Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer son droit au séjour et de lui délivrer, dans l'attente d'une nouvelle décision, un récépissé l'autorisant à travailler.
Par un jugement n° 2004792 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2021 et 5 janvier 2022, Mme B..., représentée par Me Oloumi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2021 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer son droit au séjour et de lui délivrer, dans l'attente d'une nouvelle décision, un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, et à défaut, en cas d'absence ou de retrait de bénéfice d'aide juridictionnelle, à son profit.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- en jugeant que Mme B... ne justifie pas, en tout état de cause, de son appartenance au mouvement religieux des témoins de Jéhovah, les premiers juges ont commis une erreur de fait et une erreur de droit dans la mesure où ils n'avaient pas le pouvoir d'exiger des preuves de cette appartenance en application des stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de Mme E... et les observations de Me Bachtli substituant Me Oloumi, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante russe, née le 17 février 1977, a sollicité le 14 mai 2018 le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été accordée en qualité de parent d'un enfant malade, son fils F... B..., sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 avril 2019 le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi. Par un jugement du 27 février 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il fait obligation à l'enfant, Alexander B..., de quitter le territoire français et rejeté le surplus de la demande de Mme B.... L'appel de Mme B... contre ce jugement a été rejeté par une ordonnance de la présidente de la cour administrative de Marseille du 2 février 2021. Par un arrêté du 9 juillet 2020 le préfet des Alpes-Maritimes, se prononçant de nouveau sur la demande de Mme B... du 14 mai 2018, a réitéré son refus de lui délivrer un titre de séjour et l'obligation qui lui était faite de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme B... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise l'ensemble des textes applicables à la situation de Mme B..., ainsi que l'ensemble de la procédure la concernant rappelée au point 1. La seule circonstance que le préfet ait reproduit, aux termes de l'arrêté attaqué, l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 9 octobre 2018 ne saurait établir qu'il se serait cru tenu par cet avis pour rejeter la demande présentée par l'intéressée, dès lors qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 26 avril 2019, expressément visé, que le préfet a procédé, dans le cadre de la demande du 14 mai 2018 dont il était saisi, à l'examen de la situation administrative et personnelle de Mme B..., et a notamment recherché si les conséquences d'un refus de séjour n'étaient pas disproportionnées par rapport à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et si son retour dans son pays d'origine n'était pas de nature à l'exposer à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Mme B... fait valoir qu'elle réside régulièrement en France depuis 2015 sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour qui lui a été accordée sur le fondement de l'article L. 311-12 en raison de l'état de santé de son enfant F... B..., né en France le 7 juillet 2015, que son mari les a rejoints, qu'elle est devenue mère d'un second enfant, D..., né en 2017, et qu'elle dispose d'une promesse d'embauche en vue d'un contrat à durée indéterminée. Toutefois, il résulte de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII émis le 9 octobre 2018 que si l'état de santé de l'enfant Alexander nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Par ailleurs, il n'est établi ni que son mari ou son ex-mari, Mme B... faisant valoir en appel qu'elle a demandé le divorce, et père de ses enfants, réside régulièrement en France ni qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans et alors même que sa mère est décédée en octobre 2021. Dans ces circonstances, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et que le préfet des Alpes-Maritimes aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Mme B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 4, que Mme B... et le père de ses enfants sont tous deux en situation irrégulière et que rien ne s'oppose à ce que leurs deux enfants suivent leurs parents en Russie où ils pourront y poursuivre leur scolarité. Par suite, le moyen tiré des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1º A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2º Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3º Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ces stipulations et dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
8. Si Mme B... fait valoir que le tribunal ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lesquelles garantissent la liberté de pensée, de conscience et de religion, exiger qu'elle prouve son appartenance à la communauté des témoins de Jéhovah, ces stipulations n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser la personne qui invoque des craintes fondées sur son appartenance religieuse d'apporter la preuve d'une telle appartenance.
9. En l'espèce, si Mme B... fait valoir qu'elle est membre du groupe " Témoins de Jéhovah " à Nice et produit, pour la première fois en appel une capture d'écran d'un profil d'utilisateur duquel il ressortirait qu'elle a été baptisée le 12 mai 2005, elle n'établit ni son implication au sein de la communauté des témoins de Jéhovah et l'effectivité de son investissement au sein de cette même communauté lorsqu'elle était en Russie, ni les risques de persécution qu'elle encourrait personnellement en Fédération de Russie, alors, par ailleurs, qu'elle n'a pas déposé de demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Oloumi et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.
N° 21MA04936 2
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