiait ne lui permettait pas d'occuper ce poste dans les conditions prévues par la législation du travail sur la période considérée.

7. Par ailleurs, ni le fait qu'il soit présent en France depuis 2009 alors qu'il était mineur et qu'il y a été scolarisé depuis la classe de 4ème, ni la présence sur le territoire français de sa sœur et de l'un de ses frères, en séjour régulier ne sont suffisants pour démontrer qu'en refusant de le régulariser au titre de sa vie privée et familiale, le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation alors qu'il est constant que son frère et sa sœur disposent seulement de titres de séjour temporaires portant la mention " étudiant ", ne leur donnant pas vocation à demeurer sur le territoire national à l'issue de leurs études, et que le requérant, célibataire et sans enfant à la date de la décision attaquée, n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc où sont repartis ses parents et son plus jeune frère en novembre 2016.

8. Enfin, si M. A... soutient que la condamnation pénale dont il a fait l'objet est ancienne, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas retenu ce motif surabondant.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour doivent être rejetées.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

10. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les conclusions en annulation du titre de séjour étant rejetées, les conclusions du requérant tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

11. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écarté, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7.

12. Par suite, les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement doivent également être rejetées.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

13. Ainsi qu'il a été dit aux points 9 et 12, les conclusions en annulation du refus de séjour et de la mesure d'éloignement sont rejetées. Les conclusions du requérant tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Carmier.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2023.

N° 22MA0127302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01273
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-23;22ma01273 ?
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