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03/04/2023 | FRANCE | N°21MA01311

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 03 avril 2023, 21MA01311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Transports Tiberi a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la collectivité de Corse, venant aux droits du département de la Haute-Corse, à lui verser la somme de 448 801,56 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 14 septembre 2017, capitalisés, au titre des marchés de transports scolaires lots n°s 78, 80 et 82.

Par un jugement n° 1800220 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

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r une requête, enregistrée le 4 avril 2021, la SARL Transports Tiberi, représentée par Me Poli,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Transports Tiberi a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la collectivité de Corse, venant aux droits du département de la Haute-Corse, à lui verser la somme de 448 801,56 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 14 septembre 2017, capitalisés, au titre des marchés de transports scolaires lots n°s 78, 80 et 82.

Par un jugement n° 1800220 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2021, la SARL Transports Tiberi, représentée par Me Poli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 4 février 2021 ;

2°) de condamner la collectivité de Corse à lui verser la somme de 448 801,56 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 14 septembre 2017, capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable au motif que le décompte de résiliation avait été régulièrement émis à son encontre le 10 juin 2014, faute de contestation dans les trente jours en application de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes de services (CCAG FCS), alors qu'aucun état liquidatif général de résiliation n'a été notifié ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que l'état liquidatif pouvait être émis plus d'un an après la résiliation, à défaut de mise en demeure de la société Tiberi ;

- sur le fond, la collectivité de Corse n'est pas fondée à se prévaloir d'un avenant du 16 juin 2011 relatif à la clause d'actualisation, compte tenu, d'une part du caractère intangible de la formule de révision des prix et, d'autre part, de son caractère rétroactif, alors en outre qu'elle avait accepté d'appliquer la formule d'actualisation originaire dans le protocole d'accord transactionnel du 22 décembre 2016 ;

- la collectivité de Corse a procédé à des manœuvres dolosives ;

- le motif d'intérêt général justifiant la résiliation n'a pas été précisé.

Un courrier du 25 octobre 2022 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2022, la collectivité de Corse, représentée par Me Lelièvre, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la SARL Transports Tiberi la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal a opposé l'irrecevabilité de la demande de première instance ;

- les autres moyens de la demande ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°77-699 du 27 mai 1977 ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Lelièvre, pour la collectivité de Corse.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 juin 2013, le département de la Haute-Corse a résilié, pour un motif d'intérêt général les trois marchés, attribués à la SARL Transports Tiberi, pour le transport régulier routier de voyageurs assurant à titre principal la desserte des établissements scolaires, référencés n° 20, 21 et 44 correspondant respectivement aux lots n° 78, 80 et 82, conclus le 1er février 2007 pour les deux premiers et le 5 octobre 2007 pour le troisième. La société requérante a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la collectivité de Corse, venant aux droits du département de la Haute-Corse, à lui verser la somme de 448 801,56 euros, montant dû, selon elle, au titre des clauses d'actualisation de l'article 7-7 du cahier des clauses administratives particulières, déduction faite de la somme de 111 561,51 euros déjà réglée par le département de la Haute-Corse. Elle relève appel du jugement du 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande, comme irrecevable.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 2.5 du décret du 27 mai 1977 approuvant le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services : " Forme des notifications et communications : / 2.51. Lorsque la notification d'une décision ou communication de la personne publique ou de la personne responsable du marché doit faire courir un délai, ce document est notifié au titulaire soit à son adresse indiquée dans le contrat par lettre recommandée ou télégramme avec demande d'avis de réception postal, soit directement à lui-même ou à son représentant qualifié. Dans le cas d'une remise directe, la notification est constatée par un reçu ou un émargement donné par l'intéressé. ". Et selon l'article 8 bis du même CCAG : " Modalités complémentaires de règlement des comptes / La remise du décompte, de la facture ou du mémoire, visée à l'article 8, est faite par lettre recommandé avec demande d'avis de réception postal ou contre récépissé daté. ", l'article 8.7 précisant qu' " En cas de résiliation du marché, quelle qu'en soit la cause, une liquidation des comptes est effectuée ; les sommes restant dues par le titulaire sont immédiatement exigibles. " et l'article 30.1 indiquant que " Le marché résilié est liquidé en tenant compte, d'une part des prestations terminées et admises et, d'autre part, des prestations en cours d'exécution dont la personne responsable du marché accepte l'achèvement. / Le décompte de liquidation du marché qui contient éventuellement l'indemnité fixée à l'article 31 est arrêté par décision de la personne publique et notifié au titulaire. ". Enfin, selon l'article 34.1 du même CCAG : " Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. ".

