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22/05/2023 | FRANCE | N°23MA00326

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 22 mai 2023, 23MA00326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Raffalli Travaux Publics et la société par actions simplifiée à associé unique Razel-Bec ont demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, de les décharger de la somme de 141 131,75 euros mise à leur charge par un titre de recette n° 10 émis le 11 juillet 2020 par le maire d'Ajaccio au titre du solde débiteur d'un marché public de travaux et, d'autre part, de condamner la commune d'Ajaccio à leur payer la somme de 701 090,10 euros toutes taxes compris

es, outre les intérêts moratoires et leur capitalisation, en règlement du solde ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Raffalli Travaux Publics et la société par actions simplifiée à associé unique Razel-Bec ont demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, de les décharger de la somme de 141 131,75 euros mise à leur charge par un titre de recette n° 10 émis le 11 juillet 2020 par le maire d'Ajaccio au titre du solde débiteur d'un marché public de travaux et, d'autre part, de condamner la commune d'Ajaccio à leur payer la somme de 701 090,10 euros toutes taxes comprises, outre les intérêts moratoires et leur capitalisation, en règlement du solde de ce même marché public, ainsi qu'une somme de 40 euros au titre du retard dans le paiement du solde du marché.

Par un jugement nos 2001073 et 2001439 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a annulé le titre de recette du 11 juillet 2020, et rejeté le surplus des demandes dont il était saisi.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2023, la société Raffalli Travaux Publics et la société Razel-Bec, représentées par Me Vignon, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement, qui rejette le surplus de leurs demandes ;

2°) à titre principal, de faire intégralement droit à leurs demandes de première instance et de condamner la commune à leur payer la somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés en première instance ;

3°) à titre subsidiaire, de " faire les comptes entre les parties " et de faire droit à ces mêmes demandes ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio deux sommes de 5 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés en appel.

Elles soutiennent que :

- elles reprennent tous leurs moyens présentés en première instance ;

- en requalifiant son projet de décompte général en projet de décompte final, le tribunal administratif a statué ultra petita ;

- la réception doit être regardée comme ayant été prononcée avec réserves, et non sous réserve ;

- le projet de décompte final qu'elles ont adressé au maître de l'ouvrage et au maître d'œuvre le 3 mai 2019 n'était pas prématuré ou, à supposer qu'il le fût, a été régularisé par la commune intention des parties ;

- elles peuvent donc réclamer le solde du décompte général tacite ;

- à défaut, le décompte général notifié par la commune d'Ajaccio le 20 mai 2020 n'est pas devenu définitif ;

- les parties ont renoncé à la procédure contradictoire prévue par les documents contractuels ;

- le projet de décompte général notifié le 10 mars 2020 ne pouvant être regardé comme un projet de décompte final, le décompte général n'était pas en état d'être régulièrement établi ;

- elles sont fondées dans leurs réclamations pécuniaires ;

- elles doivent être déchargées des sommes mises à leur charge par le titre de recettes ;

