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13/03/2023 | FRANCE | N°21MA02148

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 13 mars 2023, 21MA02148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Kennedy a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération du conseil municipal d'Ajaccio du 25 novembre 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme en tant qu'elle a classé en espace boisé classé les parcelles cadastrées section BV 328, 329, 330, 331, 332, 334 et 337 (secteur de la Pietrina).

Par un jugement n° 2000078 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de la SCI Kennedy.

Procédure devant la Cour :

Par u

ne requête et des mémoires enregistrés les 7 juin 2021, 24 mars 2022 et 7 septembre 2022, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Kennedy a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération du conseil municipal d'Ajaccio du 25 novembre 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme en tant qu'elle a classé en espace boisé classé les parcelles cadastrées section BV 328, 329, 330, 331, 332, 334 et 337 (secteur de la Pietrina).

Par un jugement n° 2000078 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de la SCI Kennedy.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 juin 2021, 24 mars 2022 et 7 septembre 2022, la SCI Kennedy, représentée par Me Recchi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000078 du 8 avril 2021 du tribunal administratif de Bastia, ensemble la délibération du conseil municipal d'Ajaccio du 25 novembre 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme en tant qu'elle a classé en espace boisé classé les parcelles cadastrées section BV 328, 329, 330, 331, 332, 334 et 337 ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio le paiement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé et a omis de statuer sur un moyen ;

- les observations formulées le 20 août 2019 n'ont pas été prises en compte dans le cadre de l'enquête publique ;

- le document de travail préparatoire à la réunion du conseil des sites perspectives et paysages du 30 juin 2009 élaboré dans le cadre du PLU de 2013 n'a pas été joint à l'enquête publique ;

- le classement en espace boisé classé a été opéré sur le fondement de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme et non sur celui de l'article L. 113-1 du même code ;

- cet espace boisé ne compte pas parmi les plus significatifs de la commune ;

- le classement en espace boisé classé est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ce classement porte atteinte à son droit de propriété, tel que reconnu par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- le risque d'incendie est augmenté par le classement de son terrain en espace boisé ;

- le classement en espace boisé classé est incompatible avec le PADDUC.

Par mémoires en défense enregistrés les 22 février 2022 et 7 juillet 2022, la commune d'Ajaccio, représentée par la SELARL Parme Avocats, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la SCI Kennedy ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Kennedy le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que le classement des terrains litigieux en espaces boisés classés est confirmatif du classement opéré par le précédent PLU ;

- l'exception d'illégalité du PLU de 2013 est irrecevable ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- les observations de Me Gatel pour la commune d'Ajaccio.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 25 novembre 2019, le conseil municipal d'Ajaccio a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune, dont il avait prescrit l'élaboration par une délibération du 26 octobre 2015 et arrêté le projet par une délibération du 28 novembre 2018. Cette délibération a classé en espaces boisés classés les parcelles cadastrées section BV 328, 329, 330, 331, 332, 334 et 337 dont la SCI Kennedy est propriétaire. Par jugement n° 2000078 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de la SCI Kennedy tendant à l'annulation de la délibération du 25 novembre 2019 en tant qu'elle classe les parcelles précitées en espaces boisés classés. La SCI Kennedy interjette appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le jugement attaqué, en indiquant dans son point 9, que : " La société requérante fait valoir que le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) n'a pas intégré l'espace boisé classé en cause dans sa cartographie, le plan local d'urbanisme devant être en cohérence avec le projet de développement durable. Un tel moyen, qui ne repose sur la méconnaissance d'aucune disposition d'urbanisme, ne peut qu'être écarté en ce qu'il est dépourvu de clarté et des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ", a suffisamment répondu au moyen tel qu'il était formulé par la SCI Kennedy.

3. En deuxième lieu, le jugement attaqué a, contrairement à ce que soutient la requérante, répondu, dans son point 7, au moyen tiré de " l'illégalité de la procédure de classement ".

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public./ Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Il résulte des dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement que, si celles-ci n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

5. Il résulte du rapport d'enquête publique établi en octobre 2019 que la commission d'enquête a synthétisé, dans le point n° 2475, les observations formulées par la SCI Kennedy, relaté la position de la commune d'Ajaccio sur lesdites observations et formulé un avis motivé sur ce point. Dès lors, la SCI Kennedy n'est pas fondée à soutenir que ses observations, formulées par lettre du 20 août 2019, n'auraient pas été prises en compte par la commission d'enquête.

