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03/05/2023 | FRANCE | N°21MA04400

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 03 mai 2023, 21MA04400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat de la copropriété Le Hameau de Provence a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les titres de recettes émis par l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay à son encontre pour les années 2008 à 2020, de le décharger des sommes correspondantes pour les titres non encore acquittés (années 2018 à 2020) et de condamner l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay à lui verser la somme de 73 365 euros, avec intérêts au taux légal et capital

isation des intérêts, en remboursement des sommes déjà versées (années 2008 à 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat de la copropriété Le Hameau de Provence a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les titres de recettes émis par l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay à son encontre pour les années 2008 à 2020, de le décharger des sommes correspondantes pour les titres non encore acquittés (années 2018 à 2020) et de condamner l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay à lui verser la somme de 73 365 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en remboursement des sommes déjà versées (années 2008 à 2017).

Par un jugement n°1802931 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande comme irrecevable.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 novembre 2021, 24 février et 20 juillet 2022, le syndicat de la copropriété Le Hameau de Provence, représenté par Me Varner, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 2021 ;

2°) d'annuler les titres de recettes émis par l'association syndicale autorisée (ASA) du Domaine du Rastel d'Agay à son encontre pour les années 2008 à 2020 ;

3°) de le décharger des sommes correspondantes ;

4°) de condamner l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay à lui verser la somme de 73 365 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts;

5°) de mettre à la charge de l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal lui a opposé l'irrecevabilité de sa demande pour défaut de capacité pour agir du syndic ; ce faisant, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, le principe constitutionnel d'égalité devant la justice et le principe d'égalité des armes garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en se fondant sur les seules écritures irrecevables du défendeur, sans l'avoir au préalable invité à régulariser sa requête ; la délibération du 25 novembre 2021 adoptée lors de l'assemblée générale extraordinaire de la copropriété Le Hameau de Provence a expressément autorisé le syndic à agir en justice ;

- les autres fins de non-recevoir opposées en défense ne sont pas fondées ;

- les titres de recettes sont fondés sur une clé de répartition des redevances syndicales entre les colotis du lotissement géré par l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay, fixée à l'article 24 des statuts de l'association, lequel a été adopté en violation de l'article 51 du décret 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires :

- l'assemblée générale était incompétente pour en décider ;

- la fixation des bases de répartition aurait dû être décidée par délibération du syndicat notifiée à chaque membre ;

- les exigences formelles posées par les dispositions de l'article 51 (projet de base de répartition, tableau faisant apparaître la contribution de chaque membre, mémoire explicatif) ne sont pas satisfaites ;

- la répartition opérée est entachée d'une erreur de droit, car elle ne repose pas sur un classement des propriétés en fonction de leur intérêt à l'exécution des missions de l'association mais, pour ce qui concerne Le Hameau de Provence, sur un accord informel datant de 1982 et méconnaissant lui-même les statuts de 1979 de l'association syndicale autorisée, ainsi que le décret du 18 décembre 1927 portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales ;

- l'adoption de l'article 24 des statuts est entachée de détournement de pouvoir, la participation d'une petite partie des membres par courrier ayant été utilisée au lieu d'une assemblée générale extraordinaire ;

- pour les années 2008 à 2017, les redevances ont été intégralement payées à l'association syndicale autorisée, pour un total de 73 365 euros, alors que les titres émis pour ces années comportaient des irrégularités ; ces montants doivent être remboursés ;

- pour les années 2018 à 2020, il sollicite la décharge de l'obligation de payer ces titres émis sur le fondement de l'article 24 des statuts de l'ASA, qui est illégal.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 janvier, 31 mars, 19 mai et 12 septembre 2022, l'association syndicale autorisée (ASA) du Domaine du Rastel d'Agay, représentée par la SCP Les avocats Izard Pradeau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le requérant ne peut régulariser en appel l'irrecevabilité dont est entachée sa demande de première instance ;

- la demande de première instance est irrecevable pour les motifs suivants :

o défaut de qualité pour agir du syndic de copropriété ;

o défaut de production des actes attaqués, en méconnaissance de l'article R. 412-1 du code de justice administrative ;

o tardiveté de la requête, au regard des dispositions de l'article 54 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 et de l'article 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

o absence de lien suffisant entre les décisions contestées ;

o irrecevabilité du moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'article 24 des statuts en raison de sa tardiveté ;

o irrecevabilité des moyens relatifs à la régularité formelle des actes, notamment des actes de poursuite ;

o irrecevabilité des demandes nouvelles formées en cours d'instance et visant à l'annulation et la décharge concernant les années 2018 à 2020 ;

- la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Varner représentant la copropriété Hameau de Provence et celles de Me De Sousa substituant Me Izard pour l'ASA Domaine du Rastel d'Agay.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat de copropriété Le Hameau de Provence est intégré à l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay, dont les statuts, initialement adoptés le 25 juin 1979, ont été mis à jour en mars et avril 2008. Il conteste les modalités de calcul de la redevance qui lui est réclamée depuis cette date et relève appel du jugement du 15 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de recettes émis par l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay à son encontre pour les années 2008 à 2020, la condamnation de cette dernière au remboursement des sommes déjà versées (années 2008 à 2017) et à ce qu'il soit déchargé des sommes correspondantes pour les titres non encore acquittés (années 2018 à 2020).

