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23/03/2023 | FRANCE | N°20MA03815

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 23 mars 2023, 20MA03815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés en nom collectif Monachetto 07-07 et Grima 7-05 ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Beausoleil à leur verser la somme globale de 527 648,46 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points, ou subsidiairement au taux légal non majoré, ainsi que de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1700598 du 10 août 2020, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Beausoleil à verser aux sociétés Monachetto et

Grima la somme de 527 648,46 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés en nom collectif Monachetto 07-07 et Grima 7-05 ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Beausoleil à leur verser la somme globale de 527 648,46 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points, ou subsidiairement au taux légal non majoré, ainsi que de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1700598 du 10 août 2020, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Beausoleil à verser aux sociétés Monachetto et Grima la somme de 527 648,46 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2016 et de leur capitalisation à compter du 13 octobre 2017 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 octobre 2020, la commune de Beausoleil, représentée par Me Szepetowski, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 10 août 2020 ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure engagée par les sociétés Monachetto et Grima devant le tribunal administratif de Nice et relative à la " conformité des travaux réalisés " par celles-ci ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert ayant pour mission de déterminer la nature des équipements publics réalisés à la date à laquelle l'illégalité du programme d'aménagement d'ensemble aurait été acquise, ainsi que le montant des participations dont les sociétés pétitionnaires auraient été redevables en l'absence d'un tel programme d'aménagement d'ensemble ;

4°) de mettre à la charge des sociétés Monachetto et Grima la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune restitution des sommes versées au titre de la convention de 2010 ne pouvait être ordonnée, les travaux réalisés par les sociétés Monachetto et Grima, non conformes au permis délivré, n'ayant pas été réceptionnés ;

- les délibérations ayant modifié notamment le délai de réalisation des équipements publics sont, en l'absence de toute contestation, devenues définitives avant la délivrance des permis de construire en cause et les sociétés Monachetto et Grima ne peuvent soutenir que leurs obligations auraient été illégales dès l'origine ;

- subsidiairement, la cour devra surseoir à statuer dans l'attente du jugement à venir du tribunal administratif de Nice relatif à l'instance concernant la réception des travaux exécutés pour le compte des sociétés Monachetto et Grima.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2021, la société Monachetto et la société Grima, représentées par Me Bornard, concluent au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué ou, subsidiairement, à ce que la somme que la commune de Beausoleil a été condamnée à leur verser soit assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de cinq points et de leur capitalisation, et à ce que soit mise à la charge des sociétés Monachetto et Grima la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- à titre principal, elles sont fondées à solliciter, ainsi que l'a jugé le tribunal, la restitution de la somme mentionnée à l'article 1er du jugement attaqué ;

- à titre subsidiaire, la seule prorogation du délai d'achèvement du programme d'aménagement d'ensemble étant illégale et la convention tripartite conclue le 14 janvier 2010 étant dépourvue de base légale, elles sont fondées à solliciter la répétition des sommes versées en application de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, la somme due devant être assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de cinq points et de leur capitalisation.

La clôture de l'instruction à effet immédiat a été prononcée le 25 août 2021.

Le mémoire présenté pour les sociétés Monachetto et Grima et enregistré le 23 janvier 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

En réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour le 10 février 2023, la commune de Beausoleil a produit, le 22 février suivant, des pièces qui ont été communiquées le même jour aux sociétés Monachetto et Grima en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Mourey, représentant les sociétés Monachetto et Grima.

