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22/05/2023 | FRANCE | N°21MA03852

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 22 mai 2023, 21MA03852


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Corinthe Ingénierie, la société par actions simplifiée Agence Guillermin et la société à responsabilité limitée TransMobilités ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Cavalaire-sur-Mer à leur verser la somme de 782 535 euros hors taxes, soit 932 305 euros toutes taxes comprises, à parfaire, à titre principal sur un fondement contractuel ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par une ordon

nance n° 2000636 du 29 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Corinthe Ingénierie, la société par actions simplifiée Agence Guillermin et la société à responsabilité limitée TransMobilités ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Cavalaire-sur-Mer à leur verser la somme de 782 535 euros hors taxes, soit 932 305 euros toutes taxes comprises, à parfaire, à titre principal sur un fondement contractuel ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par une ordonnance n° 2000636 du 29 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021 et un mémoire enregistré le 15 février 2023, " le groupement de maîtrise d'œuvre composé de la société Corinthe Ingénierie, l'Agence Guillermin et la société TransMobilités, groupement représenté par la société Corinthe Ingénierie, mandataire ", elle-même représentée par la SCP Tertian-Bagnoli-Langlois-Martinez, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 29 juillet 2021 ;

2°) de condamner la commune à payer au groupement de maîtrise d'œuvre la somme de 932 305 euros toutes taxes comprises, sauf à parfaire en cours d'instance, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou, subsidiairement, sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet du mémoire de réclamation formé par le groupement le 23 octobre 2019 ;

4°) en tout état de cause, mettre à la charge de la commune la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le groupement soutient que :

- la société Corinthe Ingénierie avait qualité pour représenter les autres entreprises du groupement ;

- sa lettre du 27 mars 2019, adressée dans le délai de deux mois à compter de la naissance du différend, doit être regardée comme une lettre de réclamation ;

- le retrait de l'ordre de service n° 4 ne peut être assimilé à un refus définitif de la commune de la payer ;

- ce retrait n'a pas fait naître le différend ;

- ce retrait l'a induit en erreur dans l'appréciation du point de départ du différend ;

- son recours gracieux et son recours contentieux contre la décision retirant l'ordre de service ont suspendu ou interrompu le délai de recours ;

- il a droit au paiement de travaux supplémentaires ;

- la commune qui n'a pas su définir le périmètre de la mission du maître d'œuvre, et a méconnu les stipulations de l'article 6.5 du cahier des clauses particulières, a commis deux fautes qui engagent sa responsabilité ;

- il a droit au paiement du préjudice subi, des factures et des intérêts moratoires au titre des factures émises, ainsi qu'au remboursement des frais avancés dans l'exécution de l'avenant n° 4 et de l'ordre de service n° 4 et à la révision des prix ;

- il a droit à être indemnisé du préjudice résultant du report du projet ;

- subsidiairement, il a droit à être indemnisé sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2023, la commune de Cavalaire-sur-Mer, représentée par Me Lanzarone, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de " la requérante " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Corinthe Ingénierie n'a pas qualité pour représenter le groupement en appel ;

- la décision de retrait de l'ordre de service n° 4 est devenue définitive ;

- le groupement titulaire, qui n'a pas formulé d'observations sur ce retrait dans le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article 37 du cahier des clauses administratives générales, est réputé l'avoir tacitement accepté ;

- les moyens d'appel sont infondés.

Par une lettre en date du 16 février 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er avril 2023 et le 5 juillet 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 1er mars 2023.

Par ordonnance du 3 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Par lettres du 31 mars 2023, la Cour a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur les moyens d'ordre public tirés :

- de l'incompétence de l'auteur de l'ordonnance attaquée, dès lors que, si l'article R. 222-1 du code de justice administrative permet de rejeter par ordonnance les requêtes " manifestement irrecevables ", les irrecevabilités contractuelles, telle celle retenue par l'auteur de l'ordonnance, ont trait au bien-fondé de la demande et non à sa recevabilité (CE, 3 novembre 2014, Société Bancillon BTP, n° 372040) ;

- de l'irrecevabilité de la demande tendant à l'annulation de la décision du 23 octobre 2019 rejetant le mémoire de réclamation du groupement, cette décision constituant un acte d'exécution du contrat dont il ne peut être demandé l'annulation (CE, Sect., 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806) ;

