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10/03/2023 | FRANCE | N°21MA04638

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 mars 2023, 21MA04638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Corsica Sole 6 a demandé au tribunal administratif de Bastia de

prononcer la restitution d'une somme de 321 807 euros au titre d'un crédit d'impôt sur les

sociétés constitué pour l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900975 du 19 octobre 2021, le tribunal a admis au bénéfice du

crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôt, les frais relatifs aux intérêts du prêt intragroupe à court terme conclu avec la société Co

rsica Sole Invest 5, d'un montant de 68 718,75 euros hors taxe et rejeté le surplus des conclusions de la req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Corsica Sole 6 a demandé au tribunal administratif de Bastia de

prononcer la restitution d'une somme de 321 807 euros au titre d'un crédit d'impôt sur les

sociétés constitué pour l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900975 du 19 octobre 2021, le tribunal a admis au bénéfice du

crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôt, les frais relatifs aux intérêts du prêt intragroupe à court terme conclu avec la société Corsica Sole Invest 5, d'un montant de 68 718,75 euros hors taxe et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2021, la SAS Corsica Sole 6, représentée par Me Galvez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à sa requête dans son intégralité ;

2°) de prononcer la restitution du reliquat de crédit d'impôt pour investissements en Corse au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 à concurrence d'un montant de 301 191,4 euros soit une assiette de 1 003 971,3 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

1°) sur la qualification de structure dédiée à un seul et unique projet de la société Corsica Sole 6 :

- les dépenses en cause sont également incorporables au prix de revient de

l'immobilisation dès lors que la société Corsica Sole 6 est une société dédiée (BOI-BIC-CHG-20-20-10, n° 320) ; la doctrine comptable (Avis CNC n° 2004-15, §4.2.1.2) précise qu'une structure dédiée s'entend d'une entité dans laquelle toutes les dépenses et frais exposés ne concernent qu'une seule et même immobilisation à l'exclusion de toute autre ; la doctrine comptable a précisé que, même lorsqu'ils ne sont pas attribuables à la production d'un actif, de par leur caractère général, les frais (notamment frais généraux et administratifs) sont considérés comme attribuables de fait à la production dudit actif et sont donc incorporés au prix de revient de ce dernier lorsqu'ils sont exposés par une société dédiée ; conformément aux prescriptions comptables et fiscales, les dépenses spécifiques engagées au titre d'un projet déterminé au cours de la période de développement sont immobilisables (puis incorporables au coût de revient de l'immobilisation déterminée) à partir de la date à laquelle la direction de la société a pris la décision d'acquérir/de produire l'immobilisation en cause (BOI-BIC-CHG-20-20-10 n° 40 et article 213-10 du PCG) ; la société Corsica Sole 6, est une société dédiée au développement, à la construction et à l'exploitation d'une seule et unique centrale de production d'électricité ;

2°) sur les frais relatifs aux prestations fournies par SunPower (Tenesol) et Driveco :

- concernant le contrat conclu avec SunPower (Tenesol), qui a pour objet la fourniture de prestation d'assistance en matière technique et financière en vue de la constitution du dossier de candidature à l'appel d'offre 2015/S 093-1 66551 de la CRE, comme le précise la doctrine comptable non contredite par la doctrine administrative, les réponses à appel d'offre doivent bien être incorporés au prix de revient de l'immobilisation sous réserve que ces frais puissent être identifiés de façon fiable et uniquement pour la part relative au projet retenu et qu'il est probable que le contrat soit conclu ; en l'espèce, les frais relatifs à l'appel d'offre sont identifiables et ne sont relatifs qu'au seul projet retenu et il était probable que la société Corsica Sole 6 soit lauréate de l'appel d'offre, considérant que celle-ci remplissait toutes les conditions de cet appel d'offre et que les études de faisabilité avaient été réalisées ; d'ailleurs, la société Corsica Sole 6 a bien été lauréate de l'appel d'offre ; or, la doctrine comptable précise que doivent être incorporées au prix de revient, les dépenses relatives aux réponses à appel d'offres qui permettent l'exploitation future de l'immobilisation ; par suite, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les dépenses de réponses à appel d'offre permettant l'obtention d'un tarif d'achat ne permettent pas l'incorporation desdites dépenses dans le prix de revient de l'immobilisation ;