3. Pour rejeter la demande de la société Transports Tiberi, le tribunal administratif de Bastia a accueilli la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai de réclamation de trente jours, opposée par la collectivité de Corse, en estimant que l'état liquidatif du 10 juin 2014 devait être regardé comme effectuant la liquidation des comptes, prévue en cas de résiliation par l'article 8.7 du CCAG cité au point précédent, puis en considérant que le tampon de la société Transports Tiberi, la signature sur cet état liquidatif ainsi que la mention de la date du 10 juin 2014, devaient être regardés comme constituant le " récépissé daté " prévu par les dispositions de l'article 8 bis du CCAG précité. Le tribunal en a alors déduit que le décompte de résiliation avait été régulièrement remis à la SARL Transports Tiberi le 10 juin 2014 et que faute pour celle-ci de l'avoir contesté par un mémoire en réclamation présenté dans un délai de trente jours suivant sa remise, la collectivité de Corse était fondée à soutenir que la demande de la société tendant au paiement de trois factures au titre de la clause d'actualisation de la rémunération était irrecevable et devait être rejetée.

4. D'une part, si l'article 8.7 du CCAG cité au point 2 précise qu'en cas de résiliation du marché, les sommes restant dues par le titulaire sont immédiatement exigibles, ces dispositions ne peuvent être invoquées qu'au bénéfice de la personne publique contractante. Elles n'impliquent pas, au demeurant, que le décompte de liquidation doive être établi immédiatement après la résiliation. Et il ne résulte pas par ailleurs du CCAG approuvé le 27 mai 1977 que le décompte de liquidation du marché que la personne publique doit arrêter et notifier au titulaire en application de l'article 30.1 du même CCAG doive être établi dans un délai précis. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le décompte serait irrégulier au motif qu'il a été émis plus d'un an après la résiliation. Par ailleurs, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, dans le cas où le maître d'ouvrage n'établit pas le décompte général et définitif, il appartient à l'entrepreneur, avant de saisir le juge, de mettre celui-ci en demeure d'y procéder.

5. D'autre part, pour contester la forclusion qui lui a ainsi été opposée, la société requérante ne peut sérieusement soutenir qu'aucun état liquidatif général ne lui a été notifié alors que comme l'a relevé à juste titre le tribunal, l'état liquidatif du 10 juin 2014 émis pour un montant de 111 561,51 euros est revêtu de la signature et du tampon de la société Transports Tiberi ainsi que de la mention " Fait à Bastia le 10 juin 2014 " et qu'en application de l'article 2.51 du CCAG cité au point 2, dans le cas d'une remise directe, la notification est constatée par un reçu ou un émargement donné par l'intéressé. En outre, il résulte de l'attestation du payeur départemental de Haute-Corse du 8 juin 2015 que les sommes figurant dans cet état liquidatif ont été mandatées le 20 juin 2014 au profit de la société Tiberi. Cet état liquidatif, qui a été adressé par la collectivité en réponse aux factures que lui avait adressées la société Transports Tiberi le 24 janvier 2014 et le 10 avril 2014 appliquant la clause d'actualisation de l'article 7-7 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), et dans lequel il est fait application de la formule de réévaluation annuelle prévue par l'article 7-7 du CCAP modifié par l'avenant du 16 juin 2011, doit par conséquent être regardé comme ayant fait naître un différend entre les parties.

6. Par suite, un différend, au sens des stipulations précitées de l'article 34.1, étant né le 10 juin 2014 entre la société Transports Tiberi et le département de la Haute-Corse, aux droits duquel vient la collectivité de Corse, la société requérante était donc tenue, en application des dispositions de l'article 34.1 du CCAG-FCS rappelées au point 2, préalablement à la saisine du juge, de présenter un mémoire en réclamation à la personne responsable du marché dans un délai de trente jours avant sa remise, soit avant le 10 juillet 2014. Son mémoire en réclamation daté du 23 novembre 2017, reçu le 28 novembre suivant, était donc tardif.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Transport Tiberi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la collectivité de Corse qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Transports Tiberi la somme de 1 500 euros, à verser à la collectivité de Corse en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Transports Tiberi est rejetée.

Article 2 : La SARL Transports Tiberi versera à la collectivité de Corse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Transports Tiberi et à la collectivité de Corse.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2023.

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N° 21MA01311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01311
Date de la décision : 03/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-02 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation. - Effets.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : POLI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-03;21ma01311 ?
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