Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2108288 du 17 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. - Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022 sous le n° 22MA00809, Mme C..., représentée par Me Harutyunyan, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 17 janvier 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable, la décision ne lui ayant été notifiée que le 9 septembre 2021 ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision, dénaturé les pièces du dossier de première instance et commis une erreur d'appréciation en jugeant qu'elle pouvait bénéficier de soins adaptés à sa pathologie en Arménie ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Des pièces ont été produites pour Mme C... le 20 octobre 2022 et ont été communiquées.
Par une ordonnance du 13 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.
II. - Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022 sous le n° 22MA00810, Mme C..., représentée par Me Harutyunyan, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de décider le sursis à l'exécution du jugement du 17 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'arrêt au fond sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué est susceptible d'avoir des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens qu'elle développe dans sa requête d'appel présentent un caractère sérieux, propres à justifier le sursis à l'exécution du jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Des pièces ont été produites pour Mme C... le 20 octobre 2022 et ont été communiquées.
Par une ordonnance du 13 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau, rapporteur,
- et les observations de Me Harutyunyan, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 22MA00809 et n° 22MA00810, présentées pour Mme C..., sont dirigées contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. Mme C..., de nationalité arménienne, née le 11 mars 1985 à Erevan, déclare être entrée en France le 15 novembre 2014. Le 9 décembre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité d'étranger malade. Par un arrêté en date du 23 avril 2021, pris après avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduit d'office. Mme C... relève appel du jugement du 17 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
3. Mme C... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 24 mars 2022, il n'y a plus lieu pour la cour de se prononcer sur ses demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité du jugement :
4. D'une part, le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier par les premiers juges ne relève pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation. Si Mme C... a entendu, en invoquant une telle dénaturation, contester l'analyse faite par les premiers juges des pièces qu'elle a produites, un tel moyen se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Il en va de même du moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une erreur d'appréciation, qui relève du bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, et ne constitue pas un moyen touchant à sa régularité.
5. D'autre part, en jugeant que " Les documents médicaux produits par la requérante, composés de certificats du docteur B... du 8 février 2019 indiquant que la requérante ne peut bénéficier de soins globaux ailleurs qu'en France en raison de leur complexité, lesquels doivent se poursuivre encore au moins cinq ans, et du 17 août 2021, selon lequel les soins ne doivent pas être interrompus, et de son médecin généraliste, qui indique également que Mme C... ne peut être soignée en Arménie, ne permettent pas, à eux seuls, de remettre en cause l'avis du 1er mars 2021 ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en ce qui concerne notamment la disponibilité du traitement dans le pays d'origine de la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de motivation doit être rejeté.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Mme C... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer la réponse apportée par le tribunal, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
8. Pour l'application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
9. Par ailleurs, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'epilepsie partielle pharmaco-résistante ainsi que de troubles psychiatriques en lien avec un stress post-traumatique. Pour refuser à l'intéressée le titre de séjour qu'elle avait sollicité pour des raisons de santé, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé notamment sur un avis émis le 1er mars 2021 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible en Arménie et que celle-ci pouvait voyager sans risque. Si la requérante produit des certificats médicaux émanant notamment de neurologues du service d'épileptologie de l'hôpital de la Timone, ainsi que d'un psychiatre qui la suit depuis l'année 2015, ces documents, qui indiquent seulement que sa pathologie nécessite un suivi régulier qui ne peut être effectué dans son pays d'origine, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII. Si,
en dépit de l'intervention neurochirurgicale qu'elle a subie en juillet 2019, consistant en une lobectomie temporale partielle, l'intéressée a présenté des crises épileptiques persistantes, mieux contrôlées mais nécessitant une surveillance et un traitement médical adaptés, ces seuls éléments médicaux produits au dossier ne permettent pas d'estimer, eu égard à leur teneur, qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, si la requérante se prévaut d'articles, extraits de sites internet, évoquant la situation sanitaire en Arménie notamment en ce qui concerne les soins psychiatriques, ces documents, à visée informative et rédigés en des termes généraux, ne permettent pas davantage d'établir, de manière précise et circonstanciée, qu'il n'existerait pas de prise en charge adaptée à son état de santé. Par suite, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'avait en tout état de cause pas à rechercher si les soins dans le pays d'origine étaient équivalents à ceux dont elle bénéficie en France, n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Mme C... indique qu'elle a subi des violences de la part de son époux avec qui elle a divorcé et qui réside en Arménie avec leur fils âgé de dix ans à la date de la décision attaquée. Elle ajoute qu'elle dispose d'un logement social en France et perçoit l'allocation adulte handicapé. Cependant, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, Mme C... est en situation précaire en France et, d'autre part, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Arménie, où résident notamment son fils et ses parents, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2021.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
13. Le présent arrêt statuant sur l'appel de Mme C... dirigé contre le jugement n° 2108288 du 17 janvier 2022 du tribunal administratif de Marseille, les conclusions de la requête n° 22MA00810 tendant ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA00810 tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif du 17 janvier 2022.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 22MA00809 et n° 22MA00810 est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Harutyunyan et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, où siégeaient :
- M. Taormina, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mars 2023.
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Nos 22MA00809-22MA00810