- concernant le contrat de partenariat conclu avec Driveco permettant à la société Corsica Sole 6 de répondre au cahier des charges de l'appel d'offre CRE, lequel prévoit que les pétitionnaires doivent à titre obligatoire présenter un projet comportant un aspect innovant, il est inexact de soutenir, compte tenu des principes comptables et fiscaux, que les dépenses en cause constituent des frais généraux et/ou administratif alors que ces dépenses sont directement attribuables au projet de centrale photovoltaïque et que sans ces dernières, la société n'aurait pas été en mesure de répondre à l'appel d'offre de la CRE et qu'à défaut de répondre à cet appel d'offre, la construction de la centrale n'aurait pas pu avoir lieu ;

- si l'on suivait la logique de l'administration fiscale, poursuivie par le juge de première instance, aucune dépense en relation avec la centrale ne pourrait être prise en compte dès lors que toutes ces dépenses conduisent à une exploitation ;

3°) s'agissant des factures de publication de permis de construire (2 x 280,16 euros), si chacune des factures (pièce n° 18) émises par la SARL Presse et Communication n'a été spécifiquement libellé à l'attention de Corsica Sole 6, pour autant, d'une part, les factures sont adressées à Paul H..., Président de Corsica Sole, elle-même présidente de Corsica Sole 6 et d'autre part, les annonces publiées dans le Petit Bastiais sont rédigées comme suit " Avis d'enquête publique relatif à une demande de permis de construire d'une centrale photovoltaïque au sol intégrant un stockage d'électricité lieu-dit D... présenté par la société Corsica Sole 6" ; dès lors, le rejet par les services fiscaux au motif d'un défaut de force probante ne saurait prospérer ;

4°) s'agissant de l'enquête de permis de construire (1 113,95 euros), si l'administration rejette les dépenses liées à l'enquête du permis de construire au motif d'un défaut de facture au nom de la société, la société Corsica Sole 6 serait bien en peine de fournir une facture alors même que les sommes en cause ont été arrêtées par le Tribunal administratif de Bastia et sont mentionnées dans une décision rendue par la Cour le 11 avril 2016 sous le numéro E15000051/20, relative à une enquête publique ayant pour objet " une demande de permis de construire relatif à un projet de construction d'une centrale photovoltaïque au sol sur le territoire de la commune de Prunelli Di Casacconi ", projet développé et construit par Corsica Sole 6, comme le sait justement l'administration fiscale qui s'est rendue sur site le 18 octobre 2018 dans le cadre de la vérification de comptabilité ;

5°) S'agissant de la facture d'honoraires d'architecte émise par Monsieur B... F... (15 000 euros), la société produit la facture rectifiée en pièce jointe n° 19 ;

6°) S'agissant des frais EDF (2 298,46 euros), la société Corsica Sole 6 produit la pièce jointe n° 20.

Par mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

1°) sur les frais relatifs aux prestations fournies par SunPower (Tenesol) et Driveco :

- conformément aux dispositions de l'article 38 quinquies-1 de l'annexe III au code général des impôts, le coût de production d'une immobilisation corporelle comprend, comme en matière comptable (PCG art. 321-13), l'ensemble des charges directes et indirectes qui peuvent être raisonnablement rattachées à la production du bien, à l'exclusion des coûts administratifs ; dès lors, ne doivent pas être incorporés à la valeur d'inscription à l'actif de l'immobilisation, les coûts qui ne peuvent pas être rattachés directement aux coûts rendus nécessaires pour mettre l'actif en place et en état de fonctionner, conformément à l'utilisation prévue par la direction, notamment les coûts administratifs et autres frais généraux, à l'exception du coût des structures dédiées ; comme en matière d'évaluation des stocks, ces coûts indirects correspondent à l'affectation des frais généraux de production fixes et variables, encourus au titre de la production ; sont donc exclus du coût de production, les coûts administratifs, compte tenu de leur caractère non affectable, sauf les coûts des structures dédiées exclusivement à la production des biens concernés, telles qu'une structure administrative chargée spécialement de suivre les travaux de construction de l'immobilisation ; dès lors, en l'espèce, ne sont incorporables au coût d'acquisition, que les frais des structures exclusivement dédiées à la production de la centrale photovoltaïque ;

- les frais litigieux engagés auprès des sociétés Driveco et Sunpower, bien qu'ayant accompagnés le projet de la requérante, constituent des coûts dissociables des coûts de construction de la centrale photovoltaïque elle-même ; par leur nature, ils ne peuvent être rattachés directement et exclusivement aux coûts rendus nécessaires pour mettre l'actif (la centrale photovoltaïque) en place et en état de fonctionner ; les frais engagés pour la constitution d'un dossier de candidature à un appel d'offres de la CRE, en vue de déterminer les conditions d'exercice de la centrale photovoltaïque dans sa phase d'exploitation et notamment les conditions tarifaires de la production vendue, ne se rapportent pas spécifiquement aux opérations de construction de ladite centrale ;