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". Selon l'article R. 611-1 du même code, la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties dans les conditions prévues à l'article R. 611-3. Aux termes de cet article : " Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties (...). La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. / Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser et qu'il doit être procédé à cette invitation par lettre remise contre signature ou par tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception. La communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi par ailleurs que le mémoire en défense a bien été reçu par l'intéressé.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans son mémoire en défense du 20 mars 2019, l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay a opposé une fin de non-recevoir tirée de ce que le syndic ne justifiait pas disposer d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice dans le cadre de l'instance introduite devant le tribunal. Ce mémoire en défense a été communiqué via Télérecours à l'avocat du requérant, qui en a accusé réception le même jour. Dans son mémoire en réplique du 23 mai 2019, le syndicat de copropriété requérant a d'ailleurs expressément répondu à cette fin de non-recevoir.

5. D'une part, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal, avant d'accueillir la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'autorisation du syndic pour agir en justice, a vérifié au préalable la recevabilité des écritures en défense de l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay, en s'assurant que le président avait été explicitement autorisé à agir en justice par le syndicat de l'association, conformément à l'article 17 des statuts de cette association. D'autre part, ainsi que l'a jugé le tribunal, le syndicat de l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay, compétent en application de l'article 17 des statuts de cette association pour autoriser le président à agir en justice, a expressément autorisé ce dernier, par une délibération du 18 décembre 2018, qui vise cet article et mentionne " le problème du Hameau ", à ester en justice dans le cadre de l'instance introduite par le syndicat de copropriété Le Hameau de Provence.

6. Dès lors, en se prononçant sur la fin de non-recevoir opposée par l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay tirée du défaut de qualité pour agir du syndicat de copropriété requérant, sans avoir au préalable invité le requérant à régulariser sa requête, le tribunal n'a méconnu ni les dispositions précitées de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, ni le principe constitutionnel d'égalité devant la justice ni le principe d'égalité des armes garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. En vertu de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndic représente le syndicat des copropriétaires en justice. Aux termes de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de cette loi dans sa rédaction alors applicable : " Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. / Une telle autorisation n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en œuvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. / Dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites. ".

8. Il résulte de ces dispositions que, dans les cas où une autorisation est requise, le syndic, agissant au nom de la copropriété, est tenu de disposer, sous peine d'irrecevabilité de sa demande, d'une autorisation formelle de l'assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice en son nom, habilitation qui doit préciser l'objet et la finalité du contentieux engagé. Le pouvoir ainsi donné au syndic est compris dans les limites qui ont, le cas échéant, été fixées par la décision de l'assemblée générale.

9. Ainsi que l'a relevé le tribunal, le procès-verbal de l'assemblée générale de la copropriété du 1er août 2015, produit par le requérant pour justifier de la capacité pour agir en justice du syndic, fait état d'une " éventuelle procédure à l'encontre de l'ASA ", sans mentionner explicitement, ni qu'une habilitation pour ester en justice serait consentie à son syndic, ni l'objet de cette procédure, ce procès-verbal ne faisant état d'un désaccord que sur les " cinq dernières années " de redevance. Ce procès-verbal indique en outre une proposition de " médiateur pour trouver éventuellement sortie de crise ". Cette pièce, eu égard à son imprécision, tant dans son objet que dans la désignation du bénéficiaire, et à son défaut de concordance avec les conclusions de la demande présentées devant le tribunal qui portaient sur les années 2008 à 2020, ne saurait être regardée comme une autorisation pour le syndic d'agir en justice, au sens des dispositions précitées. En outre, si le syndicat de copropriété Le Hameau de Provence produit devant la Cour une délibération du 25 novembre 2021 adoptée lors de l'assemblée générale extraordinaire de la copropriété Le Hameau de Provence par laquelle cette dernière autorise le syndic à saisir le tribunal administratif, la production de cette délibération, prise postérieurement au jugement attaqué, n'est pas de nature à régulariser la demande présentée devant le tribunal administratif.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le syndicat de copropriété Le Hameau de Provence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les frais du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay la somme demandée par le syndicat de copropriété Le Hameau de Provence au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat de copropriété Le Hameau de Provence la somme de 2 000 euros à verser à l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat de la copropriété Le Hameau de Provence est rejetée.

Article 2 : Le syndicat de copropriété Le Hameau de Provence versera à l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat de la copropriété Le Hameau de Provence et à l'association syndicale autorisée du Domaine du Rastel d'Agay.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2023, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2023.

N° 21MA04400 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04400
Date de la décision : 03/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Associations syndicales - Questions communes - Fonctionnement.

Logement.

Procédure - Introduction de l'instance - Qualité pour agir - Représentation des personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP LES AVOCATS IZARD et PRADEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-03;21ma04400 ?
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