Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat des copropriétaires Les magasins du Lycée a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, de condamner le département du Var à lui verser la somme totale de 41 545,70 euros en réparation des différents préjudices subis par certaines enseignes commerciales installées au sein de l'immeuble sis rue Berthelot, à Toulon (83000) et qui résulteraient d'infiltrations dans cet ensemble immobilier, et, d'autre part, de mettre une somme de 4 500 euros à la charge dudit département au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Par un jugement n° 1901010 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a condamné le département du Var à verser au syndicat des copropriétaires Les magasins du Lycée la somme totale de 30 000,30 euros et mis à la charge de cette collectivité territoriale la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2021, le département du Var, représenté par Me Pontier, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 décembre 2020 en en tant qu'il a accordé au syndicat des copropriétaires Les magasins du Lycée la somme 9 191,40 euros, comprise dans cette somme totale de 30 000,30 euros ;
2°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires Les magasins du Lycée la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sur l'irrégularité du jugement attaqué en sa forme : en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative, ce jugement est insuffisamment motivé ;
- sur l'irrégularité du jugement attaqué au fond et au regard de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le tribunal administratif de Toulon : s'il ne conteste pas le montant correspondant aux frais d'expertise mis à sa charge, le montant accordé au syndicat des copropriétaires Les magasins du Lycée de 9 807,40 euros est excessif et pour partie infondé :
. la somme de 9 191,40 euros ne saurait revenir audit syndicat dès lors qu'elle ne concerne pas la copropriété en cause mais uniquement la société Nov'Agence en tant que locataire, laquelle n'a pas donné son accord pour que ce syndicat agisse en son nom et pour son compte ; une instance distincte enregistrée sous le n° 1803488 a d'ailleurs été initiée par cette société devant le tribunal administratif de Toulon ;
. le tribunal administratif de Toulon a été induit en erreur par la présentation des demandes du syndicat des copropriétaires Les magasins du Lycée en première instance ; ce dernier n'a pas sollicité la somme de 9 191,40 euros correspondant aux dommages de la société Nov'Agence ; le tribunal a ainsi jugé ultra petita et a commis une erreur manifeste d'appréciation de nature à infirmer le jugement sur ce point ; en revanche, en écartant les demandes formulées au profit de l'Atelier by Georgia et Auréoline, les premiers juges ne se sont pas trompés ; en conséquence, seuls les frais d'expertise sont dus ; au-delà de l'expertise, les dommages ont été subis par les locataires, lesquels doivent agir indépendamment du syndicat des copropriétaires Les magasins du Lycée.
Par une ordonnance n° 2100383 du 18 février 2021, enregistrée le lendemain au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, la présidente du tribunal administratif de Toulon a transmis à la Cour, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, le dossier d'une requête, présentée pour le département du Var et enregistrée à son greffe le 16 février 2021, qui s'est avérée être une copie de la requête susvisée et qui a donc été versée au dossier enregistré sous le n° 21MA00717.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 et 9 juillet 2021, le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée, représenté par Me Peisse, conclut :
- à ce que le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 décembre 2020 soit réformé en tant qu'il condamne le département du Var à lui verser la somme de 9 191,40 euros ;
- à ce que le département du Var soit condamné à prendre en charge le coût des préjudices qu'il a subis et à lui verser la somme de 18 352,80 euros correspondant aux postes d'indemnisation retenus par l'expert de justice missionné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon, et à la confirmation du reste du dispositif du jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 décembre 2020 ;
- à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge du département du Var au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il fait valoir que :
- par sa requête, le département du Var ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il met à sa charge l'intégralité des frais d'expertise et qu'il reconnaît sa responsabilité dans les désordres qu'il subit ;
- s'agissant de l'erreur relevée par le département du Var, il avait bien précisé, dans sa demande de première instance, que ses conclusions indemnitaires n'avaient pas trait aux préjudices subis par la société Nov'Agence, laquelle agissait seule contre ledit département ; ainsi, sa demande d'indemnisation à hauteur de 18 352,80 euros n'intégrait pas ces préjudices ; s'il y a eu erreur de la part des premiers juges, ce n'est pas de son fait ;
- il a intérêt à agir dans cette procédure dès lors qu'en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, un syndicat de copropriétaires est garant des désordres qui ont pour source les parties communes ;
- le département du Var devra être condamné à prendre en charge le coût des préjudices qu'il a subis et donc lui verser la somme de 18 352,80 euros correspondant aux postes d'indemnisation retenus par l'expert de justice.