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il annule le titre exécutoire émis à leur encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2023, la commune d'Ajaccio, représentée par la SELARL Parme Avocats, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des sociétés Razel-Bec et Raffalli Travaux Publics au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Taieb substituant Me Mariet, pour les sociétés appelantes, et celles de Me Berlioz, pour la commune d'Ajaccio.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat du 28 juillet 2016, la commune d'Ajaccio (Corse-du-Sud) a confié à un groupement solidaire composé de la société Razel-Bec, mandataire, et de la société Raffalli Travaux Publics, le lot n° 1, relatif aux travaux de voirie et réseaux divers, de la première tranche d'un marché public de travaux ayant pour objet la requalification urbaine du quartier dit des Salines à Ajaccio. Le 10 mai 2019, la société Razel-Bec a adressé au pouvoir adjudicateur son projet de décompte final, faisant apparaître un solde positif de 399 314,31 euros toutes taxes comprises. Par un courrier du 28 avril 2020, la commune d'Ajaccio a transmis à la société Razel-Bec le décompte général du marché, faisant apparaître, après imputation de pénalités de retard d'un montant de 225 445,06 euros, un solde négatif de 141 131,75 euros toutes taxes comprises. Le 11 juillet 2020, le maire d'Ajaccio a émis un titre de recette n° 10 mettant à la charge du groupement la somme de 141 131,75 euros. Les sociétés Raffalli Travaux Publics et Razel-Bec ont alors saisi le tribunal administratif de Bastia d'une opposition à ce titre, d'une demande tendant à la condamnation de la commune à leur payer la somme de 701 090,10 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché, ainsi que les intérêts moratoires sur cette somme, ces intérêts étant capitalisés, et la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif, joignant ces deux demandes, a annulé le titre de recette pour absence d'indication des bases de liquidation, mais rejeté le surplus des demandes des membres du groupement, au motif que le décompte général du marché était devenu définitif. Les sociétés Raffalli Travaux Publics et Razel-Bec font appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de leurs demandes.

1. Sur la régularité du jugement :

2. En regardant le projet de décompte adressé par le groupement comme un projet de décompte final, alors que celui-ci présentait ce projet comme un projet de décompte général, les premiers juges se sont bornés à donner à cet acte la qualification qui leur semblait justifiée, sans statuer sur des conclusions. Si leur appréciation est susceptible d'être discutée au stade de l'examen du bien-fondé du jugement, ils ne peuvent donc encourir le grief d'avoir statué ultra petita.

2. Sur le bien-fondé du jugement :

2.1. En ce qui concerne l'existence d'un décompte général tacite :

3. Les sociétés soutiennent que le projet de décompte général ultérieurement adressé au maître de l'ouvrage le 10 mars 2020 est devenu le décompte général tacite du marché à l'expiration du délai de dix jours prévu par l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales du marché, qui prévoit que " si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif ". Les premiers juges ont refusé d'admettre la naissance d'un tel décompte général tacite, en estimant qu'il n'avait pas été précédé d'un projet de décompte final, seul à même de permettre l'établissement du décompte général, compte tenu du caractère prématuré du projet de décompte final notifié le 3 mai 2019. Les sociétés appelantes contestent ces deux points.

2.1.1. S'agissant du caractère prématuré du projet de décompte final notifié au maître de l'ouvrage le 3 mai 2019 :

4. Les sociétés appelantes soutiennent que c'est à tort que la réception des travaux a été prononcée " sous réserve " de la réalisation d'épreuves et de parties d'ouvrage non exécutées, et non simplement " avec réserves " de la reprise d'imperfections affectant les travaux. Elles en déduisent que le projet de décompte final adressé par leurs soins le 3 mai 2019, avant la levée des réserves intervenue le 30 janvier 2020, n'était pas prématuré et que le projet de décompte général ultérieurement adressé, le 10 mars 2020, est devenu le décompte général tacite du marché.

5. Aux termes du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans son édition de 2009, qui figure au nombre des pièces contractuelles : " 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. (...) 41.5. S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître de l'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévue à l'article 41.2. / 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1 ".

6. Il résulte de la combinaison de ces stipulations que, dans le cas où la réception est prononcée, non pas " avec réserves " tenant aux imperfections ou malfaçons affectant les travaux, mais " sous réserve " de l'exécution de certaines prestations non réalisées, le projet de décompte final ne peut être présenté avant l'intervention du procès-verbal constatant l'exécution des travaux.