- de l'irrecevabilité de la demande de première instance, faute de chiffrage individualisé des sommes sollicitées par les différentes sociétés du groupement, qui ne constitue pas lui-même une personne morale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n°78-1306 du 26 décembre 1978 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles et la modification du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés industriels ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Martinez, pour la société Corinthe Ingénierie, et de Me Lanzarone, pour la commune de Cavalaire-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat du 3 août 2015, la commune de Cavalaire-sur-Mer (Var) a confié à un groupement conjoint constitué des sociétés Corinthe Ingénierie, mandataire, Agence Guillermin et TransMobilités, la maîtrise d'œuvre d'un projet de redéploiement des infrastructures et des espaces sur le domaine public maritime. Ce groupement a saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 93 305 euros toutes taxes comprises sur le fondement contractuel ou, subsidiairement, au titre de l'enrichissement sans cause. Par l'ordonnance attaquée, dont les membres du groupement relèvent appel, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, aux motifs, d'une part, que la société Corinthe Ingénierie n'avait pas qualité pour représenter les deux autres membres du groupement et, d'autre part, que la demande qu'elle présentait en son nom propre était irrecevable en application de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de maîtrise d'œuvre, faute pour la société d'avoir communiqué la lettre énonçant les motifs de son désaccord dans le délai de deux mois à compter de la date de la naissance du différend.

1. Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. En s'engageant conjointement et solidairement, vis-à-vis d'un maître d'ouvrage public à exécuter un marché, les membres d'un groupement solidaire d'entreprises constitué en vue de l'exécution d'un marché public sont censés s'être donné mandat mutuel de se représenter.

3. En l'espèce, il ressort de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre que le groupement dont la société Corinthe Ingénierie était mandataire est un groupement solidaire. Dès lors, en tout état de cause, la société Corinthe Ingénierie a qualité pour représenter ses deux cotraitants en appel.

2. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

5. Les irrecevabilités contractuelles, qui ont trait à l'application du contrat, sont relatives au bien-fondé des demandes, et non à leur recevabilité.

6. L'ordonnance attaquée, qui retient une telle irrecevabilité contractuelle, est donc entachée d'incompétence et doit être annulée. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer le litige et de statuer immédiatement.

3. Sur l'exception d'incompétence soulevée en première instance :

7. Si la commune soutient que la " demande au titre de l'utilisation des plans (...) ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative mais bien du tribunal judiciaire ", ce moyen n'est pas assorti des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, la demande des membres du groupement met en jeu à la responsabilité contractuelle et quasi-contractuelle de la commune et ressortit bien à la compétence des juridictions de l'ordre administratif.

4. Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande présentée par les sociétés membres du groupement :

8. Ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3, la société Corinthe Ingénierie a qualité pour représenter ses deux cotraitants. La fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance doit donc être rejetée.

5. Sur la demande présentée par les sociétés membres du groupement sur un fondement contractuel :

5.1. En ce qui concerne la fin de non-recevoir contractuelle opposée par la commune à la demande de paiement des travaux supplémentaires :

9. La commune soutient que le mémoire de réclamation présenté par la société Corinthe Ingénierie lui a été adressé plus de deux mois après la naissance du différend, en méconnaissance de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, dans son édition de 2009.

10. Si l'article 6.7 du cahier des clauses particulières qui énumère les documents contractuels ne se réfère pas au cahier dans sa version de 2009, mais au " Cahier des Clauses Administratives Générales (C.C.A.G.-PI) applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, approuvé par le décret 78-1306 du 26 Décembre 1978 modifié, en vigueur lors de la remise des offres ou lors du mois d'établissement des prix (mois Mo) ", cette référence au cahier dans son édition de 1978 comporte une contradiction, dès lors qu'à la date de la remise des offres, la dernière version approuvée du cahier des clauses administratives générales était celle de 2009.

11. Compte tenu de cette ambiguïté, il y a lieu, pour la Cour, de rechercher la commune intention des parties. Il ressort, d'une part, de l'examen du cahier des clauses particulières que celui-ci se réfère, dans ses autres articles, et notamment dans l'article 6.24 relatif aux " dérogations au CCAG-PI ", aux articles de la version de 2009, et non à ceux de la version de 1978. En outre, d'autre part, aucune partie ne revendique l'application du cahier dans son édition de 1978. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la commune intention des parties était bien d'appliquer le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles dans son édition de 2009, dont l'article 37 stipule : " (...) Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion (...). ".

12. Dans sa décision du 22 janvier 2019, se présentant comme un retrait de l'ordre de service n° 4, la commune a, pour la première fois, indiqué au groupement qu'aucune rémunération ne lui était due en supplément de son forfait de rémunération.