Par une ordonnance du 19 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2021, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Durand, substituant Me Pontier, représentant le département du Var.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée rassemble plusieurs enseignes commerciales dont les locaux sont situés dans l'immeuble sis rue Berthelot, à Toulon (83000), en contrebas du collège Peiresc. Les copropriétaires s'étant plaints d'infiltrations d'eaux usées dans ces locaux, le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon, lequel a ordonné une expertise, notamment au contradictoire du département du Var qui à la charge de ce collège, aux fins de déterminer les causes et conséquences de ces désordres. Estimant, à l'aune du rapport déposé le 14 mai 2018 par l'expert de justice ainsi désigné que ces infiltrations trouvaient leur origine principale dans un dysfonctionnement du réseau d'évacuation des eaux usées des toilettes du collège Peiresc, situées à l'extrémité Ouest de la cour de cet établissement, le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée a sollicité du président du conseil départemental du Var la réparation des préjudices subis. Cette réclamation indemnitaire préalable ayant été rejetée, il a ensuite saisi le tribunal administratif de Toulon, qui, par le jugement attaqué du 16 décembre 2020, après avoir reconnu qu'il était fondé à rechercher la responsabilité sans faute du département du Var, a condamné cette collectivité territoriale à lui verser la somme totale de 30 000,30 euros toutes taxes comprises (TTC) en ce compris la somme de 20 192,90 euros équivalente aux frais d'expertise dont il avait dû s'acquitter et des sommes de 616 et de 9 191,40 euros TTC, au titre de la part des préjudices financiers subis par les enseignes Ernesto et Nov'Agence. Le département du Var relève appel de ce jugement du 16 décembre 2020 en tant qu'il a intégré dans cette indemnité à allouer au syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée cette somme de 9 191,40 euros. Par la voie de l'appel incident, ledit syndicat demande à la Cour de condamner le département du Var à lui verser la somme de 18 352,80 euros correspondant aux postes d'indemnisation retenus par l'expert de justice missionné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon et dont il a demandé en vain le versement aux premiers juges.
Sur l'appel principal présenté par le département du Var et la régularité du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon du 16 décembre 2020 :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " A cet égard, si le juge doit statuer sur l'ensemble des moyens et conclusions qui lui sont soumis, il n'est en revanche pas tenu de répondre à la totalité des arguments présentés à l'appui de ces moyens et conclusions.
3. En l'espèce, le jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Toulon expose, avec suffisamment de précision, les considérations de fait et de droit qui le fondent. Dans ces conditions, le département du Var n'est pas fondé à soutenir que cette décision juridictionnelle serait irrégulière, faute d'une motivation suffisante. Ce moyen doit dès lors être écarté.
4. En revanche, il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Toulon que le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée a sollicité, dans sa demande de première instance, la condamnation du département du Var à lui verser la somme totale de 18 352,80 euros, au titre de la réparation des préjudices subis par les seules enseignes L'Atelier by Georgia, Ernesto, Dress Code, Auréoline et Phone Tech, en précisant expressément que : " la société Nov'Agence (...) aurait agi seule contre le conseil départemental ". Par suite, en allouant audit syndicat la somme de 9 191,40 euros TTC, en réparation de la part des préjudices subis par l'établissement Nov'Agence, les premiers juges ont statué sur des conclusions dont ils n'étaient pas saisis. Par conséquent, et comme le reconnaît au demeurant le syndicat intimé dans son mémoire en défense susvisé, le département du Var est fondé à soutenir que le jugement attaqué du 16 décembre 2020 est irrégulier en tant que le tribunal a statué au-delà des conclusions dont il était saisi. Il suit de là qu'il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, ce jugement et, par voie de conséquence, de ramener la somme allouée par les premiers juges au syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée à 20 808,90 euros.