6. En deuxième lieu, si la SCI Kennedy soutient que le document préparatoire à la réunion du conseil des sites perspectives et paysages du 30 juin 2009 élaboré dans le cadre du PLU de 2013 n'a pas été joint à l'enquête publique et semble ainsi, en se fondant sur les dispositions des alinéas 3 et 4 de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, soulever l'exception d'illégalité du précédent PLU, la décision attaquée n'est pas une mesure d'application dudit PLU. Par suite, le moyen précité doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme classe en espaces boisés, au titre de l'article L. 113-1, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 113-1 dudit code : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ". Si l'autorité administrative est tenue de classer, en application des dispositions précitées de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme, les espaces boisés les plus significatifs de la commune, elle a la faculté de classer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 113-1 du même code, les bois, forêts, ou parcs qui ne sont pas parmi les plus significatifs de son territoire.

8. Il ressort du rapport de présentation établi dans le cadre de l'élaboration du PLU attaqué, lequel a clairement fait la distinction entre les espaces boisés classés au titre de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme et ceux classés au titre de l'article L. 113-1 du même code, que les espaces boisés classés au titre de l'article L. 121-27 se situent dans des zones classées NR. Les parcelles litigieuses se situant en zone UC, le classement a été opéré sur le fondement des dispositions de l'article L. 113-1 précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que le bois ne serait pas parmi les ensembles boisés les plus significatifs de la commune est inopérant.

9. En deuxième lieu, au regard du caractère boisé des terrains litigieux et de la circonstance que ceux-ci constituent un espace de respiration au sein d'une zone urbaine, la commune d'Ajaccio n'a, en les classant en espaces boisés classés sur le fondement des dispositions de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme, pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

10. En troisième lieu, la SCI Kennedy fait valoir que le PLU, en ce qu'il classe une partie de ses terrains en espaces boisés classés, serait incompatible avec la cartographie du PADDUC. Toutefois, le PADDUC n'ayant adopté aucune cartographie des espaces boisés classés, le moyen précité ne peut qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Aux termes de son article 17 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ". En l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ". Aux termes de l'article L. 113-2 dudit code : " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. / Nonobstant toutes dispositions contraires, il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue au chapitre Ier du titre IV du livre III du code forestier (...) ". D'une part, ces dispositions, qui n'emportent aucune privation du droit de propriété mais se bornent à apporter des limites à son exercice, ne méconnaissent pas l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La SCI requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû bénéficier d'une juste et préalable indemnité. D'autre part, les restrictions apportées à l'exercice du droit de propriété sont justifiées par l'intérêt général qui s'attache à la préservation des espaces boisés. Ces restrictions, qui ne concernent que les modes d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements et sont accompagnées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de garanties de fond et de procédure prévues pour la procédure d'élaboration des plans locaux d'urbanisme, sont proportionnées à l'objectif poursuivi. En outre, l'article L. 113-3 du code de l'urbanisme donne la possibilité, dans certaines conditions, au propriétaire d'un terrain classé en espaces boisés d'obtenir un terrain à bâtir contre la cession gratuite de son terrain. Dans ces conditions, les dispositions des articles L. 113-1 et L. 113-2 du code de l'urbanisme ne méconnaissent pas l'article 2 de la Déclaration de 1789.

12. En cinquième lieu, la SCI Kennedy soutient que le classement de ses terrains en espaces boisés classés a augmenté le risque incendie et est contraire aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile en vertu desquelles : " La politique de sécurité civile doit permettre de s'attaquer résolument aux risques en les anticipant davantage, de refonder la protection des populations et de mobiliser tous les moyens encourageant les solidarités. / Les orientations de la politique de sécurité civile figurant en annexe à la présente loi sont approuvées ". Toutefois, ledit classement n'a nullement augmenté le risque incendie qui préexistait du fait de la nature boisée desdits terrains et n'était pas subordonné à la réalisation préalable d'études sur l'appréciation du risque d'incendie.

13. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune d'Ajaccio, de rejeter les conclusions aux fins d'annulation présentées par la SCI requérante.

Sur les frais d'instance :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Kennedy le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à la commune d'Ajaccio en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la SCI Kennedy.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Kennedy est rejetée.

Article 2 : La SCI Kennedy versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à la commune d'Ajaccio en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Kennedy et à la commune d'Ajaccio.

Une copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 27 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2023.

N° 21MA0214802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02148
Date de la décision : 13/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-13;21ma02148 ?
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