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13/03/2023 | FRANCE | N°22MA00367

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 13 mars 2023, 22MA00367


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Enganes a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 juin 2019 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de prime ovine pour 850 brebis au titre de la campagne ovine 2015, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1909776 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022

, le GAEC des Enganes, représenté par la SELARL Lamballais et Associés, demande à la Cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Enganes a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 juin 2019 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de prime ovine pour 850 brebis au titre de la campagne ovine 2015, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1909776 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022, le GAEC des Enganes, représenté par la SELARL Lamballais et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 27 juin 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de condamner l'administration à lui verser la prime ovine 2015 ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 27 juin 2019 est insuffisamment motivée ; elle se fonde sur une instruction technique du 20 janvier 2015 annulée par une décision du Conseil d'Etat du 9 juillet 2016 ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un contrôle sur place et qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;

- une décision implicite d'acceptation est née à l'issue d'un délai de deux mois après sa demande faite le 19 janvier 2014, comme le prévoit la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de fait, dès lors que le ratio de productivité de 0,4 agneau vendu par brebis a été respecté ; il a vendu 398 agneaux en 2014 ; il n'y a pas eu de décalage de la vente mais uniquement de la livraison de 150 agneaux de mi-décembre à janvier.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune ;

- le règlement UE n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 37/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil ;

- le règlement délégué (UE) n° 640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 mettant en place les modalités d'application du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2015-1300 du 16 octobre 2015 relatif aux aides ovines et caprines relevant de la politique agricole commune ;

- l'arrêté ministériel du 16 octobre 2015 fixant les conditions d'accès aux aides ovines et caprines en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 janvier 2015, M. et Mme A..., gérants du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Enganes, exerçant une activité d'élevage d'ovins sur le territoire de la commune d'Arles, ont sollicité auprès du préfet des Bouches-du-Rhône le bénéfice d'une dérogation exceptionnelle au respect du ratio de productivité de 0,4 agneau par brebis, afin d'être éligibles aux aides communautaires à la production ovine pour la campagne 2015. Par un courrier du 29 décembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a informé le GAEC des Enganes de l'avis défavorable émis par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur sa demande de dérogation et a rejeté, en conséquence, sa demande d'aide à la production ovine au titre de la campagne 2015. Le 13 janvier 2016, le GAEC des Enganes a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, lequel a été rejeté par décision expresse du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 16 mars 2016, après avis du ministre en date du 7 mars 2016. Par un jugement n° 1603952 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a prononcé l'annulation de ces décisions et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un nouvel examen de la demande d'aide ovine du GAEC des Enganes au titre de la campagne 2015 dans un délai de deux mois. Après réexamen de la demande d'aide ovine du GAEC des Enganes, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande par une décision du 27 juin 2019. Le GAEC des Enganes relève appel du jugement n° 1909776 du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision, ensemble le rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal, par des motifs appropriés figurant au point 9 du jugement attaqué, qui ne sont pas sérieusement contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée du 27 juin 2019 manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. "

4. La décision contestée de refus d'octroi de l'aide à la production ovine au titre de la campagne 2015, qui fait suite à la demande présentée en ce sens par le GAEC des Enganes, n'avait pas à être précédée d'une procédure contradictoire.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L.231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L.231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret (...) ".

6. Eu égard à la nature de la demande présentée par le GAEC requérant, ce dernier ne saurait en tout état de cause se prévaloir de la naissance d'une décision implicite d'acceptation de cette dernière.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 59 du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune : " 1. Le système mis en place par les États membres conformément à l'article 58, paragraphe 2, comprend, sauf disposition contraire, le contrôle administratif systématique de toutes les demandes d'aide et de toutes les demandes de paiement. Des contrôles sur place s'ajoutent à ce système. (...) ". L'article 63 du même règlement dispose que " 1. Lorsqu'il est constaté qu'un bénéficiaire ne respecte pas les critères d'admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d'octroi de l'aide ou du soutien prévus par la législation agricole sectorielle, l'aide n'est pas payée ou est retirée en totalité ou en partie et, le cas échéant, les droits au paiement correspondants visés à l'article 21 du règlement (UE) n° 1307/2013 ne sont pas alloués ou sont retirés ". Aux termes de l'article 24 du règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 établissant les modalités d'application du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité : " 1. Les contrôles administratifs et les contrôles sur place prévus par le présent règlement sont effectués de façon à assurer une vérification efficace : / (...) c) des exigences et des normes applicables en matière de conditionnalité ". Le considérant 4) du règlement n°1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 prévoit expressément que les dispositions du règlement n° 1306/2013 s'appliquent aux mesures de paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune " en particulier les règles visant à garantir le respect des obligations établies par les dispositions concernant les paiements directs, y compris les contrôles et l'application de mesures administratives ".