Sur l'appel incident présenté par le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée :
En ce qui concerne la responsabilité du département du Var :
5. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel (Conseil d'Etat, 8 février 2022, n° 453105, B qui précise Conseil d'Etat, 10 avril 2019, n° 411961, B).
6. Il ressort des conclusions de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon que les infiltrations affectant les enseignes commerciales en cause trouvent leur origine principale dans un dysfonctionnement du réseau d'évacuation des eaux usées des toilettes situées à l'extrémité Ouest de la cour du collège Peiresc. Les dommages invoqués par le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée, qui a la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public, présentent ainsi un caractère accidentel. Par suite, alors qu'aucune faute ne peut être reprochée à la victime, et sans qu'il soit donc besoin pour l'intimé de démontrer un caractère grave et spécial de son préjudice, la responsabilité du département du Var est engagée, comme au demeurant, cette collectivité territoriale ne le conteste plus devant la Cour.
En ce qui concerne la réparation du préjudice financier :
7. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert de justice, lequel précise que seules les dégradations de la façade de l'enseigne Ernesto sont dues aux écoulements des eaux pluviales engendrés par les malfaçons affectant la casquette surplombant les commerces en cause, qu'un lien de causalité entre les désordres affectant cette enseigne dans sa réserve, au centre du plafond, et les dysfonctionnements du réseau d'évacuation des eaux usées des toilettes du collège Peiresc est établi. A cet égard, le syndicat des copropriétaires
Les Magasins du Lycée, dont le syndic s'est vu donné mandat par l'assemblée des copropriétaires pour présenter un recours en indemnisation afin que le département du Var soit condamné à payer les sommes engagées par la copropriété et les préjudices subis par les copropriétaires ou locataires, produit un devis d'un montant de 616 euros TTC pour la réfection du plafond de l'enseigne Ernesto. Par suite, comme les premiers juges l'ont décidé à juste titre, il y a bien lieu d'allouer au syndicat intimé cette somme de 616 euros TTC.
8. Par la voie de l'appel incident, le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée demande à la Cour de condamner le département du Var à lui verser la somme totale de 18 352,80 euros en incluant dans cette somme, outre ces 616 euros, les sommes de 10 020 euros, 480 euros, 5 926,80 euros et 1 050 euros au titre des travaux de réparation qui ont dû respectivement être réalisés dans les enseignes L'Atelier by Georgia, Dress code, Auréoline et Phone Tech. Il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier des conclusions du sapiteur qui a prêté son concours à l'expert de justice, que l'enseigne Phone Tech " n'[a] pas [été] impacté[e] par les infiltrations " en cause tandis que si les enseignes L'Atelier by Georgia, Dress code et Auréoline ont effectivement subi des dégradations suite à ces infiltrations, les pièces versées aux débats, dont les rapports de ce sapiteur et de cet expert de justice, ne permettent pas d'établir un lien de causalité entre ces dégradations et les dysfonctionnements du réseau d'évacuation des eaux usées des toilettes du collège Peiresc. Il s'ensuit que les conclusions incidentes présentées par le syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée doivent être rejetées.
Sur les dépens :
9. Pas davantage que celle engagée devant le tribunal administratif de Toulon, la présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions du syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée présentées sur ce fondement ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur autres les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901010 du tribunal administratif de Toulon du 16 décembre 2020 est annulé en tant qu'il a prononcé la condamnation du département du Var à verser au syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée la somme totale de 30 000,30 euros en ce compris la somme de 9 191,40 euros.
Article 2 : La somme de 30 000,30 euros que le département du Var a été condamné à verser au syndicat des copropriétaires Les Magasins du Lycée est ramenée à 20 808,90 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département du Var et au syndicat des copropriétaires Les Magasins du lycée.
Délibéré après l'audience du 28 février 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.
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No 21MA00717