Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet du Var a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.
Par un jugement n° 2200075 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Bochnakian, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 23 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " étudiant " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont abordé la notion nouvelle de complémentarité qui n'a pas fait l'objet de discussion contradictoire en première instance ;
- les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise ;
- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors que les études suivies sont cohérentes.
La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 7 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Larrieu-Sans substituant Me Bochnakian, représentant Mme A... également présente.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité sénégalaise, relève appel du jugement du 12 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2021 du préfet du Var refusant de renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La requérante, qui indique dans sa requête d'appel que les premiers juges, en relevant qu'elle ne justifiait " pas de la complémentarité des deux formations dans la perspective d'un projet professionnel particulier " ont abordé une nouvelle notion sans discussion contradictoire préalable, doit être regardée comme soulevant le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier pour atteinte au principe du contradictoire, d'une part, en ce que les premiers auraient procédé à une substitution de motifs sans mettre à même les parties de présenter leurs observations, d'autre part en ce qu'ils auraient fondé leur décision sur un moyen relevé d'office sans l'avoir communiqué au préalable.
3. Par l'arrêté contesté, le préfet du Var a rejeté la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire mention " étudiant " de la requérante au motif qu'elle ne justifiait ni de la réalité, ni du sérieux de ses études. La requérante ayant soutenu devant le tribunal qu'elle justifiait au contraire du sérieux de ses études, se prévalant du diplôme universitaire de chargé de développement durable au titre de l'année 2020-2021, il appartenait au tribunal de se prononcer sur le bien-fondé de cette argumentation, et d'évaluer notamment, pour apprécier ce caractère sérieux, la cohésion et la progression des études suivies par la requérante, qui sont des critères d'appréciation du caractère réel et sérieux des études. Par suite, en ayant estimé que Mme A... ne pouvait " être regardée comme justifiant de la cohérence de son cursus et de sa progression dans celui-ci ", les premiers juges, auxquels il appartenait de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont ils étaient saisis, ont simplement écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet soulevé par la requérante. Par suite, ils ne peuvent être regardés ni comme ayant procédé à une substitution de motifs qui n'aurait pas respecté le principe du contradictoire, ni comme ayant fondé leur décision sur un moyen relevé d'office qui n'aurait pas été communiqué. Le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ".
5. Aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 : " les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre Etat, doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...). Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ". L'annexe de cette convention définit la notion de moyens d'existence suffisants en stipulant que : " (...)S'agissant des étudiants boursiers, les ressources suffisantes sont justifiées par la
production d'une attestation de bourse d'études ou de stage. / S'agissant des étudiants non boursiers, les ressources suffisantes sont constituées par une somme au moins égale à 70 % de l'allocation d'entretien servie par le Gouvernement français aux étudiants boursiers, indépendamment des avantages matériels dont ils peuvent justifier ". L'article 13 de la même convention stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".
6. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étudiante de Mme A..., le préfet du Var s'est exclusivement fondé sur les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de procéder à une substitution de base légale pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du jugement attaqué, en substituant l'article 9 précité de la convention franco-sénégalaise à l'article L. 422-1 précité, substitution sur laquelle les parties ont pu se prononcer en première instance. Pour l'application de ces stipulations, le préfet doit s'assurer du caractère réel et sérieux des études poursuivies.
7. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée sur le territoire le 24 octobre 2013 munie d'un visa mention " étudiant " délivré par les autorités françaises valable du 22 octobre 2013 au 22 octobre 2014. Elle a obtenu au titre de l'année universitaire 2016-2017 un master de droit, économie, gestion, mention carrières publiques, spécialité environnement et gestion du territoire délivré par l'Université de Toulon, après avoir échoué les deux années précédentes à l'obtention de ce diplôme ainsi que le relève le préfet dans ses écritures de première instance sans être contesté sur ce point. Au titre des années 2017-2018, 2018-2019, 2019-2020, l'intéressée a été inscrite à l'Institut d'études judiciaires en vue préparer l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats, auquel elle a échoué en 2018 et 2019. Elle conteste en appel avoir présenté l'examen au titre de l'année 2020 et explique que, désireuse d'anticiper un troisième échec à cet examen dont elle connaissait la difficulté et qu'elle continuait à vouloir passer, elle s'est inscrite pour parfaire son cursus universitaire au diplôme délivré par l'université de Nantes intitulé " chargé de projet en développement durable " dont elle se prévalait lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour, et qu'elle a obtenu en 2021, les examens ayant été repoussés en raison du contexte sanitaire. Cette formation, ouverte aux titulaires d'un " BAC +2 ", dispense 240 heures d'enseignements sur douze mois, en sessions de trois jours consécutifs par mois. Les étudiants ont également cinq journées d'"immersion dans les territoires" et 28 heures de " recueils d'expérience terrain ". Si Mme A... a connu, ainsi qu'il vient d'être dit, plusieurs échecs au cours de ses études, le préfet du Var ne pouvait pour autant en déduire sans commettre d'erreur d'appréciation l'absence de caractère réel et sérieux des études poursuivies à partir de ces échecs, et notamment de ceux intervenus à l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats dont la difficulté est réelle, alors que Mme A... s'est par ailleurs inscrite à un diplôme d'université qui est cohérent avec son parcours antérieur, et qu'elle a au demeurant obtenu comme l'indique l'attestation du 5 janvier 2022 de l'Université de Nantes.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Toulon ait considéré que l'arrêté en litige n'était pas entaché d'une erreur d'appréciation s'agissant de la réalité et du sérieux de ses études.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par le préfet du Var devant le tribunal administratif.
10. L'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
11. Le préfet du Var a fait valoir en première instance, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 11 mars 2022 en réponse à la communication du moyen d'ordre public effectuée en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et communiqué à la requérante, que l'intéressée ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants qui sont une des conditions requises au renouvellement de la carte de séjour en qualité d'étudiant en application des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-sénégalais citées au point 3. Il doit ainsi être regardé comme ayant sollicité une substitution de motifs sur l'absence de moyens d'existence suffisants. Or la requérante n'a produit aucun document, ni devant le tribunal administratif, ni devant la cour, permettant d'établir qu'elle justifierait de moyens d'existence suffisants au regard des critères posés par l'annexe de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 précités. La lettre explicative adressée au préfet dans le cadre de l'instruction de sa demande et produite par le préfet devant le tribunal indiquant que son salaire atteint souvent le salaire minimum de croissance et qu'elle travaille certains dimanches pour lesquels elle est payée en heures supplémentaires ne permet pas d'établir à elle seule, eu égard à son imprécision, que Mme A... justifierait de moyens d'existence suffisants. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs formulée par le préfet du Var.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme A....
Sur les frais liés au litige :
14. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de la requérante formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.
N° 22MA013792