8. Contrairement à ce que soutient le GAEC, si l'autorité administrative constate, au vu des pièces produites par le demandeur, que les conditions d'octroi de l'aide sollicitée ne sont pas remplies, elle n'est pas tenue d'effectuer un contrôle sur place avant de refuser l'octroi de cette aide. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en l'absence de contrôle sur place doit, dès lors, être écarté.

9. En cinquième lieu, d'une part, aux termes de l'article D. 615-41 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1300 du 16 octobre 2015 relatif aux aides ovines et caprines relevant de la politique agricole commune : " En application de l'article 52 du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 et de l'article 52 du règlement délégué (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014, sont mises en place les mesures de soutien couplé en faveur de certaines productions animales suivantes : / 1° Une aide ovine de base, destinée à enrayer la diminution du cheptel ovin et à maintenir le niveau de production actuel ; (...). Aux termes de l'article D. 615-42 : " Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture détermine les conditions d'application de l'article D. 615-41, notamment, les critères d'éligibilité des soutiens couplés aux productions animales et la période de détention obligatoire des animaux sur l'exploitation. / Il précise, en outre : / 1° Pour l'aide ovine de base, le nombre minimal, les animaux éligibles et le ratio minimum de productivité du cheptel déterminé en tenant compte du nombre d'animaux vendus (...) ". Aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 16 octobre 2015 fixant les conditions d'accès aux aides ovines et caprines en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune : " Conditions d'accès à l'aide ovine de base. / (...) Le demandeur doit respecter un ratio de productivité pour son cheptel ovin, correspondant au quotient du nombre d'agneaux vendus en année civile " n - 1 " par l'effectif de brebis présent au 1er janvier de la même année. Ce ratio doit être supérieur ou égal à 0,4 agneau par brebis. On entend par " agneau vendu ", un agneau de moins d'un an qui est sorti vivant de l'exploitation. Afin d'éviter de comptabiliser plusieurs fois un même animal, les agneaux à prendre en compte pour le calcul du ratio, sont ceux qui sont nés sur l'exploitation. (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que pour calculer le ratio de productivité, qui conditionne l'accès à l'aide ovine de base, il convient de tenir compte du nombre d'agneaux de moins d'un an sortis vivants de l'exploitation au cours de l'année civile " n-1 ". Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le GAEC, les 135 agneaux vendus en décembre 2014, dont il est constant qu'ils n'ont quitté l'exploitation qu'au cours du mois de janvier 2015, ne pouvaient être pris en compte dans le calcul de ce ratio.

11. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement délégué (UE) n° 640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité : " 1. En ce qui concerne les paiements directs, lorsqu'un bénéficiaire n'a pas été en mesure de respecter les critères d'admissibilité ou d'autres obligations en raison d'un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, le droit à l'aide lui reste acquis pour la surface ou les animaux admissibles au moment où le cas de force majeure ou les circonstances exceptionnelles sont survenus. (...) / 2. Les cas de force majeure et les circonstances exceptionnelles sont notifiés par écrit à l'autorité compétente et les preuves y afférentes sont apportées à la satisfaction de celle-ci dans un délai de quinze jours ouvrables à compter du jour où le bénéficiaire, ou son ayant droit, est en mesure de le faire. ".

12. Le GAEC requérant, qui se borne à soutenir que la dérogation qu'il avait initialement sollicitée était inutile et ne pouvait en tout état de cause lui être refusée sur le fondement de la circulaire du 10 janvier 2015 annulée par la décision du Conseil d'Etat du 6 juillet 2016, n'établit pas ne pas avoir été en mesure de respecter le ratio de productivité en raison d'un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le GAEC des Enganes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2019 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de prime ovine pour 850 brebis au titre de la campagne ovine 2015, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par le GAEC des Enganes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC des Enganes et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 février 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2023.

N°22MA00367 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00367
Date de la décision : 13/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l’Union européenne.

Communautés européennes et Union européenne - Litiges relatifs au versement d`aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL LAMBALLAIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-13;22ma00367 ?
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