- la prestation d'assistance Sunpower vise à répondre à l'appel d'offres de la CRE et, notamment, en vue de bénéficier d'un tarif d'achat de l'énergie pour l'exploitation du projet sur le site ; les frais relatifs à cette assistance ne se rapportent donc pas exclusivement et directement aux coûts de construction, mais concernent également la phase d'exploitation (production et vente d'électricité) de la centrale ; la rémunération fixe, forfaitaire, de 950 000 euros hors taxes, ne permet pas d'identifier séparément et d'évaluer de façon fiable les frais engagés exclusivement pour la production de la centrale ; cette dépense ne peut donc être incluse dans le coût de construction de la centrale ;

- l'administration a rejeté la dépense Driveco d'un montant global de 35 000 euros (rémunération forfaitaire qui ne permet pas d'identifier séparément et d'évaluer de façon fiable les frais engagés), au motif qu'il s'agit d'une dépense engagée au titre d'un contrat de recherche et développement, et non d'une dépense directement rattachable aux coûts rendus nécessaires pour mettre l'actif en place et en état de fonctionner ; certes, cette dépense résulte d'un contrat de recherche et développement, conclu le 10 novembre 2015 entre la requérante et la société Driveco pour répondre à un critère de l'appel d'offre de la CRE qui imposait aux candidats de proposer un aspect innovant pour chaque projet ; ces dépenses de recherche et développement, bien qu'ayant accompagné le projet, constituent des coûts dissociables des coûts de construction de la centrale photovoltaïque elle-même ; par leur nature, ils ne peuvent donc être rattachés directement et exclusivement aux coûts rendus nécessaires pour mettre l'actif (la centrale photovoltaïque) en place et en état de fonctionner ; en outre, le contrat Driveco comprend la fourniture d'un véhicule électrique tout-terrain qui sera utilisé pour la maintenance du site ; or, il est rappelé qu'ouvrent droit à l'amortissement dégressif, les matériels utilisés à des opérations industrielles de transport, tels, d'une manière générale, les matériels roulants assurant l'approvisionnement des machines ou l'évacuation des produits fabriqués ou transformés ; à titre d'application, les camionnettes ne sont réputées utilisées à des opérations industrielles et admises, en conséquence, au bénéfice de l'amortissement dégressif, que lorsque leur charge utile est au moins égale à deux tonnes ; les voitures de tourisme demeurent exclues du champ d'application de l'amortissement dégressif ; parmi la catégorie des véhicules utilitaires, seuls les véhicules de transport d'une charge utile supérieure ou égale à deux tonnes sont éligibles au régime de l'amortissement dégressif (RM Michel Bernard, n° 32127, JO, déb. AN du 8 février 1988, p. 576) ; en l'espèce, il ne résulte pas des éléments produits que le véhicule fourni par Driveco pour la maintenance du site réponde à la définition des matériels utilisés à des opérations industrielles de transport ; il n'entre donc pas dans les catégories des biens susceptibles de faire l'objet d'un amortissement dégressif visées à l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts ;

2°) s'agissant des autres dépenses :

- la société Corsica Sole 6 ne produit pas de justificatifs probants, or, pour avoir valeur probante, les factures doivent comporter, en application du II de l'article 289 du code général des impôts, des mentions obligatoires telles qu'énumérées à l'article 242 nonies A de l'annexe II audit code ; s'agissant des règles encadrant la numérotation des factures, une facture doit obligatoirement comporter un numéro unique basé sur une séquence chronologique continue ; il en résulte que les numéros font partie des mentions obligatoires d'une facture, sont attribués de manière ininterrompue, sans aucun trou ni aucune rupture et qu'ils se suivent successivement dans le temps, au fur et à mesure de l'émission des factures ;

- s'agissant des deux factures de publication du permis de construire, n'étant pas libellées au nom de l'appelante, elles ne peuvent justifier de leur prise en charge et donc être retenues dans l'assiette du crédit d'impôt sollicité ;

- s'agissant des frais d'enquête afférents à la demande du permis de construire, l'appelante ne produit pas de facture de cette dépense, ni ne justifie de sa prise en charge ; dès lors, ces frais ne peuvent être retenus dans la base du crédit d'impôt sollicité ;