Une note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2023, a été présentée par les sociétés Monachetto et Grima.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 11 juillet 1992, le conseil municipal de Beausoleil a institué, dans le secteur de la Moyenne Corniche, un programme d'aménagement d'ensemble. Celui-ci a été ultérieurement modifié par plusieurs délibérations successives et, en dernier lieu, par une délibération du 10 juillet 2003 indiquant que ce programme d'aménagement d'ensemble devra être " achevé au plus tard le 11 juillet 2012, comme fixé par la délibération du 12 septembre 2002 ". Les sociétés Monachetto et Grima, qui ont obtenu le transfert des permis de construire délivrés par le maire de Beausoleil au cours de l'année 2005, et complétés par des permis modificatifs, en vue de l'édification de deux immeubles d'habitation dans le périmètre de ce programme d'aménagement d'ensemble, sont devenues redevables de la participation à caractère non fiscal prévue par les dispositions alors en vigueur de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme. Elles ont conclu avec la commune de Beausoleil, les 12 et 14 janvier 2010, une convention fixant, à son article 2, les modalités du versement de cette participation d'urbanisme, en partie sous forme d'exécution de travaux en application de l'article L. 332-10 du même code. Par une lettre du 11 octobre 2016, les sociétés Monachetto et Grima ont saisi le maire de Beausoleil d'une demande tendant à la répétition, sur le fondement de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, ou, à tout le moins, à la restitution, sur le fondement de l'article L. 332-11 du même code, des sommes, d'un montant total de 527 648,46 euros toutes taxes comprises, engagées par elles au titre de cette participation, principalement sous forme d'exécution de travaux mais également sous forme de contribution financière. A la suite du rejet implicite de cette demande, ces deux sociétés ont saisi le tribunal administratif de Nice afin d'obtenir le remboursement de ces mêmes sommes. Par un jugement du 10 août 2020, ce tribunal a fait droit à la demande de restitution intégrale des sociétés Monachetto et Grima et a condamné la commune de Beausoleil à verser à celles-ci la somme de 527 648,46 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. La commune de Beausoleil relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, alors applicable : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. Lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs. Lorsqu'un équipement doit être réalisé pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans plusieurs opérations successives devant faire l'objet de zones d'aménagement concerté ou de programmes d'aménagement d'ensemble, la répartition du coût de ces équipements entre différentes opérations peut être prévue dès la première, à l'initiative de l'autorité publique qui approuve l'opération. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe (...) ". Selon le deuxième alinéa de l'article L. 332-11 du même code, alors en vigueur : " Si les équipements publics annoncés n'ont pas été réalisés dans le délai fixé par la délibération instituant ou modifiant la participation, la restitution des sommes éventuellement versées ou de celles qui correspondent au coût des prestations fournies peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire. Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, la taxe est alors rétablie de plein droit dans le secteur concerné et la restitution de ces sommes peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire pour la part excédant le montant de la taxe locale d'équipement qui aurait été exigible en l'absence de la délibération prévue à l'article L. 332-9. Les sommes à rembourser portent intérêt au taux légal ".

3. D'une part, il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme que l'adoption d'un programme d'aménagement d'ensemble doit permettre de conduire, à l'occasion d'un projet d'urbanisme, dans un ou plusieurs secteurs du territoire communal, la réalisation, dans un délai et pour un coût déterminés, d'un ensemble d'équipements publics, dont tout ou partie des dépenses peut être mis à la charge des constructeurs, correspondant aux besoins actuels des habitants du secteur et à ceux qui résulteront d'une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée. Il résulte des dispositions de l'article L. 332-11 du même code que l'absence de réalisation de l'intégralité des équipements publics annoncés à la date prévue par la délibération du conseil municipal approuvant un programme d'aménagement d'ensemble entraîne la restitution des sommes versées antérieurement à cette date, si elle est demandée, ou l'impossibilité de percevoir la participation correspondante, lorsque cette dernière est établie postérieurement à cette date.

4. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme que la taxe locale d'équipement, si elle avait été instituée dans la commune concernée, redevient exigible en l'absence de réalisation de l'intégralité des équipements publics annoncés à la date prévue par la délibération du conseil municipal approuvant un programme d'aménagement d'ensemble. Il appartient au juge qui estime que la participation, à caractère non fiscal, instituée en application de l'article L. 332-9 de ce code, n'est pas due, de rechercher d'office si le rétablissement de plein droit de la taxe locale d'équipement est susceptible de limiter le montant de la restitution ou de la décharge qu'il prononce. La restitution ou la décharge intégrale ne peut être prononcée que si l'instruction ne permet pas d'établir si la commune avait établi, et à quel taux, la taxe locale d'équipement à la date de délivrance du permis de construire.

