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10/05/2023 | FRANCE | N°21MA00080

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 10 mai 2023, 21MA00080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société mutuelle d'assurance des bâtiments et des travaux publics (SMABTP) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société Egis Bâtiments Méditerranée à lui verser la somme de 43 970 euros, assortie des intérêts de retard à compter du 17 août 2014.

Par un jugement n° 1806950 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2021, et un mémoire enr

egistré le 16 mars 2023, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société mutuelle d'assurance des bâtiments et des travaux publics (SMABTP) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société Egis Bâtiments Méditerranée à lui verser la somme de 43 970 euros, assortie des intérêts de retard à compter du 17 août 2014.

Par un jugement n° 1806950 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2021, et un mémoire enregistré le 16 mars 2023, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la SMABTP, représentée par Me Aze, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 novembre 2020 ;

2°) de déclarer la société Egis Bâtiments Méditerranée responsable, à hauteur de 20 %, de l'oxydation des canalisations d'alimentation des centrales de traitement d'air de l'observatoire astronomique Marseille Provence ;

3°) de mettre à la charge de la société Egis Bâtiments Méditerranée la somme de 43 970 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 17 août 2014 ;

4°) de mettre à la charge de la société Egis Bâtiments Méditerranée la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il résulte de l'expertise amiable que les désordres consistant en un phénomène de corrosion des canalisations des centrales de traitement d'air (CTA) installées sur la toiture terrasse du bâtiment de l'observatoire sont imputables à 80 % à la société TI3C, sous-traitante, et à 20 % à la société Egis Bâtiments Méditerranée, en raison de la défaillance dans le suivi des travaux ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'était pas recevable à demander la condamnation de la société Egis Bâtiments Méditerranée à lui verser une somme correspondant à 20 % du prix de réparation des désordres au motif qu'il n'est pas démontré que les travaux de réparation ont été exécutés, alors que le maître d'ouvrage ne le conteste pas ; en tant que de besoin elle justifie de la facture correspondante ;

- elle justifie en outre de la quittance subrogative de son assurée, la société Eiffage Energie Thermie, du 26 juin 2012 et de l'attestation d'assurance décennale de la société Crystal, aux droits de laquelle vient la société Eiffage Energie Thermie pour l'année 2006 ; par ailleurs les travaux de construction de l'observatoire ont démarré.

Un courrier du 23 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par un mémoire, enregistré le 28 février 2023, la société Egis Bâtiments Sud, venant aux droits de la société Egis Bâtiments Méditerranée, représentée par la SELARL Dechelette avocat, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société requérante la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que l'action n'est pas recevable, la SMABTP ne justifiant pas avoir payé les travaux ou indemnisé la victime ; elle ajoute que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par lettre du 31 mars 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office selon lequel la garantie contractuelle du maître d'œuvre, la société Egis, en raison de ses obligations contractuelles de direction des travaux ne peut plus être engagée, la réception ayant été prononcée le 29 février 2008. (CE 2 décembre 2019 Sté Guervilly n°423544 classé en B).

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 31 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Aze, pour la SMABTP.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la construction du bâtiment de l'observatoire astronomique de Marseille Provence, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) a confié à la société Crystal, aux droits de laquelle vient la société Eiffage Energie Thermie, le lot n° 5 " chauffage - ventilation - climatisation - plomberie " par acte d'engagement signé le 12 décembre 2005. La maîtrise d'œuvre relative à l'exécution de ce lot incombait à la société Egis Bâtiments Méditerranée. Après la réception des travaux sous réserves du 29 février 2008, l'agence régionale d'équipement et d'aménagement (AREA) de la région PACA, mandataire de la région PACA, a par courrier du 17 février 2010 fait état de désordres de corrosion affectant les réseaux de canalisation des centrales de traitement d'air installées sur la toiture-terrasse du bâtiment. Une expertise amiable a été effectuée par la société BMEX à la demande de la SMABTP, assureur en responsabilité décennale de la société Eiffage Energie Thermie, à qui elle a versé la somme de 159 850 euros correspondant au montant des travaux de réfection, chiffrés à 219 850 euros, sous déduction d'une franchise de 60 000 euros. Estimant que la société Egis Bâtiments Méditerranée, devenue Egis Bâtiments Sud, était responsable à hauteur de 20 % desdits désordres, la SMABTP, se prévalant à la fois de sa qualité de subrogée de la société Eiffage Energie Thermie sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, et de subrogée de la société Eiffage Energie Thermie dans les droits de la région PACA, sur le fondement de l'article 1346 du code civil, anciennement codifié à l'article 1251 alinéa 3 du même code, a alors demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société Egis Bâtiments Méditerranée, maître d'œuvre, à lui verser la somme de 43 970 euros correspondant à 20 % du montant des travaux de réfection. Mais par un jugement du 10 novembre 2020, dont la SMABTP relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la subrogation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur... ". D'autre part, l'article 1346 du code civil, anciennement codifié à l'article 1251 alinéa 3 du même code dispose que : " La subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. ".

3. Il résulte de l'instruction que la SMABTP se prévaut de sa qualité de subrogée dans les droits de son assurée, la société Eiffage Energie Thermie, sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, la société Eiffage Energie Thermie étant elle-même subrogée dans les droits de la victime, la région PACA, sur le fondement de l'article 1346 du code civil.

4. En premier lieu, la SMABTP justifie d'une quittance subrogative établie le 26 juin 2012 par la société Eiffage Energie Thermie, qui reconnait avoir reçu de la SMABTP la somme de 159 850 euros hors taxes " au titre du préfinancement des travaux de reprise du sinistre [...] déduction faite de la franchise contractuelle de 60 000 euros ".