- s'agissant des honoraires d'architecte, si l'appelante qui avait initialement produit une facture émise par M. B... F... qui est parent de M. E... F..., directeur général de la société Corsica Sole 6 qui ne comportait aucun numéro (pièce n° 7), logiquement rejetée par l'administration, elle a ensuite produit, devant les juges de première instance, une facture qu'elle qualifie de " rectificative ", laquelle comporte uniquement la mention rectificative " N° 2017 - CS 6 - A 011 " (pièce n° 19), mais ne contient aucune indication précisant qu'il s'agit d'une facture rectificative, ne faisant pas mention de la facture qu'elle remplace ; la dépense en cause ne peut donc être comptabilisée dans la base du crédit d'impôt sollicité ;

- s'agissant des frais EDF, en l'absence de facture, la requérante se bornant à ne produire qu'un simple devis (pièce n° 20), auquel il ne peut être accordé de force probante, la dépense en cause ne peut être comptabilisée dans l'assiette du crédit d'impôt sollicité.

Ils font valoir que les moyens invoqués par la SAS Corsica Sole 6 ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... G...,

- les conclusions de M. Allan Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Bermudez, représentant la SAS Corsica Sole 6.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Corsica Sole 6, qui a pour objet social le développement, la construction et

l'exploitation d'infrastructures de production d'énergie d'origine photovoltaïque, a réalisé des

investissements pour la construction et la mise en service d'une centrale photovoltaïque sur la

commune de Prunelli-di-Casacconi, au lieu-dit D.... Elle a demandé, au titre de son exercice

clos le 31 décembre 2017, le bénéfice d'un crédit d'impôt pour investissement en Corse pour un montant de 5 281 590 euros, représentant 30 % des investissements réalisés. A la suite d'une

vérification de comptabilité effectuée du 11 octobre au 12 novembre 2018, l'administration

fiscale a, par une décision du 13 juin 2019, admis une restitution du crédit d'impôt d'un montant

de 4 636 905 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

2. La SAS Corsica Sole 6 ayant demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 321 807 euros, correspondant à un montant de 1 072 691 euros d'investissements, au titre d'un crédit d'impôt sur les sociétés constitué pour l'exercice clos le 31 décembre 2017, elle relève appel du jugement n° 1900975 du 19 octobre 2021 en tant que le tribunal n'a que partiellement fait droit à sa requête en n'admettant au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôt, que les frais relatifs aux intérêts du prêt intragroupe à court terme conclu avec la société Corsica Sole Invest 5, d'un montant de 68 718,75 euros hors taxe.

3. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur : " I. - 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition

peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle,

commerciale, artisanale, libérale ou agricole... 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à

20 % du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode

dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A... 3° bis Le taux mentionné au premier alinéa du 3° est porté à 30 % pour les entreprises qui ont employé moins de onze salariés et ont réalisé soit un chiffre d'affaires n'excédant pas 2 millions d'euros au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené le cas échéant à douze mois en cours lors de la réalisation des investissements éligibles, soit un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros... ". Aux termes de l'article 39 A de ce code : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession... peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif... ". Aux termes de l'article 22 de l'annexe II au même code : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif, dans les conditions fixées aux articles 23 à 25, les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après : Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport ;... ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies... d. Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières ou fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production et des coûts d'emprunt dans les conditions pré vues à l'article 38 undecies. Les coûts administratifs sont exclus du coût d'acquisition et du coût de production définis ci-dessus, à l'exception du coût des structures dédiées... ". Aux termes de l'article 38 undecies de la même annexe : " Les coûts d'emprunt engagés pour l'acquisition ou la production d'une immobilisation, corporelle ou incorporelle, ou d'un élément inscrit en stock ou en encours, peuvent être, au choix de l'entreprise, soit compris dans le coût d'origine de l'immobilisation ou du stock, soit déduits en charge au titre de l'exercice au cours duquel les intérêts sont courus. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux coûts d'emprunt attribuables aux éléments d'actif et engagés jusqu'à la date d'acquisition ou de réception définitive du bien qui exigent une période de préparation ou de construction en principe supérieure à douze mois avant de pouvoir être utilisés ou cédés... ".

4. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt pour investissement en Corse eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations. S'il se prononce au vu des éléments avancés par l'une et l'autre partie, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.