13. Toutefois, cette décision mentionne également : " La présente décision peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Toulon dans un délai de deux mois à compter de sa réception par le représentant de l'Etat et de l'accomplissement des mesures de publicité (publication, affichage ou notification) ". En invitant ainsi la société Corinthe Ingénierie, qui a déféré à cette invitation, à saisir directement le juge de sa contestation, la commune l'a nécessairement dispensée de l'obligation contractuelle de présenter, au préalable, la lettre de réclamation prévue par les stipulations précitées de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales. Les parties doivent donc être réputées avoir renoncé, d'un commun accord, à l'application de ces stipulations.

14. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir contractuelle opposée par la commune ne peut être accueillie.

5.2. En ce qui concerne le bien-fondé des demandes contractuelles de la société :

5.2.1. S'agissant du cadre juridique :

15. Il résulte des dispositions des articles 9 de la loi du 12 juillet 1985 et 30 du décret du 29 décembre 1993, susvisés, que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seule, une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Ainsi, la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'œuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage.

16. En outre, le maître d'œuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'œuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si le maître d'œuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

5.2.2. S'agissant de la demande de rémunération des travaux supplémentaires :

17. A la demande de la commune, le groupement a établi neuf fiches de travaux modificatifs (FTM) destinés à prendre en compte les modifications du programme décidées par la délibération du conseil municipal du 7 mars 2017. Cette modification des prestations décidée par le maître de l'ouvrage justifiait une rémunération supplémentaire du maître d'œuvre en vertu des principes rappelés au point 15. Pour chiffrer la rémunération de ces prestations, il y a lieu de retenir le montant total de 203 528 euros hors taxes, qui avait été accepté par la commune, qui a été mentionné dans l'ordre de service n° 4 avant que ce dernier fût retiré, et qui n'est pas sérieusement contesté par la commune.

5.2.3. S'agissant des frais avancés :

18. La société Corinthe Ingénierie, ayant obtenu la rémunération des prestations supplémentaires réalisées, n'a pas droit, en outre, au remboursement des frais qu'elle a avancés pour la réalisation de ces prestations, ces frais, d'un montant allégué de 86 624 euros hors taxes étant nécessairement couverts par sa rémunération supplémentaire.

5.2.4. S'agissant du préjudice lié aux reports du projet :

19. La société Corinthe Ingénierie sollicite, pour un montant de 80 480,49 euros hors taxes, l'indemnisation de la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires reporté. Toutefois, la perte de marge brute sur un chiffre d'affaires qui est simplement reporté ne constitue pas un préjudice indemnisable. Au demeurant, la société n'établit pas que le report du projet résulterait d'une faute contractuelle de la commune de Cavalaire-sur-Mer. Elle n'a pas plus droit aux intérêts moratoires sur cette somme de 80 480,49 euros, dès lors que le délai de paiement court à compter de la demande de paiement et non de la date à laquelle la prestation aurait dû intervenir suivant le planning initial.

5.2.5. S'agissant des conséquences de l'allongement de la durée des travaux :

20. Il résulte des principes rappelés au point 15 que l'allongement de la durée des travaux, indépendamment d'une modification du programme de ces travaux, n'ouvre pas par lui-même droit à indemnisation du maître d'œuvre. Le groupement n'a donc pas droit à la somme de 345 486 euros hors taxes à laquelle il prétend à ce titre.

5.2.6. S'agissant de la révision des prix :

21. Ni le cahier des clauses particulières, ni le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestation intellectuelles, ne prévoient de clause de révision des prix. La demande de 32 728 euros hors taxes présentée par le groupement à ce titre ne peut donc être accueillie.

22. Il résulte de ce qui précède que la société Corinthe Ingénierie est fondée à solliciter une somme totale de 203 528 euros hors taxes.

5.2.7. S'agissant des intérêts moratoires :

5.2.7.1. Quant aux intérêts moratoires afférents aux factures payées avec retard :

23. Aux termes de l'article 2 du décret du 29 mars 2013 susvisé relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de marché public : " Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ou, si le contrat le prévoit, par le maître d'œuvre ou toute autre personne habilitée à cet effet. ". Aux termes de l'article 8 de ce décret : " I. ' Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée ". Aux termes de son article 9 : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros. ".

