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17/04/2023 | FRANCE | N°22MA01772

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 17 avril 2023, 22MA01772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 5 403,25 euros au titre des jours portés sur son compte épargne-temps, des heures supplémentaires non récupérées et des congés annuels non pris lors de son admission à la retraite.

Par un jugement n° 1502412 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA00029 du 16 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M

. A..., annulé ce jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires relativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 5 403,25 euros au titre des jours portés sur son compte épargne-temps, des heures supplémentaires non récupérées et des congés annuels non pris lors de son admission à la retraite.

Par un jugement n° 1502412 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA00029 du 16 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires relatives aux congés annuels et aux heures supplémentaires, condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité de 2 673,25 euros au titre des heures supplémentaires non récupérées et des congés non pris et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décision n° 443053 du 22 juin 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de M. A... relatives aux congés non pris au cours de l'année 2013 et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 19 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Alias, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud qui lui refuse le versement des indemnités liées aux congés annuels ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 050 euros correspondant à l'indemnisation de vingt-cinq jours de congés annuels restants ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- la durée de quatre semaines prévue par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 est une durée minimale, et non une durée maximale, de congés payés annuels ;

- il a donc droit à l'indemnisation de vingt-cinq jours de congés.

Par ordonnance du 21 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2022 à midi.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a présenté un mémoire, enregistré le 27 mars 2023, après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., brigadier-chef de police, a été admis à la retraite à compter du 31 décembre 2013. Par un jugement du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser, premièrement, des jours restant inscrits, à la date de son départ en retraite, sur son compte épargne-temps, deuxièmement, des heures supplémentaires effectuées et non récupérées à la même date et, enfin, des congés annuels qui, à cette date, n'avaient pas été pris. Par un arrêt du 16 juin 2020, la Cour a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires relatives aux heures supplémentaires non récupérées et aux congés annuels non pris et condamné l'Etat à verser à l'intéressé, à ces deux titres, les sommes de 1 623,25 euros et 1 050 euros. Le ministre de l'intérieur a saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi tendant à l'annulation de cet arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires relatives aux congés non pris au cours de l'année ayant précédé le départ à la retraite de M. A.... Le Conseil d'Etat a fait droit à ces conclusions et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour.

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales / 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. ". En application du B de l'annexe I de cette directive, le délai de transposition de cet article était fixé au 23 mars 2005. Ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009, font obstacle, d'une part, à ce que le droit au congé annuel payé qu'un travailleur n'a pas pu exercer pendant une certaine période, parce qu'il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de la période en cause, s'éteigne à l'expiration de celle-ci et, d'autre part, à ce que, lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, tout droit à indemnité financière soit dénié au travailleur qui n'a pu, pour cette raison, exercer son droit au congé annuel payé. Ce droit au report ou, lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, à indemnisation financière, s'exerce toutefois, en l'absence de dispositions sur ce point dans le droit national, dans la limite de quatre semaines par année de référence prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article 7 de la directive.

3. Il en résulte que les dispositions de l'article 5 du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat ne sont, en tant qu'elles ne prévoient pas l'indemnisation des congés annuels qu'un agent aurait été, en raison d'un arrêt de maladie, dans l'impossibilité de prendre avant la fin de sa relation de travail, pas compatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. En revanche, il résulte également de ce qui a été dit au point précédent que l'indemnité due au titre des congés payés doit se limiter à quatre semaines par année de référence, soit vingt jours de congés.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à la demande de M. A... :

4. Si un agent qui s'est trouvé, du fait d'un congé maladie, dans l'impossibilité de prendre des congés au cours d'une année civile donnée peut les prendre au cours d'une période de quinze mois après le terme de cette année, ce délai de quinze mois ne s'impose pas aux demandes tendant non pas à la prise des congés annuels mais à l'indemnisation des congés annuels non pris. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est donc pas fondé à soutenir que la demande de M. A... ne peut être satisfaite faute d'avoir été présentée à l'administration avant l'expiration de cette période de quinze mois.

Sur l'indemnité due à M. A... au titre des congés annuels non pris :

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A... peut prétendre à une indemnité à raison des jours de congés annuels non pris pendant l'année précédant sa mise à la retraite, dans la limite des vingt jours prévus par la directive.

6. Il ressort, en l'espèce, du relevé du compteur " Geopol " produit par le ministre de l'intérieur devant le Conseil d'Etat, communiqué à M. A... le 14 décembre 2020, et dont les indications ne sont pas contestées par celui-ci, qu'à la date de son départ à la retraite, M. A... avait déjà pris, au cours de l'année 2013, un total de dix jours de congés annuels.

7. Dès lors, le droit à indemnité de M. A... se limite à dix jours de congés annuels. L'indemnité à laquelle il peut prétendre s'élève donc, à raison de 65 euros par jour, à un total de 650 euros pour dix jours de congés annuels non pris, au lieu des vingt-cinq jours de congés et 1 050 euros qu'il revendique, en commettant d'ailleurs une erreur de calcul à son propre détriment (" 25 x 65 = 1 050 euros ").

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au titre des congés annuels non pris, et à demander la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 650 euros.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A... en remboursement des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1502412 du 27 novembre 2017 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires portant sur les congés annuels de M. A... au titre de l'année précédant sa retraite.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... une indemnité pour congés annuels non pris d'un montant de 650 euros.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la zone Défense Sud.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2023, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jacqueline Marchessaux, première conseillère,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 avril 2023.

N° 22MA01772 2


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