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14/04/2023 | FRANCE | N°22MA00797

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 14 avril 2023, 22MA00797


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2105832 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enr

egistrée le 7 mars 2022, Mme D..., représentée par Me Belotti, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2105832 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2022, Mme D..., représentée par Me Belotti, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 15 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation de séjour portant droit au travail dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision de refus d'admission au séjour :

- aucun élément ne permet de vérifier que les médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont été régulièrement désignés ;

- le rapport médical, sur lequel est basé l'avis du collège de médecins, est incomplet, de sorte que les articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;

- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement médical adapté à son état de santé ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle porte refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur ses attaches sur le territoire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Mme D... a été admise au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.

Par une ordonnance du 25 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juin 2022.

Par un courrier du 8 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité, d'une part, des vices de procédure relatifs à l'élaboration de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, d'autre part, du défaut de motivation de la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire qui sont fondés sur une cause juridique distincte de celle invoquée devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., de nationalité nigériane, relève appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 15 février 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A supposer que la requérante puisse être regardée comme invoquant le moyen tiré de ce que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte de l'instruction que Mme D... ne s'était pas prévalue de ces stipulations devant le tribunal. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus d'admission au séjour :

3. Devant le tribunal administratif, Mme D... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de l'arrêté contesté. Si devant la cour, elle soutient en outre que cet arrêté, en ce qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, serait entaché de vices de procédure relatifs à l'élaboration de l'avis du collège des médecins de l'OFII, ces moyens, fondés sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Pour refuser le titre de séjour sollicité par Mme D..., le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur l'avis émis le 31 décembre 2020 par le collège de médecins de l'OFII qui a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une extrême gravité, celle-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine où elle peut se rendre sans risque au regard de son état de santé. Mme D..., qui entend contester le sens de cet avis, a produit devant la cour le certificat médical confidentiel adressé au médecin de l'OFII établi le 18 novembre 2020, ainsi que plusieurs documents médicaux mentionnant la pathologie dont elle est atteinte et le traitement nécessaire à son état de santé.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat médical établi le 9 décembre 2021 et résultant de l'examen réalisé le 29 juin 2016 établi par le docteur C... et du certificat médical confidentiel adressé au médecin de l'OFII, que l'état de santé de la requérante, qui souffre d'hyperthyroïdie diagnostiquée au cours de l'année 2016, nécessite, de façon permanente, un traitement par levothyrox dosé à 125 µg par jour ainsi qu'un suivi clinique et biologique à réaliser tous les six mois afin d'évaluer le dosage de ce traitement. Mme D... soutient devant la cour qu'elle ne pourrait pas avoir un accès effectif à ce traitement médicamenteux en cas de retour dans son pays d'origine. En l'espèce, s'il ressort des pièces du dossier que le dosage du levothyrox doit être évalué régulièrement afin d'être adapté le cas échéant, la seule circonstance que ce médicament ne serait commercialisé au Nigeria que sous forme de comprimés dosés à 50 et 100 µg, sans qu'il ne soit par ailleurs établi que ces comprimés ne seraient pas sécables, alors que le traitement de la requérante est de 125 µg par jour, ne permet pas d'établir que le dosage dont elle a besoin ne lui serait pas accessible dans son pays. En outre, la requérante, qui fait état de différentes carences du système médical au Nigeria en produisant notamment un rapport " MedCOI " du gouvernement britannique concernant ce pays et mis à jour en février 2022 qui met en exergue le difficile accès aux médicaments pour une majorité de la population n'établit pas que sa situation personnelle, en cas de retour dans son pays d'origine, ne lui permettrait pas d'avoir un accès effectif à son traitement. Par ailleurs, en se bornant à produire une attestation d'un établissement médical de son pays d'origine rédigé à la suite d'un examen médical réalisé en 2005 indiquant que le coût d'un traitement mensuel de levothyrox serait de l'ordre de 50 000 nairas, et le résultat d'une conversion de ce montant qui correspond à 112 euros, la requérante ne démontre pas non plus que sa situation ne lui permettrait pas de se procurer le traitement nécessaire à son état de santé. Aucune des pièces produites ne permet ainsi d'établir qu'elle n'aurait pas accès aux soins nécessaires dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. A supposer même que la résidence habituelle de la requérante sur le territoire à compter de l'année 2013 soit établie ainsi qu'elle le soutient, les pièces versées au dossier, composées en majeure partie de documents et courriers administratifs tels que relevés de compte, courriers de l'assurance maladie, factures d'électricité, quittances de loyer, bail à usage d'habitation et de documents de nature médicale ne sont pas de nature à établir l'existence de liens privés et familiaux anciens, stables et intenses de l'intéressée sur le territoire. Les deux attestations produites, l'une établie le 7 juin 2021 par le président de l'association collectif boxe Massilia indiquant que la requérante est une membre active de l'association qui suit les cours de boxe anglaise les vendredis de 18h à 20h, et l'autre établie le 16 juillet 2021 indiquant qu'elle suit régulièrement les cours de français langue étrangère tous les mardis depuis juin 2020, ne permettent pas d'établir une insertion socio-économique significative. Il n'est en outre pas établi, ni même allégué, que la requérante serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. L'ensemble des moyens soulevés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, il y a lieu d'écarter l'exception d'illégalité que Mme D... soulève à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse.

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés, respectivement, aux points 7 et 9, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait, d'une part, le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'autre part, l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours :

12. Devant le tribunal administratif, Mme D... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de l'arrêté contesté. Si devant la cour, elle soutient en outre que cet arrêté, pris en ce qu'il lui accorde un délai de départ volontaire de trente jours, serait insuffisamment motivé, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Me Belotti et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

N° 22MA007972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00797
Date de la décision : 14/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Cécile FEDI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BELOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-14;22ma00797 ?
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