24. Conformément à ces dispositions, les membres du groupement ont droit au paiement des intérêts sur les factures payées en retard, sans avoir à le demander. Les montants des factures, les dates de facturation et les dates de paiement ne sont pas contestés. Toutefois, le calcul effectué par la société mandataire est inexact et doit être corrigé suivant les indications du tableau suivant, duquel il ressort un montant total d'intérêts moratoires dus sur les paiements en retard de 5 837,19 euros. A cette somme doit s'ajouter la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

SituationMontantDate de facturationDate limite de paiementDate effective de paiementRetard en joursTaux BCEIntérêts dus (BCE+8 pts)163 675,20 €24/09/201524/10/201502/11/20159,000,05%126,39 €441 532,55 €15/02/201616/03/201617/03/20161,000,05%9,16 €5101 212,60 €29/04/201629/05/201606/06/20168,000,05%178,58 €635 018,70 €28/06/201628/07/201604/08/20167,000,00%53,73 €729 811,03 €30/07/201629/08/201612/10/201644,000,00%287,49 €824 563,20 €17/02/201719/03/201729/03/201710,000,00%53,84 €1144 554,80 €05/07/201704/08/201721/08/201717,000,00%166,01 €1242 585,75 €04/08/201703/09/201705/09/20172,000,00%18,67 €1344 235,52 €05/09/201705/10/201711/10/20176,000,00%58,17 €1432 753,97 €25/10/201724/11/201714/12/201720,000,00%143,58 €1693 168,87 €12/03/201811/04/201824/04/201813,000,00%265,47 € S-total1 631,09 €Avenant 4114 731,66 €30/11/201630/12/201626/06/2017178,000,00%4 476,11 € Total5 837,19 €

5.2.7.2. Quant aux intérêts moratoires sur les sommes impayées à ce jour :

25. S'agissant de la rémunération due au titre des travaux supplémentaires, les membres du groupement ont droit aux intérêts moratoires au taux contractuel à compter de la date d'expiration du délai de paiement de trente jours courant à compter du 1er juillet 2021, date de la réception de la réclamation du 30 juin 2021 par laquelle ils sollicitaient le paiement des travaux supplémentaires.

6. Sur le bien-fondé de la demande subsidiaire présentée par les sociétés membres du groupement sur un fondement quasi-contractuel :

26. Les prestations réalisées par les membres du groupement l'ayant été dans le cadre du contrat, l'enrichissement qui en a résulté pour la commune n'est pas dépourvu de cause.

27. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Corinthe Ingénierie, Agence Guillermin et TransMobilités sont fondées à demander la condamnation de la commune de Cavalaire-sur-Mer à leur payer, d'une part, deux sommes de 5 837,19 euros et 40 euros au titre des intérêts moratoires contractuels sur les sommes payées avec retard et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement et, d'autre part, une somme de 203 528 euros, assortie des intérêts moratoires contractuels courant à compter du 31 juillet 2021 et majorée de la taxe sur la valeur ajoutée afférente, soit 40 705,60 euros (20 % de 203 528 euros).

7. Sur les frais liés au litige :

28. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge des sociétés appelantes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cavalaire-sur-Mer, au titre des frais exposés par le groupement et non compris dans les dépens, une somme globale de 5 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2000636 du 29 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon est annulée.

Article 2 : La commune de Cavalaire-sur-Mer est condamnée à payer à la société Corinthe Ingénierie, agissant en qualité de mandataire du groupement constitué, outre cette société, des sociétés Agence Guillermin et TransMobilités, une somme de 5 877,19 euros au titre des intérêts moratoires contractuels dus sur les factures payées avec retard et de l'indemnité de recouvrement.

Article 3 : La commune de Cavalaire-sur-Mer est condamnée à payer à la société Corinthe Ingénierie, agissant en qualité de mandataire du groupement constitué, outre cette société, des sociétés Agence Guillermin et TransMobilités, une somme de 203 528 euros, assortie des intérêts moratoires contractuels courant à compter du 31 juillet 2021, et majorée de la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 40 705,60 euros.

Article 4 : La commune de Cavalaire-sur-Mer versera à la société Corinthe Ingénierie, agissant en qualité de mandataire du groupement constitué, outre cette société, des sociétés Agence Guillermin et TransMobilités, une somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Corinthe Ingénierie, Agence Guillermin et TransMobilités, et à la commune de Cavalaire-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mai 2023.

N° 21MA03852 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03852
Date de la décision : 22/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité.

Procédure - Introduction de l'instance - Qualité pour agir.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TERTIAN - BAGNOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-22;21ma03852 ?
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