5. Il résulte des dispositions citées point 3, que sont exclus du crédit d'impôt les coûts administratifs, sauf si l'entreprise qui sollicite le crédit d'impôt est une structure dédiée à un seul et unique projet, auquel cas, les dépenses administratives en cause sont également incorporables au prix de revient de l'immobilisation. Une structure dédiée s'entend d'une entité dans laquelle toutes les dépenses et frais exposés ne concernent qu'une seule et même immobilisation à l'exclusion de toute autre, même lorsqu'ils ne sont pas attribuables à la production d'un actif. De par leur caractère général, les frais (notamment frais généraux et administratifs) sont considérés comme attribuables de fait à la production dudit actif et sont donc incorporés au prix de revient de ce dernier lorsqu'ils sont exposés par une société dédiée. Les dépenses spécifiques engagées au titre d'un projet déterminé au cours de la période de développement sont immobilisables (puis incorporables au coût de revient de l'immobilisation déterminée), à partir de la date à laquelle la direction de la société a pris la décision d'acquérir ou de produire l'immobilisation en cause. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, que les coûts administratifs exposés par une structure dédiée ne peuvent ouvrir droit au crédit d'impôt investissement en Corse prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts, que lorsqu'ils se rapportent à l'acquisition ou à la construction du bien immobilisé, et non à son exploitation.

6. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par l'administration fiscale, que la société Corsica Sole 6 est une société dédiée au développement, à la construction et à l'exploitation d'une seule et unique centrale de production d'électricité, au sens des dispositions précitées point 3.

7. S'agissant des coûts administratifs revendiqués par la société Corsica Sole 6, il résulte de l'instruction, que si le partenariat conclu par la société Corsica Sole 6 avec SunPower (Tenesol) pour un montant total de 950 000 euros hors taxes, avait pour objet la fourniture de prestation d'assistance en matière technique et financière en vue de la constitution du dossier de candidature à l'appel d'offre 2015/S 093-1 66551, ces prestations ne sauraient être incorporées au prix de revient de l'immobilisation, que sous réserve que ces frais puissent être identifiés de façon fiable et uniquement pour la part relative à la construction du bien immobilisé, et non à son exploitation. Il en va de même du partenariat conclu avec Driveco pour un montant total de 35 000 euros hors taxes qui permettait à la société Corsica Sole 6 de répondre utilement au cahier des charges de l'appel d'offre. Les pièces contractuelles et factures produites ne permettent pas davantage à la cour qu'aux premiers juges de faire la part précises, parmi les prestations fournies par ces prestataires, entre d'une part les coûts qui peuvent être incorporés aux immobilisations pour être pris en compte dans le cadre du calcul du crédit d'impôt investissements en Corse et ceux qui ne peuvent l'être.

8. S'agissant des autres dépenses, si l'administration fiscale reproche à la société Corsica Sole 6 de produire des factures qui ne sont pas conformes au code général des impôts, elle ne conteste pas que ce n'est pas celle-ci qui les a établies. S'il résulte des dispositions de l'article 289 du code général des impôts, que tout assujetti doit s'assurer de la délivrance d'une facture pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, il est constant que la société Corsica Sole 6 n'a pas établi de factures pour des prestations qu'elle aurait effectuées pour un autre assujetti. Dès lors, l'administration fiscale n'est donc pas fondée à lui opposer une non-conformité des factures qu'elle produit et qu'elle n'a pas établies. Toutefois, la société Corsica Sole 6 ne démontre pas avoir effectivement réglé les honoraires d'architecte d'un montant de 15 000 euros hors taxes, selon facture établie par M. B... F.... De même, si elle persiste à se prévaloir devant la cour, de deux factures d'un montant de 280,16 euros hors taxes, mentionnant comme client M. A... H..., elle ne justifie pas avoir effectivement pris en charge la dépense en cause. En outre, si, pour justifier la dépense d'un montant de 1 113,16 euros au titre des frais d'enquête, elle produit une copie d'une ordonnance du tribunal

administratif de Marseille taxant à ce montant les frais et vacations de l'enquête afférents à la

demande de permis de construire relative à un projet de construction d'une centrale

photovoltaïque sur le territoire de la commune de Prunelli-di-Casacconi, il ne résulte pas de l'instruction que le paiement de cette somme ait été mis à la charge de la société appelante. Enfin, la dépense d'un montant de 2 296,46 euros hors taxe pour des travaux réalisés par EDF n'est justifiée que par un devis.

9. Compte tenu de tout ce qui précède, la société Corsica Sole 6 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia n'a pas admis au bénéfice du crédit d'impôt investissements en Corse prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, les sommes énoncées aux points 7 et 8 à concurrence d'un montant de 301 191,4 euros, soit une assiette de 1 003 971,3 euros. Par suite, ses conclusions formulées à fin de restitution et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Corsica Sole 6 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Corsica Sole 6, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, où siégeaient :

- M. Taormina, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mars 2023.

N° 21MA04638 2

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04638
Date de la décision : 10/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.

Contributions et taxes - Incitations fiscales à l'investissement.

Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. TAORMINA
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELAS LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-10;21ma04638 ?
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