7. En l'espèce, il ressort de la décision de réception des travaux du marché que le maître de l'ouvrage n'a prononcé la réception que sous réserve de l'exécution d'épreuves, de travaux et de prestations figurant sur les annexes nos 1 et 2. L'annexe 1 à cette décision précise, au titre des épreuves à fournir : " [les] [dossiers des ouvrages exécutés] complets, [les] essais [des réseaux d'alimentation en eau potable] sur tout le réseau posé, [les] essais sur les poteaux incendie, [le fichier au format] DGN validé sur le réseau gaz, [le] passage caméra [sur l']ensemble du réseau pluvial, [et la] planéité des enrobés drainants ". Au titre des " ouvrages non exécutés ", l'annexe 2 à cette décision mentionne, en premier lieu, des éléments de mobilier urbain manquants, en l'espèce un " banc bloc béton en pierre polie ", une " borne béton sur la place des Salines ", un " porte-vélos ", en deuxième lieu, des éléments de signalisation manquants, en l'espèce la " finition de la pose des potelets (principalement les potelets à boule blanche) ", les " potelets à mémoire de forme ", le " poteau d'arrêt de bus ", " les panneaux de signalétiques sur le carrefour du Maréchal Juin, et un sur Candia ", les " panneaux type A, AB, C, M3... ", les " bandes podotactiles " et la " bande d'éveil à la vigilance " et, en troisième lieu, les " dalles PAV ".

8. Comme l'ont estimé les premiers juges, l'absence d'éléments de mobilier urbain et d'éléments de signalisation ne peut être regardé comme de simples " imperfections " mais correspond à des " prestations non exécutées " au sens des stipulations précitées de l'article 41.5. Si le groupement " conteste la matérialité même de certaines réserves ", il se borne, s'agissant des ouvrages non exécutés, à soutenir que les réserves " sont particulièrement vagues et imprécises ", sans contester formellement l'absence de réalisation des éléments mentionnés. La circonstance que ces éléments avaient un caractère limité et que leur absence n'affectait pas le bon fonctionnement de l'ouvrage qui a été inauguré et ouvert à la circulation, n'est pas de nature à justifier la requalification de la réception, qui a à bon droit été prononcée sous réserve. La circonstance que le maître d'œuvre avait, par courrier en date du 16 avril 2019, mis en demeure le mandataire du groupement de lui transmettre son projet de décompte final, en mentionnant une " réception prononcée avec réserve ", est sans incidence sur ce raisonnement.

2.1.2. S'agissant de la régularisation du projet de décompte final par le maître de l'ouvrage :

9. Les sociétés appelantes soutiennent qu'à supposer même que la réception des travaux ait été prononcée à bon droit sous réserve de l'exécution de certaines prestations, le maître de l'ouvrage doit, par son inaction, être regardé comme ayant régularisé son projet de décompte final, qui ne peut dès lors être regardé comme prématuré.

10. Toutefois, l'instruction ne permet pas d'établir que le maître de l'ouvrage aurait eu l'intention de renoncer au bénéfice des stipulations contractuelles prévoyant que le projet de décompte final ne peut être adressé qu'après l'achèvement des travaux, cette volonté ne pouvant se déduire de l'absence de réaction à la notification du projet de décompte final et à la mise en demeure qui l'avait précédée.

11. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, le projet de décompte final qu'elles avaient adressé au maître de l'ouvrage et au maître d'œuvre le 3 mai 2019 était bien, comme l'ont estimé les premiers juges, prématuré. La circonstance que le maître de l'ouvrage se soit abstenu d'indiquer à la société ce caractère prématuré, ou de le mettre ultérieurement en demeure d'établir le projet de décompte final au moment de la levée des réserves en janvier 2020, est sans incidence sur cette analyse. Les sociétés appelantes ne sont donc, en tout état de cause, pas fondées à se prévaloir de la naissance d'un décompte général tacite.

2.2. En ce qui concerne le caractère définitif du décompte notifié le 20 mai 2020 :

2.2.1. S'agissant du cadre juridique :

12. Aux termes du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans son édition de 2009, qui figure au nombre des pièces contractuelles : " 3.1. 13.4.3. Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer (...) 13.4.5 Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur dans le délai de trente jours fixé à l'article 13.4.3, ou encore dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l'article 50.1.1, le décompte général notifié par le représentant du pouvoir adjudicateur est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché. ".

13. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance susvisée du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois (...) ".

14. Il résulte des termes mêmes de l'ordonnance du 25 mars 2020 que celle-ci s'applique exclusivement aux formalités prescrites par la loi ou le règlement. Elle ne peut donc être utilement invoquée pour échapper à une forclusion stipulée par le cahier des clauses administratives générales, qui est un document de nature contractuelle et non réglementaire.

2.2.2. S'agissant de la régularité du décompte général :

15. Aux termes du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans son édition de 2009 : " 13.3.4. En cas de retard dans la transmission du projet de décompte final et après mise en demeure restée sans effet, le maître d'œuvre établit d'office le décompte final aux frais du titulaire. Ce décompte final est alors notifié au titulaire avec le décompte général tel que défini à l'article 13.4 (...) 13.4.4. Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé, composé : - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. (...) ".

16. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, rien ne s'opposait à l'établissement du décompte général par le maître de l'ouvrage. En effet, si le groupement avait à tort adressé à ce dernier un " projet de décompte général " sur le fondement de l'article 13.4, ainsi qu'il a été dit, ce dernier ne pouvait intervenir en l'absence d'envoi préalable d'un projet de décompte final régulier. Dès lors que le projet de décompte général reçu par la commune comportait, notamment, le projet de décompte final de l'entreprise, la commune n'avait pas l'obligation, avant d'établir le décompte général, de mettre la société en demeure de lui transmettre son projet de décompte final comme le prévoit l'article 13.3.4 mais pouvait directement, sur la base de ce projet de décompte final, établir le décompte général du marché. Le décompte général n'est donc pas irrégulier.

17. En outre, compte tenu de ce qui précède, la procédure contradictoire d'établissement du décompte pouvait bien être suivie. Les sociétés appelantes ne peuvent donc se prévaloir d'un droit à saisir directement le juge administratif.

2.2.3. S'agissant de la date de notification du mémoire de réclamation :

18. Il résulte de l'instruction que la commune d'Ajaccio a notifié le décompte général du marché à la société Razel-Bec, mandataire, le 20 mai 2020. Cette société devait donc, en application des stipulations précitées de l'article 13.4.3 du cahier des clauses administratives générales, faire connaître les motifs pour lesquels elle refusait de signer le décompte général dans un délai de trente jours compté à partir de cette date, soit jusqu'au 19 juin 2020.

19. D'une part, si la société Razel-Bec a, parallèlement à son envoi postal recommandé, adressé son courrier en pièce jointe d'un courrier électronique adressé le 16 juin 2020 à 11 h 23 à deux agents de la commune d'Ajaccio, avec copie au maître d'œuvre, ce courriel constituait non pas une notification " au représentant du pouvoir adjudicateur " qui, au terme de l'acte d'engagement, était son maire, M. A..., mais un courriel envoyé à titre d'information aux responsables des services communaux chargés du suivi opérationnel du chantier.

20. D'autre part, si la société justifie de la notification de son mémoire de réclamation au pouvoir adjudicateur le 22 juin 2020, elle n'établit pas lui avoir envoyé ce mémoire avant le 20 juin 2020, la seule mention figurant dans le courriel du 16 juin 2020 d'un envoi " ce jour " ne suffisant pas à en apporter la preuve.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Raffalli Travaux Publics et Razel-Bec ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs demandes, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3. Sur les frais liés au litige :

22. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune d'Ajaccio au titre des frais exposés par les sociétés et non compris dans les dépens en appel. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge des sociétés appelantes à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Raffalli Travaux Publics et Razel-Bec est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Ajaccio tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Raffalli Travaux Publics et Razel-Bec et à la commune d'Ajaccio.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mai 2023.

N° 23MA00326 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00326
Date de la décision : 22/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif - Effets du caractère définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-22;23ma00326 ?
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