Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2110937 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2022, M. B... A..., représenté par Me Ahmed, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans cette attente un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; le préfet n'a pas répondu à sa demande d'admission au séjour en qualité de salarié ;
- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour ; entré en France en 1999, il ne s'en est brièvement absenté qu'en 2003 pour obtenir un visa de long séjour en qualité de conjoint de français et justifie de sa présence habituelle en France depuis l'année 2010 au moins ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la circulaire du 28 novembre 2012, opposable au préfet ; il réside habituellement en France depuis 2000, il est bien inséré professionnellement comme en attestent les 66 bulletins de salaire qu'il produits ; il a fixé le centre de ses attaches privées et familiales en France, où résident ses parents, à qui il apporte l'aide nécessaire à leur état de santé ; il n'a plus aucun lien avec son frère et sa sœur résidant au Maroc.
Une mise en demeure a été adressée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 novembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application et précise les éléments de fait relatifs à la situation personnelle du requérant sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre les décisions litigieuses. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet a examiné la demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail présentée par M. A.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle du requérant ne peuvent qu'être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. M. A..., né le 1er janvier 1980, de nationalité marocaine, déclare être entré en France en décembre 1999 et y résider habituellement depuis lors, à l'exception de la période comprise entre le 25 mai et le 1er septembre 2003 durant laquelle il est retourné au Maroc pour obtenir un visa de long séjour. Toutefois, d'une part, ainsi que l'a relevé le préfet, M. A... a indiqué lors de sa précédente demande de titre de séjour être entré en France pour la dernière fois en 2010 et, d'autre part, l'intéressé n'établit pas la continuité de son séjour en France depuis cette date, notamment en ce qui concerne les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2018 et 2019, pour lesquelles les pièces produites ne couvrent, comme l'a relevé le tribunal, qu'une faible partie de l'année, démontrant au mieux une présence ponctuelle sur le territoire. Le requérant n'apporte en particulier aucun élément probant de nature à établir sa présence en France entre le 16 octobre 2013, date à laquelle il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et la fin du mois de janvier 2014, ni entre le 26 août 2019, date à laquelle il a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français et le 15 avril 2020. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. A..., âgé de 41 ans à la date de l'arrêté contesté, est célibataire et sans charge de famille. S'il fait valoir que de nombreux membres de sa famille résident régulièrement en France, en particulier ses parents, qui l'hébergent et dont il déclare s'occuper en raison de leur état de santé, ainsi qu'un de ses frères, il n'établit ni être dépourvu d'attaches privées et familiales au Maroc où résident un autre de ses frères ainsi que sa sœur, ni la nécessité de sa présence auprès de ses parents. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, eu égard aux buts poursuivis par cette mesure.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
6. D'une part, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. D'autre part, en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels.
8. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir (cf. CE, 14 octobre 2022, n° 462784, A).
9. Pour les motifs exposés au point 4 ci-dessus, les éléments dont le requérant fait état ne permettent pas de caractériser en l'espèce des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels lui ouvrant droit à l'admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, si M. A... fait valoir qu'il a travaillé pendant quatorze ans en France, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a seulement travaillé quelques mois par an, en qualité de manœuvre agricole occasionnel, entre 2001 et 2008 puis entre 2011 et 2015. En outre, la promesse d'embauche qu'il produit, datée du 1er juin 2021 pour un emploi de maçon à temps plein dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, ne fait état d'aucune période de validité ou de date d'embauche envisagée. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation, que le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé que M. A... ne justifie ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels pour pouvoir prétendre à une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou au titre de son pouvoir de régularisation.
10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 4, le requérant ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans, à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre cet arrêté.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 février 2023, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2023.
N°22MA00929 2