5. La subrogation légale de l'assureur dans les droits et actions de l'assuré, prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances, est subordonnée au seul paiement à l'assuré de cette indemnité en exécution du contrat d'assurance, et ce dans la limite de la somme versée. Si l'assuré est tenu, en application des dispositions de l'article L. 121-17 du code des assurances, d'utiliser l'indemnité versée par l'assureur en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti pour procéder à la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d'assiette, la méconnaissance de cette obligation, qui ne concerne que la relation entre l'assureur et son assuré, est dépourvue d'incidence sur la recevabilité comme sur le bien-fondé de l'action subrogatoire de l'assureur à l'encontre du tiers responsable du dommage. La société requérante justifie donc bien être subrogée dans les droits de la société Eiffage Energie Thermie à hauteur de 159 850 euros hors taxes, sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances, sans que puisse lui être opposée, à ce stade, la circonstance qu'elle ne justifiait pas de la réalisation ou du paiement des travaux de reprise des désordres.

6. En second lieu, la SMABTP produit pour la première fois en appel un relevé d'information bancaire du 13 juin 2012 mentionnant que la somme de 236 695,70 euros a été virée par la société Eiffage Energie Thermie au crédit du compte de la SARL Isolation 2000, qui a effectué les travaux de reprise, pour le règlement de deux factures n° 11/433 du 21 novembre 2011 de 96 678,28 euros hors taxes et n° 11/454 du 12 décembre 2011 de 142 017,42 euros hors taxes. Ce faisant, elle justifie donc bien que le maître d'ouvrage a été indemnisé par son assurée, ainsi que de la qualité de subrogée de la société Eiffage Energie Thermie, dans les droits de la victime, la région PACA sur le fondement de l'article 1346 du code civil.

7. Il résulte de ce qui précède que la SMABTP se trouve subrogée dans les droits de la société Eiffage Energie Thermie mais aussi dans les droits de la victime de son assurée, la région PACA, par le double effet de la subrogation respectivement de l'article L. 121-12 du code des assurances, et de l'article 1346 du code civil. La société requérante est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande " en raison de l'absence d'indemnisation ou de réparation du dommage dûment établi ". Il appartient dès lors à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SMABTP tant en première instance qu'en cause d'appel.

En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité de la société Egis Bâtiments Méditerranée, devenue Egis Bâtiments Sud :

8. Dans le cadre de l'action subrogatoire, le subrogé ne saurait avoir plus de droits que la victime et il peut donc se voir opposer l'ensemble des moyens de défense qui auraient pu l'être à la victime. Pour rechercher la responsabilité du maître d'œuvre, la société Egis Bâtiments Méditerranée devenue Egis Bâtiments Sud, la SMABTP soutient que le maître d'œuvre aurait commis une faute car il aurait été défaillant dans le suivi des travaux.

Quant à la responsabilité contractuelle :

9. Se prévalant de la négligence dans le suivi des travaux qu'aurait commise la société Egis Bâtiments Méditerranée, devenue Egis Bâtiments Sud, qui était chargée, au sein du groupement de maîtrise d'œuvre, d'une mission de conception et de direction des travaux pour les lots techniques, notamment le lot n° 5 " chauffage-ventilation-climatisation-plomberie ", la SMABTP doit être regardée comme invoquant la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre. Toutefois, la garantie contractuelle du maître d'œuvre ne pouvait plus être engagée, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la réception a été prononcée le 29 février 2008 sans réserve portant sur les désordres en cause. La SMABTP, qui ne soutient pas que la société Egis Bâtiments Méditerranée aurait méconnu son devoir de conseil à la réception, n'est par conséquent pas fondée à demander d'engager la responsabilité contractuelle de celle-ci en tant que maître d'œuvre.

Quant à la responsabilité quasi-délictuelle :

10. En tant que subrogée du maître d'ouvrage, la SMABTP, qui n'invoque aucun préjudice propre, ne peut pas par ailleurs exercer, à l'encontre du maître d'œuvre, avec lequel la région PACA était liée par un contrat, d'autre action que celle procédant de ce contrat. Elle n'est pas, dans ces conditions, fondée à se prévaloir de l'existence d'une faute du maître d'œuvre en se prévalant d'un rapport d'expertise du cabinet BMEX du 27 avril 2010, qui au demeurant n'identifie pas l'existence d'une faute de ce maître d'œuvre. Elle n'est pas non plus fondée à se prévaloir de la prétendue reconnaissance de responsabilité d'un préposé de la société Egis Bâtiments Méditerranée, ou d'un protocole de transaction qui, en tout état de cause n'a pas été signé par toutes les parties et dont l'article 9 se réfère à un " accord des parties sans aucune reconnaissance de responsabilité ".

11. Il résulte de ce qui précède que la SMABTP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SMABTP dirigées contre la société Egis Bâtiments Méditerranée devenue Egis Bâtiments Sud qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SMABTP la somme que demande la société Egis Bâtiments Méditerranée devenue Egis Bâtiments Sud sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SMABTP est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Egis Bâtiments Méditerranée devenue Egis Bâtiments Sud sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société mutuelle d'assurance des bâtiments et des travaux publics (SMABTP), à la société Egis Bâtiments Méditerranée devenue Egis Bâtiments Sud et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mai 2023.

2

N° 21MA00080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00080
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Questions générales - Réception des travaux.

Responsabilité de la puissance publique - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité - aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale - Subrogation - Subrogation de l'assureur.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : ATORI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-10;21ma00080 ?
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