5. Il résulte de l'instruction, et en particulier de la délibération du conseil municipal de Beausoleil du 11 juillet 1992 instituant le programme d'aménagement d'ensemble du secteur de la Moyenne Corniche ainsi que de la délibération du 10 juillet 2003 évoquée au point 1, que le programme des équipements publics devait être achevé le 11 juillet 2012 et qu'il comprenait notamment des travaux de réfection de diverses voies, au nombre desquelles figure le chemin des Cigales. Les sociétés Monachetto et Grima soutiennent, sans être contredites par la commune appelante qui ne se prévaut d'aucune modification du programme des équipements publics sur ce point, que les travaux ainsi prévus sur le chemin des Cigales n'ont pas été exécutés dans le délai fixé. En dépit de la mesure d'instruction diligentée sur ce point, la commune de Beausoleil n'a produit aucun élément relatif aux travaux concernant ce chemin. Il ne résulte pas de l'instruction que les délibérations successives qui ont modifié le programme d'aménagement d'ensemble en auraient exclu les travaux relatifs au chemin des Cigales. Par ailleurs, si la commune requérante soutient qu'elle n'a pas été en mesure d'exécuter, avant l'expiration de ce délai, d'autres travaux à sa charge, prévus par ce même programme et consistant en l'aménagement et en l'élargissement de la voie dite de la Moyenne Corniche ainsi qu'en la réalisation d'un carrefour giratoire, en raison selon elle de la non-conformité des travaux réalisés au même endroit pour le compte des sociétés Monachetto et Grima en exécution de la convention signée les 12 et 14 janvier 2010, cette circonstance, à la supposer même établie, n'est pas de nature à remettre en cause le constat de l'inexécution des travaux relatifs au chemin des Cigales. Dans ces conditions, la commune de Beausoleil n'établit pas avoir achevé, au plus tard le 11 juillet 2012, l'intégralité des équipements publics annoncés. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, au vu des seuls éléments produits par la commune requérante à la suite de la mesure d'instruction diligentée sur ce point par la cour, que la taxe locale d'équipement avait été instituée sur son territoire à la date de délivrance des permis de construire transférés aux sociétés Monachetto et Grima. Par suite, ces dernières étaient en droit d'obtenir la restitution intégrale prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Beausoleil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de restitution présentée par les sociétés Monachetto et Grima.

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par la commune de Beausoleil :

7. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 5, la solution du présent litige n'est pas subordonnée à l'issue de l'instance pendante devant le tribunal administratif de Nice et relative à la réception des travaux réalisés par les sociétés Monachetto et Grima en exécution de la convention évoquée au point 1. Par suite, les conclusions présentées à titre subsidiaire par la commune de Beausoleil et tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa requête dans l'attente du jugement relatif à cette instance doivent être rejetées.

8. En second lieu, si la commune de Beausoleil demande à la cour, à titre très subsidiaire, de désigner un expert, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'une telle mesure d'expertise ne revêt pas un caractère utile à la solution du présent litige.

Sur les conclusions incidentes présentées à titre subsidiaire par les sociétés Monachetto et Grima :

9. Les sociétés Monachetto et Grima concluant, à titre principal, au rejet de la requête de la commune de Beausoleil et le présent arrêt leur donnant satisfaction sur ce point, il n'y a pas lieu d'examiner leurs conclusions incidentes présentées à titre subsidiaire.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Monachetto et Grima, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Beausoleil au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Beausoleil le versement d'une somme globale de 2 000 euros aux sociétés Monachetto et Grima sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Beausoleil est rejetée.

Article 2 : La commune de Beausoleil versera une somme globale de 2 000 euros aux sociétés Monachetto et Grima au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des sociétés Monachetto et Grima est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beausoleil, à la société en nom collectif Monachetto 07-07 et à la société en nom collectif Grima 7-05.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

2

N° 20MA03815

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03815
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-024-06 Urbanisme et aménagement du territoire. - Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public. - Participation dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LEGACITE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-23;20ma03815 ?
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