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20/03/2023 | FRANCE | N°22MA02383

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 20 mars 2023, 22MA02383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 1er avril 2021, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103576 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 août 2022, 3 octobre 2022 et 2

3 février 2023, M. A..., représenté par Me Oloumi, demande à la Cour :

1°) de l'admettre à l'ai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 1er avril 2021, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103576 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 août 2022, 3 octobre 2022 et 23 février 2023, M. A..., représenté par Me Oloumi, demande à la Cour :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 27 janvier 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2021 du préfet des Alpes-Maritimes ;

4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois et dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ; à défaut, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer son droit au séjour et lui délivrer dans l'attente d'une nouvelle décision, un récépissé l'autorisant à travailler pendant le réexamen de la situation ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son appel est recevable dès lors que le recours a été introduit dans les délais de recours contentieux et qu'il ne saurait faire l'objet d'un rejet par voie d'ordonnance sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

* sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges se sont seulement référer à la décision de refus de séjour et ont ainsi omis de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée portant obligation de quitter le territoire ;

* sur le refus de titre de séjour :

- alors qu'il a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour en raison de son état de santé, le préfet considérant alors que M. A... ne pouvait pas effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine et que son état de santé ne s'est pas amélioré, il revient à cette autorité de démontrer qu'un traitement est désormais disponible en Géorgie et que l'exposant peut effectivement y avoir accès ;

- en outre, les premiers juges ont commis une erreur de fait en considérant que sa demande est fondée sur les seules dispositions de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il a sollicité un titre de séjour en sollicitant un changement de statut ;

- il doit subir de nouvelles interventions chirurgicales ;

* sur l'obligation de quitter le territoire :

- souffrant d'une maladie génétique héréditaire rare et ne pouvant bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine, il ne peut être éloigné vers son pays d'origine ;

- et en outre, la décision est entachée d'un vice de procédure qui l'a privé d'un droit essentiel.

Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a transmis, le 22 février 2023, le dossier médical de M. A... qui a été communiqué aux parties le lendemain.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant géorgien né le 11 avril 1986, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 1er avril 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 27 janvier 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2022. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges ont statué sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et les ont rejetées au point 8 de leur jugement après avoir examiné le seul moyen présenté à l'appui desdites conclusions. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. [...] ". Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. En vertu des dispositions citées au point précédent, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est atteint de la maladie d'Ehlers Danlos et pour laquelle il a bénéficié de deux interventions chirurgicales. Pour refuser de lui accorder la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade alors qu'il bénéficiait d'autorisations provisoires de séjour pour suivre un traitement, le préfet des Alpes-Maritimes s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 18 mars 2021 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aux termes duquel le collège a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, son maintien sur le territoire français n'était pas nécessaire dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Géorgie, vers lequel il pouvait voyager sans risque. Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'entier dossier médical a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et notamment, le rapport médical confidentiel destiné au collège des médecins de l'Office, son traitement médicamenteux y étant clairement énoncé. Pour remettre en cause l'appréciation ainsi portée, l'intéressé verse des documents qui attestent dans des termes non circonstanciés que le traitement dont il doit bénéficier n'est pas disponible dans son pays d'origine. Il se borne à faire valoir qu'ayant bénéficié d'autorisations provisoires de séjour et que son état de santé ne s'étant pas amélioré, il appartenait au préfet des Alpes-Maritimes d'établir que son traitement était désormais disponible alors qu'il ne résulte pas des dispositions précitées au point 4 qu'une telle charge de la preuve incomberait au préfet. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas établi qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie manque en fait.

7. En deuxième lieu, alors qu'il a présenté le 19 novembre 2020 une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, M. A... ne saurait se prévaloir d'un courrier antérieur adressé au préfet des Alpes-Maritimes le 12 mars 2020 et sollicitant que ce dernier fasse examiner par ses services sa demande de changement de statut. Il ne saurait être reproché au préfet des Alpes-Maritimes de n'avoir examiné que la demande dont il était régulièrement et effectivement saisi.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : [...] / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; [...] ".

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 18 mars 2021 que M. A... peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Ainsi, l'intéressé ne rentre pas dans les prévisions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

10. Enfin, M. A... produit de nouveaux éléments relatifs à son état de santé, faisant état de ce que de nouvelles interventions chirurgicales seraient à prévoir et datés du 6 octobre 2022, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté en litige. Toutefois, la légalité de la décision attaquée s'appréciant à la date de son édiction, soit le 1er avril 2021, ces éléments postérieurs sont sans incidence sur sa légalité. Il appartient seulement à M. A... s'il s'y croit fondé, de réitérer auprès du préfet sa demande de titre de séjour pour raisons médicales en faisant état de ces nouveaux éléments.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Oloumi et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mars 2023.

2

No 22MA02383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02383
Date de la décision : 20/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-20;22ma02383 ?
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