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13/03/2023 | FRANCE | N°22MA01750

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 13 mars 2023, 22MA01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 31 janvier 2020 de la préfète de Corse-du-Sud lui retirant les aides agricoles octroyées au titre des campagnes 2015, 2016, 2017 et 2018.

Par un jugement n° 2000513 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juin et le 4 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Chevalier, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2022 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 31 janvier 2020 de la préfète de Corse-du-Sud lui retirant les aides agricoles octroyées au titre des campagnes 2015, 2016, 2017 et 2018.

Par un jugement n° 2000513 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juin et le 4 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Chevalier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2022 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la décision du 31 janvier 2020 de la préfète de Corse-du-Sud ;

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la récupération des aides versées au titre de la campagne 2015 est prescrite ;

- la préfète a inexactement qualifié les faits en considérant que son exploitation n'était pas autonome ;

- elle a fait une inexacte application de l'article 60 du règlement n° 1307/2013 du 17 décembre 2013, et de l'article L. 341-3 du code rural et de la pêche maritime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête présentée par M. A....

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

- le règlement (UE) n ° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement délégué (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Chevalier, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a bénéficié, en tant qu'exploitant agricole, de paiements directs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole pour les campagnes 2015 à 2018. La préfète de Corse-du-Sud a retiré ces aides par une décision du 31 janvier 2020. M. A... fait appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le fond :

2. D'une part, selon l'article 4 du règlement n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 : " 1. Aux fins du présent règlement, on entend par : / a) "agriculteur", une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales, quel que soit le statut juridique conféré selon le droit national à un tel groupement et à ses membres, dont l'exploitation se trouve dans le champ d'application territoriale des traités, tel que défini à l'article 52 du traité sur l'Union européenne, en liaison avec les articles 349 et 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et qui exerce une activité agricole ; / b) "exploitation", l'ensemble des unités utilisées aux fins d'activités agricoles et gérées par un agriculteur qui sont situées sur le territoire d'un même État membre ; / c) "activité agricole" : / i) la production, l'élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l'élevage et la détention d'animaux à des fins agricoles, / ii) le maintien d'une surface agricole dans un état qui la rend adaptée au pâturage ou à la culture sans action préparatoire allant au-delà de pratiques agricoles courantes ou du recours à des machines agricoles courantes, sur la base de critères à définir par les États membres en se fondant sur un cadre établi par la Commission, ou / iii) l'exercice d'une activité minimale, définie par les États membres, sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture ".

3. Par ailleurs, il résulte des articles 32, 41, 43, 50 et 52 du même règlement que les paiements directs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune ne peuvent être accordés qu'à des personnes répondant à la définition d' " agriculteur " prévue au a) du premier paragraphe de l'article 4 de ce règlement.

4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier de l'interprétation donnée aux dispositions pertinentes par les décisions C-61/09 du 14 octobre 2010, Landkreis Bad Dürkheim, et C-176/20 du 7 avril 2022, SC Avio Lucos SRL, que pour être qualifiée d' " agriculteur ", la personne concernée doit détenir un pouvoir de disposition suffisant sur les unités de son exploitation aux fins de l'exercice de son activité agricole, percevoir les bénéfices et assumer les risques financiers en ce qui concerne l'activité agricole sur les terres pour lesquelles la demande d'aide est formulée.

5. Après avoir accordé des aides relevant de la politique agricole commune pour quatre exploitations de différents membres d'une même famille situées à une même adresse, la préfète de Corse-du-Sud, pour retirer celles accordées à M. D... A..., s'est fondée sur le fait que celui-ci ne justifiait pas d'une autonomie suffisante pour être qualifié d'" agriculteur " au sens du a) du premier paragraphe de l'article 4 de ce règlement. La préfète s'est fondée sur des bons d'équarrissage et des factures, libellés au nom du requérant mais portant en réalité sur des bovins appartenant à d'autres membres de sa famille. Ces éléments, s'ils illustrent l'immixtion de M. A... dans la gestion d'autres exploitations, ne démontrent pas que M. A... n'aurait pas disposé, s'agissant de sa propre exploitation, d'une autonomie suffisante. Il n'est pas établi, ni même allégué, que l'intéressé n'aurait pas été à même de percevoir les bénéfices et d'assumer les risques financiers liés à son activité agricole. Dès lors, en s'abstenant de le considérer comme un " agriculteur " au sens du a) du premier paragraphe de l'article 4 de ce règlement, la préfète de Corse-du-Sud a inexactement qualifié les faits.

6. D'autre part, aux termes de l'article 60 du règlement n°1306/2013 du 17 décembre 2013 : " Sans préjudice de dispositions particulières, aucun des avantages prévus par la législation agricole sectorielle n'est accordé en faveur de personnes physiques ou morales dont il est établi qu'elles ont créé artificiellement les conditions requises en vue de l'obtention de ces avantages, en contradiction avec les objectifs visés par cette législation ".

7. Par un arrêt C-434/12 du 12 septembre 2013 Slancheva sila EOOD¸ la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que la notion de " création artificielle " des conditions requises pour bénéficier d'un paiement et d'" avantage non conforme " requiert la présence d'un élément objectif, permettant de conclure que la finalité poursuivie par le régime d'aide ne saurait être atteinte, et d'un élément subjectif, en vertu duquel le candidat au paiement a exclusivement entendu se procurer un avantage non conforme aux objectifs de ce régime.

8. L'administration fait valoir que l'existence de quatre exploitations agricoles étroitement imbriquées, au lieu d'une, constitue une création artificielle destinée à éluder les seuils prévus pour différentes aides relevant de la politique commune. Un tel motif peut justifier de retirer les aides attribuées à trois de ces exploitations. En revanche, il n'est pas démontré que les aides attribuées à l'exploitation principale seraient constitutives d'un avantage non conforme aux objectifs du régime d'aide en question.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

10. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. A....

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 22 avril 2022 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La décision du 31 janvier 2020 de la préfète de Corse-du-Sud est annulée.

Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée pour information à l'Agence de services et de paiement et au préfet de Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 6 février 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. B... et Mme C..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2023.

2

No 22MA01750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01750
Date de la décision : 13/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-06 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CHEVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-13;22ma01750 ?
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