Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Wyndham Organisation Limited a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 20 janvier 2011 au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2002745 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2021, la société Wyndham Organisation Limited, représentée par Me Dutel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er juin 2021 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne pouvait être regardée comme exerçant en France une activité occulte ;
- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ;
- le vérificateur a irrégulièrement emporté des pièces au cours du contrôle ;
- le signataire des avis de mise en recouvrement n'était pas compétent, faute de délégation de signature ayant fait l'objet de mesures de publicité suffisantes ;
- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration de 80 % applicable en cas de découverte d'une activité occulte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Wyndham Organisation Limited ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société de droit britannique Wyndham Organisation Limited a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 20 janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a estimé que la société disposait en France d'un établissement stable, et, après avoir constaté le défaut de présentation de comptabilité, a reconstitué le chiffre d'affaires de son activité de traduction, et notifié, selon la procédure de taxation d'office, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 20 janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, assortis notamment de la majoration de 80 % pour activité occulte. La société Wyndham Organisation Limited fait appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur le principe de l'imposition en France :
En ce qui concerne l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
2. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 5 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) un siège de direction ; / b) une succursale ; / c) un bureau ; / (...) ". Le 1 de l'article 7 de cette convention stipule : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable ".
4. Il résulte des éléments recueillis par l'administration fiscale lors des opérations de contrôle que la société Wyndham Organisation Limited disposait à Eguilles (Bouches-du-Rhône) au domicile de M. B..., son gérant et associé, d'un local permanent pourvu du matériel informatique nécessaire à son activité et des moyens de communication utiles. Le vérificateur a également constaté que M. B... était précédemment dirigeant et associé de la société à responsabilité limitée Laser Service International, qui exerçait une activité de traduction et a été dissoute quelque mois après la création de la société Wyndham Organisation Ltd, que les factures des deux sociétés sont identiques et que les principaux clients de la société Wyndham Organisation Limited sont établis en France, dans le département des Bouches-du-Rhône. Par ailleurs, si le représentant de la société a indiqué qu'elle avait pour vocation de développer une activité d'import-export vers le Royaume-Uni, il n'a présenté aucun élément relatif au développement de cette activité, alors que la société ne dispose au Royaume-Uni que d'une adresse de domiciliation, et qu'elle n'y emploie aucun salarié. Au demeurant, M. B... a reconnu au cours du contrôle l'existence d'un établissement stable en France de la société Wyndham Organisation Limited.
5. Il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale doit être regardée comme démontrant que la société Wyndham Organisation Limited a exercé en France, au cours des années en litige, une activité par l'intermédiaire d'un établissement autonome au sens des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts. Elle établit également, par ces mêmes éléments, que la société dispose en France d'une installation fixe d'affaires caractérisant un établissement stable au sens des stipulations de l'article 5 de la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni, dont les bénéfices sont imposables en France.
En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :
6. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". L'article 259 du même code dispose : " Le lieu des prestations de services est situé en France :/ 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle (...) ". Aux termes du 2 de l'article 283 de ce code : " Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur ".
7. Il résulte de ces dispositions que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies. Cet établissement doit présenter un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire.
8. Il résulte de l'instruction que les preneurs des prestations de services rendues par la société appelante étaient des sociétés dont le siège est situé en France. Il n'est pas contesté que ces sociétés étaient des assujettis agissant en tant que tel et qu'elles avaient le siège de leur activité économique en France. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la société Wyndham Organisation Limited a un établissement stable en France, qui constitue également son centre de direction effective. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assujetti les prestations en cause à la taxe sur la valeur ajoutée en France.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
9. Aux termes du I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place (...) la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Si ces dispositions obligent le vérificateur à effectuer les opérations de vérification au siège de l'entreprise et à consulter les documents comptables sur place sans les emporter, sauf demande en ce sens du contribuable, elles n'interdisent pas, dès lors qu'un débat contradictoire a pu avoir lieu dans l'entreprise et que l'essentiel du contrôle y a été effectué, que le vérificateur demande au contribuable qui est libre de refuser, d'une part, de venir dans son bureau pour son entretien, d'autre part, d'y apporter des documents comptables, qu'il remportera à l'issue de l'entretien sans en avoir été à aucun moment dessaisi.
10. Il ressort des mentions de la proposition de rectification adressée à la société Wyndham Organisation Limited le 6 août 2014 que la première intervention sur place s'est déroulée le 16 juillet 2014, en présence de M. B..., représentant légal de la société, que les autres interventions ont eu lieu les 18, 22 et 30 juillet 2014, et que les conclusions des opérations de vérification ont été exposées au cours de la réunion de synthèse qui a eu lieu le 4 août 2014, permettant ainsi l'instauration d'un débat oral et contradictoire entre M. B... et le vérificateur. Si la société a contesté pour la première fois devant le tribunal administratif la réalité de la réunion de synthèse, elle ne produit aucun élément permettant de remettre en cause ces mentions. Par ailleurs, si les entrevues organisées les 18 et 30 juillet 2014 dans les locaux de l'administration ont eu lieu à l'initiative du vérificateur, elles n'auraient pas été possibles sans le consentement de M. B..., qui ne s'est pas dessaisi des documents comptables qu'il a apportés avec lui afin qu'ils soient scannés et remportés après les entrevues. Dans ces conditions, la société Wyndham Organisation Limited n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire, ni que le vérificateur aurait irrégulièrement emporté des pièces au cours du contrôle.
Sur la régularité des avis de mise en recouvrement :
11. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) L'avis de mise en recouvrement (...) est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent (...) ". Aux termes de l'article L. 257 A du même livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires (...) par les agents du service ayant reçu délégation ".
12. Il résulte de l'instruction que les avis de mise en recouvrement émis à l'encontre de la société Wyndham Organisation Limited, datés du 15 décembre 2014 et du 27 février 2015, ont été signés par M. C... A..., contrôleur principal des finances publiques, auquel, par un arrêté du 3 septembre 2012, le comptable du service des impôts des entreprises d'Aix Nord a donné délégation à l'effet de signer notamment de tels avis. Cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs des Bouches-du-Rhône n° 230 du 7 décembre 2012. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la publicité d'une délégation de signature consentie par un comptable public en application des dispositions précitées de l'article L. 257 A du livre des procédures fiscales soit effectuée par voie d'affichage. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, M. A... était compétent pour signer les avis de mise en recouvrement en cause.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".
14. Il est constant que la société Wyndham Organisation Limited, qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, disposait en France d'un établissement stable au cours des années en litige, n'a ni déclaré son activité au centre de formalités des entreprises ou auprès de l'administration fiscale ni souscrit les déclarations auxquelles elle était tenue. Si elle fait valoir que c'est par erreur qu'elle n'a pas fait connaître son activité en France et n'y a pas souscrit ses déclarations, elle ne peut valablement se prévaloir du caractère involontaire des manquements qui lui sont reprochés, faute notamment de produire des éléments de nature à démontrer le dépôt de déclarations auprès de l'administration fiscale britannique portant sur les résultats et le chiffre d'affaires correspondant à l'activité de l'établissement stable dont elle disposait en France au cours de la période en litige. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a mis en œuvre à son encontre la pénalité de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Wyndham Organisation Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. En premier lieu, la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens. Par suite, les conclusions présentées la société Wyndham Organisation Limited sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
17. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Wyndham Organisation Limited la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Wyndham Organisation Limited est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Wyndham Organisation Limited et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.
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N° 21MA02771